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B) Fonctionnement de l’accompagnement à la scolarité (Clas) public concerné et intervenants

3) Plus-value de l’accompagnement à la scolarité et limites de ses pratiques pédagogiques

(a) Plus-value de l’accompagnement à la scolarité

Nombreuses sont les recherches qui ont noté une amélioration de la socialisation chez les enfants qui ont participé aux activités des dispositifs. En ce qui concerne le comportement des élèves perturbateurs qui est en déphasage avec l’attitude scolaire, selon le témoignage des enseignants, Payet et Sicot F. (1996) note une « modification des attitudes » c'est-à-dire de la confiance en soi et de la relation avec ses pairs. On constate également un changement de regard porté par les adultes sur ces élèves (Glasman, Besson, 2004). Ces propos relèvent des témoignages des animateurs et des enseignants qui appréhendent différemment ces élèves.

Les recherches de Glasman et al. 1998 ont montré des évolutions positives au niveau des élèves. Cela se traduit par les appréciations et les éloges que reçoivent ces élèves de la part de leurs enseignants en cours. Pour ce qui est de la relation de l’élève avec d’autres

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personnes, on constate également des avancées parce qu’une place d’écoute, de dialogue et de respect est accordée à ces élèves.

Pour ce qui est du métier d’écolier, on a relevé que les dispositifs « semblent favoriser l’accomplissement des gestes quotidiens du métier d’élèves, puisque les devoirs sont faits et les leçons apprises » (Glasman, 2004). Mais il reste à savoir si l’aide apportée aux élèves dans ces dispositifs leur permet d’acquérir les compétences qui sont attendues à partir de l’exercice fait à la maison ou s’ils ont eu satisfaction pour s’être acquittés de la tâche qui leur a été demandée sans s’imprégner des entraînements cognitifs. Rochex (1996) souligne que certains élèves, au lieu de faire leur exercice, peuvent « jouer avec l’exercice à se montrer plus malins sans pour autant adhérer à la démarche même du travail scolaire. » En clair, retenons que les dispositifs d’accompagnement à la scolarité stabilisent l’efficacité d’apprentissage chez les élèves pour peu que les activités soient intensifiées à l’égard des élèves en difficultés (Suchaut, 2009). L’implication des parents dans les dispositifs d’accompagnement est également un ingrédient indispensable pour obtenir des résultats probants et attendus dans ces structures. Il est certain que les dispositifs d’accompagnement à la scolarité ne peuvent pas résoudre toutes les difficultés. Mais est-ce qu’ils peuvent réduire les inégalités sociales pour favoriser la réussite pour tous ? Les travaux de Jarousse, Leroy- Audouin, Suchaut, 1999 ; Tronçin, 2005 ont pointé la forte apparition des inégalités sociales de compétence en dehors des temps scolaires. Ne serait-il donc pas plus utile de placer l’aide aux devoirs au sein de l’école pour impliquer un peu plus les élèves par une pédagogie plus adaptée (Atalli, Bressoux, 2002)?

De façon générale, la littérature française sur l’accompagnement à la scolarité souligne un effet positif de cette politique éducative. En revanche, comme l’indiquent Glasman, Besson (2004, p. 119), les progrès notés « concernent une minorité d’élèves, sauf dans certains cas bien précis » et les résultats sont plus probants pour les dispositifs qui polarisent leurs activités sur le travail scolaire. Piquée conclut à la suite de ses travaux de recherches que « les dispositifs qui conviennent aux élèves de CE1 ne sont pas forcément ceux qui conviennent aux élèves de CM1. On pourrait résumer cela en disant qu'en CE1 il est plus efficace (en fait, moins inefficace) d'offrir un contenu combinant aide scolaire et activités culturelles, alors qu'en CM1 les bénéfices de l'accompagnement à la scolarité s'observent surtout lorsqu'une aide strictement scolaire est apportée, au sein de l'école, par les aides éducateurs » (Piquée, 2001 et 2003). Par ailleurs, les travaux de Piquée (2003) ont révélé

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que parfois les dispositifs d’accompagnement peuvent accroître les inégalités scolaires. Comme solution à ces inégalités scolaires, Bautier propose qu’un accent soit mis sur l’ouverture culturelle qui est « l'arrière-plan nécessaire à la construction d'un sens des savoirs scolaires et de l'école qui va de pair avec le travail intellectuel et les apprentissages et participer ainsi d'une culture commune ». Il ajoute que « les activités doivent correspondre à ce qui peut rendre la scolarisation possible en termes de présupposés cognitifs, culturels, langagiers, comportementaux. Cette conception de l'accompagnement est la plus à même d'aider les élèves si l'on s'appuie sur ce que des travaux de recherche mettent en évidence : ce sont les rapports au savoir, à l'école, au langage, au monde, qui sont porteurs de la différenciation sociale et scolaire. » (Bautier, 2001)

