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La validation d’un tel marqueur cognitif pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer

PREMIERE PARTIE : ETAT DE L’ART

Chapitre 1. La maladie d’Alzheimer et son atteinte précoce

3. L’hypothèse d’une atteinte fonctionnelle mesurable et spécifique au stade sous-hippocampique

3.4. La validation d’un tel marqueur cognitif pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer

pendant de nombreuses années, en étant cliniquement silencieuse, même si de légers symptômes pourraient être détectés (Gomez-Isla et al., 1996). D’autre part, un sévère déficit en mémoire décontextualisée est possible tout en conservant une complète autonomie dans la vie quotidienne (Barbeau et al., 2006, 2010). Ainsi, Didic et coll. proposent que des difficultés à retrouver le nom des gens, des pertes modérées de connaissances sémantiques ou des difficultés légères à l’apprentissage de nouvelles connaissances factuelles soient considérées chez ces patients comme « asymptomatiques ». A l’inverse, des déficits de la mémoire contextualisée à la suite de l’atteinte hippocampique interfèreraient sévèrement sur l’autonomie dans la vie quotidienne (ex : Vargha-Khadem et al., 1997). Au stade limbique, la perte de la mémoire des expériences personnelles et de l’orientation spatiale conduirait donc plus facilement ces patients à être considérés comme « symptomatiques ».

3.4. La validation d’un tel marqueur cognitif pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer

L’hypothèse que les DNF commencent par altérer le système de la mémoire décontextualisée, ou encore que l’altération de ce système dans la maladie d’Alzheimer prédémentielle est la conséquence d’un dysfonctionnement du réseau antérieur du LTI reste à confirmer. Seules des

études longitudinales incluant l’évaluation de la mémoire décontextualisée, comme celle de la mémoire contextualisée, permettront de confirmer cette hypothèse en démontrant une atteinte séquentielle dans l’atteinte de ces deux types de mémoire. Mais il existe différentes questions méthodologiques, comme le fait, par exemple, qu’on ne dispose pas à ce jour de tâche standard de mémoire contextualisée en routine clinique ou qu’une telle tâche devrait alors être équilibrée en difficulté avec les tâches de mémoire décontextualisée. D’autre part, aujourd’hui, la plupart des études des stades précoces de la maladie d’Alzheimer se font dans des populations MCIs. Pourtant, ces patients auraient déjà atteint le stade limbique (Bennett et al., 2005). Etudier les stades sous-hippocampiques de la maladie d’Alzheimer nécessiterait donc de recruter des patients se trouvant à une phase encore plus précoce qui correspondrait à un stade préclinique. Des participants « asymptomatiques » présentant une positivité des biomarqueurs d’amyloidopathie et de de neurodégénérescence pourraient ainsise révéler correspondre à des patients porteurs d’une maladie d’Alzheimer à un stade transentorhinal (Sperling et al., 2011). Enfin, cette hypothèse s’applique seulement au phénotype mnésique le plus fréquent de la maladie d’Alzheimer avec prédominance du dysfonctionnement du LTI, qui serait associé à l’allèle

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4 de l’ApoE, et probablement à d’autre facteurs qui restent à être identifiés (Butters et al., 1996 ; Galton et al., 2000 ; Reed et al., 2007 ; Mueller et al., 2008 ; Donix et al., 2010). Pour les autres phénotypes non-mnésiques de la maladie d’Alzheimer, dans lesquels les lésions apparaissent dans des régions néocorticales et qui apparaissent être indépendants de l’allèle E4 de l’ApoE (Didic et al., 1997 ; Schott et al., 2006 ; Van der Flier et al., 2006 ; Van der Flier et al., 2011 ; Dickerson & Wolk, 2011), la question de la diffusion de la pathologie semble affecter d’autres systèmes, extra-temporaux.

L’intérêt de cette approche anatomo-fonctionnelle séquentielle de l’atteinte lésionnelle initiale de la maladie d’Alzheimer est qu’elle cible l’identification de « bio-marqueurs cognitifs » précoces de cette pathologie (Didic et al., 2013). L’identification de tels marqueurs pourrait contribuer au diagnostic très précoce et serait utile à la sélection des malades et au suivi longitudinal de la progression de la maladie dans le cadre d’essais thérapeutiques.

Dès lors, comment évaluer la présence et la nature d’éventuels troubles de la mémoire décontextualisée dans la maladie d’Alzheimer débutante ? En plus de tâches de mémoire sémantique, les tests classiques de mémoire de reconnaissance ont été utilisés (Recognition Memory test ; tâche de reconnaissance verbale du RL/RI-16, etc.), et le DMS-48 (tâche de mémoire de reconnaissance en choix-forcé) a été conçu et testé. La recollection et la familiarité ont été étudiés à l’aide des paradigmes standards d’évaluation des processus de la mémoire de reconnaissance visuelle (Anderson et al., 2008 ; Hudon et al., 2009 ; Serra et al., 2010 ; Wolk et al., 2008, 2010, 2013 ; Algarabel et al., 2009, 2012 ; Belleville et al., 2011).

Mais des questions subsistent sur les méthodes susceptibles de « capturer » des modifications subtiles du fonctionnement mnésique dans les toutes premières phases de l’installation de la pathologie, notamment concernant la recollection et la familiarité. Comment aller plus loin ? Quelle nouvelle approche pourrait être adoptée ?

L’objet de cette thèse, s’il n’a pas été d’étudier directement le diagnostic précoce, s’est inscrit dans la perspective d’une meilleure compréhension de la nature des premières signatures cognitives de la maladie d’Alzheimer. Aussi, la démarche choisie a été celle de mieux comprendre la mémoire de reconnaissance. En particulier, l’objectif de cette thèse a été de développer une approche temporelle innovante de la mémoire de reconnaissance visuelle dans le but de dissocier les différents processus cognitifs qui la composent.

Ce premier chapitre a montré la nécessité de mieux comprendre la nature des premières modifications cognitives de la maladie d’Alzheimer, et plus particulièrement dans le domaine de la mémoire à long terme, l’intérêt d’approfondir l’étude de la mémoire de reconnaissance.

Le prochain chapitre a pour objectif de présenter les notions essentielles concernant le lobe temporal interne et la mémoire en général. Le troisième et dernier chapitre consacré à l’état de l’art présentera en détail l’évaluation de la mémoire de reconnaissance et les débats autour de ses modèles anatomo-fonctionnels, afin d’exposer le contexte qui nous a conduit à nous intéresser à une approche temporelle de l’évaluation de la mémoire de reconnaissance.