• Aucun résultat trouvé

1.1.2 Historique

1.1.2.4 Adaptation du modèle aux autres corps planétaires, l’exemple

La Lune est le seul corps planétaire dont nous avons des échantillons qui ont été da-tés et dont l’âge a pu être comparé à la densité de cratères de la zone de laquelle ils proviennent. Les échantillons de roches martiennes ou de la planète naine Vesta que nous avons à disposition ne sont que des météorites issues des débris d’impacts ayant eu lieu sur ces corps mais dont la provenance précise reste encore inconnue.

La datation des surfaces des autres corps telluriques est rendue possible par le fait que la source des impacteurs est la même : la cratérisation des surfaces est en grande partie alimentée par la ceinture principale d’astéroïdes (Neukum et al., 2001). À partir de cela et en connaissant la chronologie lunaire, la fonction de production de la Lune a été adaptée et utilisée comme analogue à toutes les planètes telluriques du Système Solaire interne.

FIGURE 1.8 – Fonctions de chronologie pour des cratères de diamètre supérieurs à 1 km pour des objets de la ceinture principale : Lutetia et Vesta (Williams et al., 2014), et pour des objets du Système Solaire interne : Mercure (Strom and Neukum, 1988) et Mars (Hartmann, 2005). Tous ces modèles sont dérivés de la chronologie d’impact lunaire de Neukum et al. (2001) également représenté sur la figure.

En ce qui concerne la chronologie martienne, celle-ci fût adaptée de la chronologie lunaire en tenant compte de la différence de gravité entre Mars et la Lune, de l’influence de la Terre dans le système Terre-Lune, de la différence de l’atmosphère martienne et lunaire (qui joue un rôle pour les petits impacteurs) et de la proximité de Mars avec la ceinture d’astéroïdes, mais aussi de l’excentricité de l’orbite de la planète (Le Feuvre and Wieczorek, 2008, 2011). De manière générale, le paramètre permettant de passer d’une chronologie adaptée à un corps planétaire à celle adaptée à un autre corps est le Rbolide, défini par les modèles d’évolution collisionelle du Système Solaire. Dans le cas de Mars par exemple, celui-ci traduit le rapport entre le nombre d’impacteurs entrant dans l’atmosphère terrestre et ceux qui impactent la surface lunaire (Iva-nov, 2001).

Les chronologies représentée sur la figure 1.8 présentent toute la même pente pour les gammes d’âges déjà citées dans le cas lunaires. Cependant, le flux est très variable selon les corps consi-dérés. Lutetia et Vesta sont deux corps de la ceinture principale et de ce fait baignent dans un nuage de débris. Ils sont donc plus sujets au bombardement météoritique (Williams et al., 2014). La proximité de Mercure au Soleil entraine une forte attraction des débris interplanétaires sur son orbite et engendre un flux plus important que sur Mars ou sur la Lune (Strom and Neukum, 1988), lesquelles, malgré leur proximité à la ceinture d’astéroïdes, ne présentent pas une gravité importante comparée à celle du Soleil..

a

b

FIGURE1.9 – a : Modèle de chronologie martienne d’Hartmann (2005) (à gauche) et de Neukum et al.(2001) (à droite). b : Comparaison des limites des grandes époches géologiques martiennes entre le modèle d’Hartmann and Neukum (2001), Hartmann et al. (1981) et Neukum and Wise (1976) de Neukum et al. (2001)d’après Meresse (2006).

Les deux principaux modèles de chronologie martienne utilisés actuellement sont les modèles d’Hartmann (2005) et de Neukum et al. (2001) (voir figure 1.9). Ils sont tous les deux le fruit

de la transposition du flux lunaire et de nombreuses mesures de densités de cratérisation à la surface de Mars (Tanaka, 1986) depuis les premières images prises par la sonde Mariner 4 en 1964 (Opik, 1964; Hartmann, 1973, 1999, 2005; Ivanov, 2001; Neukum, 1983; Neukum and Ivanov, 1994; Neukum et al., 2001).