L’accompagnement à la scolarité est une aubaine pour les élèves en difficultés. Il révèle la stratégie politique d’un système éducatif confronté à ses propres limites (Chapman, Laird, Ifill, & KewalRamani, 2011 ; Commission Européenne, 2000 ; Glasman, 2012). Néanmoins, il ne peut pas se substituer à l’école encore moins s’exclure de la pédagogie des enseignants. Le CLAS constitue simplement un partenaire de l’école. Ainsi les recherches de Piquée, Suchaut (2002) et de Durning (2006) ont montré que l’implication des parents d’élèves pour ce qui est de la collaboration avec les acteurs dans le but de vite déceler les difficultés des élèves, dans les dispositifs d’accompagnement à la scolarité, occupe une place importante dans la réussite scolaire de leurs enfants (Fondation de France, 2005). A partir du discours des acteurs (accompagnateurs et enseignants), on note des effets positifs de l’accompagnement à la scolarité sur les élèves. Aussi, les parents apprécient-ils l’apport positif de ces structures dans la réussite scolaire (Do Céu Cunha, 1998).

(b) Effet de l’accompagnement scolaire à l’aune de son approche pédagogique

L’idée de départ de l’accompagnement scolaire est de faire en sorte que les élèves qui fréquentent les dispositifs puissent acquérir par le biais des bénévoles une méthodologie de travail (MEN, 2001). Or, les travaux qui ont été menés sur la pédagogie dans les dispositifs d’accompagnement montrent que les bénévoles en charge des élèves se donnent une certaine liberté pédagogique autre que celle qu’utilisent les enseignants (Glasman 2004). Par conséquent, il se pose le problème du « passage du milieu didactique de classe » à celui de hors la classe pouvant engendrer d’autres difficultés (Johsua S. & Félix C. 2002).Quand on sait que la classe d’une part et la maison ou les dispositifs d’accompagnement à la scolarité

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d’autre part n’ont pas les mêmes effets de motivation sur les élèves et n’obéissent « aux mêmes règles de construction », il y a de quoi s’interroger (Rayou, 2010). En déplaçant le cadre pour laisser l’apprentissage dans les mains des adultes autres que les enseignants, « souvent sans coordination entre eux », il se crée une cassure dans le rythme d’apprentissage (Savoie, 2003 ; Poucet, 2008). A juste titre Trautwein et Koller (2003) découvrent qu’« au rythme contraignant et collectif de l’école s’oppose alors le caractère irrégulier et libre du travail à la maison. » Aussi, pourrait-on se poser la question de l’efficacité de l’aide aux devoirs pour les élèves participant à ce programme au regard des différents malentendus qu’il suscite entre enseignants et acteurs de l’accompagnement (Bautier & Rochex, 2007).

Des recherches ont mentionné l’inefficacité de l’externalisation des devoirs pour plusieurs raisons. Souvent, il émerge des brouillages didactiques chez les élèves ayant participé aux aides dans les dispositifs, ce qui fait naître l’inadéquation entre l’effort fourni et les résultats obtenus (Barrère, 2003). C’est ce qui fait dire à Lescouarch (2014) que “Travailler plus pour apprendre plus”, ça ne marche pas ». Glasman (2004), Esptein et Van Voorhis (2001) font émerger de leurs recherches que ces dispositifs sont enclins à s’émanciper de la pédagogie de l’école. L’émancipation des codes scolaires, observée, peut être un frein à l’efficacité des devoirs dans les dispositifs en dehors de l’école (Suchaut, 2008, Rayou, 2010). Si le travail fait en dehors de l’école est inefficace, alors il peut être source de construction d’inégalité entre les élèves (Kakpo, 2012 ; Rayou 2009). Pour Meirieu, la grande partie de l’apprentissage se fait dans la salle de cours. C’est pourquoi, « l’essentiel du travail scolaire devrait se faire en classe » (Meirieu, 2000 b : p. 13). En plus du fait que l’apprentissage doit se faire à l’école, un autre argument fort qui est évoqué contre l’externalisation des devoirs, c’est le rythme biologique du fonctionnement de l’élève en cours élémentaire qui est pointé comme argument de taille contre les devoirs à la maison.

En effet, le poids d’une longue journée de travail intellectuel constitue un handicap à favoriser l’acquisition de savoirs. Ainsi, Montagner trouve que les devoirs contraignent les élèves après une longue journée d’activité intense. D’où « une difficulté ou une impossibilité à traiter les informations, et donc à comprendre et à apprendre. » (Montagner, 2009 : p. 18). Les devoirs à la maison sont par conséquent contraires à la chronobiologie surtout des tout- petits. C’est une des raisons qui a conduit le Ministère de l’Education en 1956 à interdire les devoirs en dehors des classes. Ainsi souligne-t-il dans sa circulaire : « le développement

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normal physiologique et intellectuel d’un enfant de moins de 11 ans s’accommode mal d’une journée de travail trop longue. Six heures de classe bien employées constituent un maximum au-delà duquel un supplément de travail soutenu ne peut apporter qu’une fatigue préjudiciable à la santé physique et à l’équilibre nerveux des enfants. » (MEN, 1956)

