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La méthode d’extraction d’une population de cratères représentative de l’âge de mise en place d’un cratère à éjecta lobés présentée en chapitre 2.3 mérite d’être validée avant d’être appliquée dans la suite de la thèse. Pour cela, nous avons utilisé les cratères doubles à éjecta lobés comme objet d’étude.

Ces structures ont la particularité de présenter des indices morphologiques prouvant leur forma-tion simultanée. Une dataforma-tion sera effectuée pour chacun des deux cratères et ce sur une large population de cratères doubles. Une comparaison des âges obtenus pour chacun des couples sera ensuite effectuée afin de valider la méthode d’extraction d’une CSFD sur les nappes repré-sentative de l’âge du cratère associé.

2.4.1 Les cratères doubles à éjecta lobés

Les cratères doubles constituent des structures reflétant l’impact d’astéroïdes bi-naires sur une surface planétaire (Miljkovic et al., 2013). Les astéroïdes bibi-naires sont des sys-tèmes composés de deux objets en interaction gravitationelle l’un avec l’autre (Doressoundiram, 1997). Lors de l’impact de tels systèmes, si les deux cratères sont proches l’un de l’autre, un souffle latéral perpendiculaire à la direction formée par le centroïde des deux cratères se met en place à la jonction des deux impacts.

Ce souffle engendre une augmentation de la vitesse des éjecta qui peuvent alors se déposer sur une plus grande distance (Miljkovic et al., 2013). Il est alors possible d’observer une nappe d’éjecta relativement régulière autour du cratère double ponctuée de deux lobes de plus grande taille au niveau de la jonction latérale des deux cratères comme le montre la figure 2.13.

Ainsi, les nappes des deux cratères se confondent en une unité bien individualisée prouvant la formation synchrone des deux cratères.

FIGURE 2.13 – a : Expériences de laboratoire illustrant la formation des cratères doubles et des éjecta associés. b : Exemples de cratères doubles sur Mars présentant des éjecta lobés. Modifié à partir de Miljkovic et al. (2013).

2.4.2 Datation d’un cratère double à éjecta lobés

La datation des cratères doubles à éjecta lobés martiens qui seront présentés dans la suite de ce chapitre a été effectuée suivant la même méthodologie présentée en section 2.3. Trois datations ont été effectuées pour chaque couple de cratères. Un exemple est donné en figure 2.14.

Une première datation consiste à prendre en compte l’ensemble des cratères présents sur les nappes à l’exception des zones dominées par la cratérisation secondaire (polygone vert sur la figure 2.14.a). À partir de cette CSFD une subdivision a été effectuée en prenant en compte les cratères présents sur les nappes de chacun des deux cratères (respectivement les cratères rouges et bleus sur la figure 2.14.a).

Les âges associés à chacune des trois CSFD sont présentés en figure 2.14.b en respectant le même code couleur que la figure 2.14.a. La datation effectuée par la prise en compte de l’ensemble des cratères de la nappe (CSFD verte sur la figure 2.14.b) donne un âge de µ 2, 39±0,34/0,37milliards d’années. Les cratères de la nappe située au nord donne un âge de

µ 2,44±0,39/0,44milliards d’années. La datation effectuée au sud de la nappe donne un âge de µ 2,27±0,54 milliards d’années. L’ensemble de ces âges sont très proches les uns des autres et au vu des incertitudes associées à chacun d’entre-eux, les datations effectuées se recoupent et semblent converger vers un âge de formation moyen de µ 2,23 milliards d’années.

FIGURE2.14 – Datation d’un cratère double à éjecta lobés martien. a : Comptage des cratères de plus de 100 m de diamètre sur les nappes d’éjecta. Le polygone vert délimite la nappe d’éjecta de l’ensemble des deux cratères. Les cratères bleus sont ceux qui appartiennent à la nappe du cratère situé au sud tandis que les rouges sont associés à la nappe du cratère situé au nord. b : Âges associés aux trois CSFD extraites sur les nappes d’éjecta.

2.4.3 Résultats des datations et interprétations

À partir de la base de données de cratères double à éjecta lobés établie par Guim-pier(2016), une datation de 13 cratères doubles à éjecta lobés a pu être effectuée (Lagain et al., 2017c). La localisation de chacun des couples est présentée en figure 2.15.a et les âges associés en figure 2.15.b. Dans 85 % des doublets, les âges mesurés sont en accord avec un impact syn-chrône, c’est-à-dire un impact d’un couple d’astéroïdes binaires. Que ce soit à l’Amazonien ou à des périodes beaucoup plus anciennes comme le Noachien, la correspondance des âges des cratères est relativement bonne.

Cependant, deux cratères ont des âges qui ne se recoupent pas : 10°N, 164° W et 45° N, 41° W. L’absence de concordance des âges pour ces deux cratères peut s’expliquer par le faible nombre de cratères superposés à leurs éjecta qui nous ont servi à les dater. Ces deux couples de cratères ont des nappes relativement restreintes. Ceci engendre par conséquent un faible nombre de cra-tères comptabilisés sur leurs nappes, et ce, quel qu’en soit leur âge. En effet, ces deux couplets ont un âge qui a été déterminé avec moins d’une dizaine de cratères superposés à leurs éjecta. Le faible échantillonnage statistique de ce comptage induit de grandes incertitudes quant à l’âge déduit de ces CSFDs.

La cohérence de la grande majorité des âges des doublets mesurés ici nous permet de valider notre méthode de datation de cratères à éjecta lobés. Cependant, l’incohérence des âges de deux doublets met en évidence un problème récurrent dans la datation des surfaces planétaires : un faible nombre de cratères échantillonnés pour dater est un facteur limitant dans l’obtention d’un âge cohérent. Il est donc capital de déterminer une zone de comptage suffisament grande de manière à ce que celle-ci contienne un nombre de cratères sufffisant pour limiter la variabilité statistique de la datation.

FIGURE 2.15 – Résultats des datations de chacun des treize doublets de cratères à éjecta lobés d’après Lagain et al. (2017c). a : Localisation et époque de formation de la population considé-rée. b : Détail des trois datations effectuées pour chaque doublet.