À partir des grandes différences de densité de cratérisation que présente la surface de la planète rouge, les auteurs ont pu déterminés trois grandes périodes de son histoire géologique : le Noa-chien, l’Hespérien et l’Amazonien. Les limites temporelles de ces périodes varient grandement en fonction du modèle utilisé car les auteurs se basent sur des âges d’échantillons lunaires -donc de flux d’impact lunaire - différents (voir figure 1.9). Ces trois époques correspondent à des épisodes d’activité géologique de la planète bien distinctes dont la description ci-dessous offre un bref état des connaissances, centré sur l’histoire de l’activité aqueuse :

— Le Noachien (& 3,7 Ga) est la période la plus ancienne de Mars et caractérisée par un flux d’impact important, la formation d’un régolite et d’une activité hydrothermale et volcanique intense. L’incision par des réseaux de vallées des terrains datant de cette époque (Craddock and Howard, 2002; Fassett and Head, 2008; Ansan et al., 2008), les taux d’érosion relativement important constatés sur ces surfaces (Craddock and Ho-ward, 2002) et la présence de minéraux hydratés, comme des phyllosilicates, issus de l’altération aqueuse (Bibring et al., 2006) suggèrent un climat chaud et humide durant le Noachien. Même en cas d’échappement atmosphérique par la perte du champ magné-tique, le dégazage de grandes quantités de dioxyde de carbone et de vapeur d’eau par la formation du dôme volcanique de Tharsis (voir figure 1.10) a permis à ce climat de persister.

— L’Hespérien (∼ 3,7Ga - 3Ga) est notamment caractérisé par une diminution de l’im-pactisme et un climat globalement plus froid. De nombreux réseaux de vallées datant de cette période montrent que l’activité fluviale perdure à cette époque (Mangold et al., 2004b; Bouley et al., 2010). Les vallées de débâcles (outflows) incisant ces terrains sont les plus anciens de la planète (voir figure 1.10) et suggèrent le relarguage d’une grande quantité d’eau provenant d’aquifères souterrains, de lacs ou encore de fonte brutale de glace de sol (due à l’épaississement progressif d’une cryosphère par onde de gel)

durant cette période Baker et al. (1991); Clifford et al. (2010). Leur convergence vers les basses plaines de l’hémisphère Nord (Acidalia, Utopia et Arcadia Planitia) indiquent que ce relarguage brutal d’eau a pu conduire à la formation d’un océan recouvrant ces plaines. L’hypothèse de l’existance d’un océan hémisphérique durant l’Hespérien a récemment été renforcé suite à la découverte de dépôts de tsunamis provenant des plaines en direction des régions constituant la dichotomie martienne (Rodriguez et al., 2016; Costard et al., 2017). La co-existence de ces vallées de débâcle et des réseaux de vallées incisant des terrains hespériens (Bouley and Craddock, 2014; Mangold et al., 2016), similaires à ceux existant au Noachien, amènent à penser que le climat alternait à cette époque entre des périodes glaciaires et interglaciaires (Head and Marchant, 2014; Mangold et al., 2016). L’activité volcanique est néanmoins très intense puisque les principales phases de construction du dôme de Tharsis sont attribuées à cette période (Grott, 2013). C’est à cette époque que se forment les premiers modelés d’érosion et de dépôts d’origine glaciaire (Head and Pratt, 2001), indiquant que la tendance générale du climat à cette période est au refroidissement. Débutée au Noachien, l’arrêt de la dynamo interne se poursuit durant l’Hespérien engendrant un échappement atmosphérique important.

— L’Amazonien (. 3 Ga), période la plus récente dans l’histoire géologique martienne est marquée par une diminution de l’activité érosive et volcanique Carr and Head (2010) (voir figure 1.10) ainsi qu’une baisse du flux d’impact météoritique (supposé constant depuis le début de cette époque). C’est à cette époque que se sont formées les calottes polaires boréale et australe (Herkenhoff and Plaut, 2000). Si on estime que le stockage de l’eau en profondeur sous la forme d’un pergélisol riche en glace s’est produit à la transition Hespérien / Amazonien, la persistence et l’évolution latitudinale de celui-ci durant les dernières phases d’évolution géologique de Mars est un des évènements mar-quants de l’Amazonien (Costard and Kargel, 1995; Morgenstern et al., 2007; Kreslavsky and Head, 2002; Head et al., 2003). L’activité des outflows et, dans une moindre me-sure, celle des réseaux de vallées est encore perseptible durant cette période (Chapman