Quant à l’impact du devoir sur la réussite scolaire, dans les travaux de Bedard Hô, rapporté par Goupil en 1997, l’aide aux devoirs est corrélée à la réussite scolaire. Il en vient à la conclusion que l’efficacité des devoirs s’observe à mesure que les élèves évoluent en niveau supérieur. Par conséquent, les lycéens pourront bénéficier davantage des devoirs hors la classe que les élèves en élémentaire par exemple. Cooper et al. en 2006 soutiennent la même idée en comparant les notes des élèves ayant assidûment fait leurs devoirs et ceux qui ne les font pas. Ces résultats, bien qu’ils soient intéressants, sont battus en brèche par Trautwein et Köller (2003) à cause de la non représentativité des échantillons étudiés. Il existe maints paramètres et variables (caractéristiques des élèves, leur motivation, contexte de travail etc.) qui rendent difficile l’impact des devoirs sur la réussite scolaire (Glasman, 2004).

Si les devoirs en dehors de la classe ont un côté positif comme le développement de la mémoire, l’acquisition des mécanismes de travail, de l’autonomie, de la discipline, de la curiosité et de la responsabilité, il n’en demeure pas moins qu’ils soient source de stress (à la maison entre parents n’ayant pas les compétences requises et les élèves, Jecker, 2013), de surcharge ou de fatigue émotionnelle et source d’inégalité entre les élèves (Montagner, 2009 ; Cooper synthétisant Hancock, 2001 ; Kakpo, 2012). C’est pourquoi, Meirieu (2000 b) préconise que « l’essentiel du travail scolaire devrait se faire en classe » et non hors de la classe.

En définitive, nous avons pu passer en revue quelques recherches sur l’efficacité de l’aide aux devoirs hors de la classe. Si, dans l’ensemble, des chercheurs accordent un effet relativement positif à ces activités, il n’en reste pas moins que cette efficacité est difficile à mesurer à cause de plusieurs variables. D’un côté, on découvre des travaux qui mettent l’accent sur l’effet positif d’aide aux devoirs chez les élèves en grande difficulté (Glasman, 2004). De l’autre, l’impact positif concerne davantage le développement psycho-affectif chez les enfants en élémentaire que l’acquisition des connaissances académiques (Feyfant, 2014). Quoi qu’il en soit, nous avons pu relever la question du malentendu pédagogique qui peut se créer entre l’école et les dispositifs d’accompagnement à la scolarité. En outre, si le

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travail de hors de la classe met en lumière l’autonomie des élèves et leur capacité à montrer le niveau d’acquisition des compétences, il livre aussi les pressions en termes de surcharge sur les élèves (Vincent, 1994).

Conclusion partielle

Somme toute, si l’accompagnement à la sécurité mobilise beaucoup d’acteurs pour former « une communauté éducative » autour de la question des difficultés d’apprentissage, cette forte mobilisation n’est pas à la hauteur des enjeux cognitifs qu’elle exige pour plusieurs raisons. Sans doute que le rôle de partenaires « aux côtés de l’école » et des compétences floues de ces derniers que demande la charte (2001), complexifie la mise en application de l’accompagnement à la scolarité. Tout porte à croire que les intervenants doivent travailler aux côtés de l’école sans pour autant se substituer aux enseignants. Ce hiatus nous paraît comme l’une des premières raisons de la difficulté de fonctionnement de l’accompagnement à la scolarité. La faible formation ou la quasi inexistence de formation des intervenants dans un dispositif qui nécessite des accompagnateurs qui devraient avoir le profil des enseignants et animateurs sociaux, constitue un nœud saillant de l’efficacité de cette politique. La formation des accompagnateurs étant en dessous des exigences du dispositif, l’efficience des actions semble ne pas répondre véritablement aux attentes cognitives des bénéficiaires.

Par ailleurs, l’analyse du profil des intervenants révèle des motivations variées. Si certains accompagnateurs s’engagent par envie d’aider ou de militer pour l’égalité de chance, assimilant l’accompagnement à « une fonction domestique essentialisée, de mamie » pour certains ou de militantisme pour d’autres au détriment de la remise en cause de leurs pratiques pédagogiques (Larbiou, 2010), les objectifs du dispositif se retrouvent dans l’impasse. Seuls comptent pour ces types de bénévoles, le relationnel et l’affectif nécessaires mais qui ne sont pas uniquement les besoins des élèves. Cette approche des bénévoles se heurtent à la perception de l’accompagnement à la scolarité chez les professionnels. La convivialité régnant dans les aides aux devoirs établissant la relation horizontale de proximité à l’égard des élèves, n’exige-t-elle pas cette dimension de verticalité (Bernstein, 2007b) qui offre aux accompagnateurs un profil de professionnel pour le cheminement induit par l’accompagnement ? Aussi, si le travail en dehors de l’école semble ne pas répondre aux exigences des enseignants, l’école n’est-elle donc pas obligée à être « son propre recours, en particulier pour les enfants en difficulté » comme le suggérait Claude Allègre ?

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II)

Politique pédagogique scolaire au Togo à travers les

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