et al., 2010). Le volcanisme perdure encore à l’Amazonien (Platz et al., 2013; Mangold et al., 2016) et jusqu’à des périodes très récentes (< 100 Ma pour les dernières périodes d’activité Olympus Mons (Neukum et al., 2004). Le climat à cette époque est donc pro-bablement comparable à celui qui règne actuellement sur Mars limitant ainsi la présence d’eau liquide à la surface. C’est principalement à cette période que se sont formés la plupart des cratères à éjecta lobés dont nous discuterons de leur morphologie et de leur mode de formation dans les sections 1.2.2.2et 1.2.3.

Notons que l’intensité et la durée des processus ayant marqués l’histoire géologique de Mars sont directement dépendantes du modèle de chronologie utilisé pour dater les terrains qui ont enregistrés ces évènements géologiques. La méthode de datation par comptage de cratères permt donc non seulement de caler dans le temps des évènements poctuel mais aussi de reconstruire l’ensemble de l’histoire géologique d’un corps en précisant la durée et l’intensité des processus à l’oeuvre sur la surface, à l’intérieur du corps consideré mais aussi d’apporter des informations sur l’évolution de son éventuelle atmosphère.

FIGURE 4 – Importance relative et durée des principaux processus géologiques (volcanisme, tecto-nique, cratérisation, activité aqueuse) d’après Carr and Head (2010).

2.1.3.1 Le Noachien, un climat chaud et humide (∼ 4, 5 Ga - ∼ 3, 7 Ga). Marquée par un flux

d’impacts important, l’époque la plus ancienne de Mars est caractérisée par la formation d’un régolite et d’une activité hydrothermale et volcanique intense. L’incision par des réseaux de vallées des terrains datant de cette époque (Ansan et al., 2008), les taux d’érosion relativement important constatés sur ces surfaces (Craddock and Howard, 2002) et la présence de minéraux hydratés issus de l’altération aqueuse (Bibring et al., 2006) suggèrent un climat chaud et humide durant le Noachien. Même en cas d’échappement atmosphérique par la perte du champ magnétique, le dégazage de grandes quantité de dioxyde de carbone et de vapeur d’eau par la formation du dôme volcanique de Tharsis (voir figure 1) a permis à ce climat de persister (Phillips et al., 2001).

2.1.3.2 L’Hespérien, un climat froid et ponctuellement humide (∼ 3, 7 Ga - ∼ 3 Ga) se

caracté-rise par une diminution drastique de l’activité érosive, volcanique et du flux d’impact météoritique. La présence de vallées de débacle (outflows) incisant ces terrains suggèrent le relarguage d’une grande quantité d’eau provenant d’aquifères souterrains, de lacs ou encore de la fonte brutale de glace de sol (due à l’épaississement progressif d’une cryosphère par onde de gel) durant cette période (Baker et al., 1991; Meresse et al., 2008). Leur convergence vers les plaines Nord (Acidalia Planitia, Utopia Planitia...) indiquent que ce relarguage brutal d’eau a pu conduire à la formation d’un océan recouvrant les basses plaines du Nord.

Ceci expliquerait la présence de dépôts sédimentaires constituant la Vastistas Borealis Formation (VBF) et de replats topographiques comparables à des lignes de rivage (Baker et al., 1991; Clifford and Parker, 2001; Carr and Head, 2003), mais tout ceci n’est qu’une hypothèse puisqu’aucun dépôt carbonaté n’a été détecté à ces endroits.

Toutefois, l’activité fluviale perdure à l’Hespérien puisqu’une grande partie des réseaux ramifiés obser-vés sont datés de cette période (Bouley et al., 2009, 2010; Bouley and Craddock, 2014).

FIGURE 1.10 – Importance relative et durée des principaux processus géologiques martiens (volcanisme, tectonique, cratérisation, activité aqueuse) d’après Carr and Head (2010).