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Article de synthèse

2. Le cortex périrhinal, structure critique à la mémoire de reconnaissance

2.2. Données lésionnelles chez l’homme

Traditionnellement chez l’homme, il a été avancé que les patients amnésiques montrent en général une atteinte massive de la mémoire de rappel, avec, souvent, une préservation relative de la mémoire de reconnaissance. Hirst et coll. (1986, 1988) montrent par exemple, après avoir équilibré la performance des patients et des participants contrôles de deux façons différentes à un test de mémoire de reconnaissance, que les scores en rappel du groupes d’amnésiques sont disproportionnellement effondrés. Ces résultats ont été rapportés à de nombreuses occasions (Huppert & Piercy, 1976, 1978 ; Warrington & Weiskrantz, 1982 ; Yonelinas, et al., 1998 ; Giovanello & Verfaellie, 2001).

La dissociation mémoire de rappel/mémoire de reconnaissance a donc souvent été observée, mais ne concernait toujours des amnésies consécutives à des lésions du LTI. Les résultats chez le singe suggèrent que l’amnésie profonde d’HM inclue des troubles de la mémoire de reconnaissance parce que les cortex adjacents à l’hippocampe (cortex périrhinal et

lésions ne touchent que l’hippocampe (et préservent les cortex sous-hippocampiques adjacents). La plupart de ces cas sont rapportés à la suite de dommages hypoxiques des hippocampes et montrent une préservation de la mémoire de reconnaissance.

La méta-analyse de cas uniques d’Aggleton & Shaw (1996) montre par exemple une série de patients aux lésions de ce qu’ils appellent le circuit hippocampique étendu (incluant l’hippocampe, mais aussi le fornix les corps mamillaires, le tractus mamillo-thalamique et le thalamus antérieur). Ces patients présentaient des troubles de la mémoire de rappel visuel et verbale, mais, contrairement aux autres patients de l’étude, leur reconnaissance était seulement légèrement atteinte, voire intacte chez certains. Les trois adolescents rapportés par Vargha-Kadhem et al. (1997), qui présentaient des lésions limitées à la formation hippocampiques (contractées pendant la petite enfance), montraient aussi de sévères troubles de rappel épisodique (lieux, évènements passés, etc.), mais réussissaient aux tâches de mémoire de reconnaissance d’items uniques (mots, mots, visages familiers, ou non-familier, etc.). D’autres preuves ont été apportées par une étude plus détaillée du jeune patient Jon (Baddeley et al., 2001), avec notamment l’utilisation de la batterie du ‘Doors and People Test’. De plus, de nombreux cas uniques d’autres patients avec des lésions d’origine hypoxique (Henke et al., 1999 ; Turriziani et al., 2004), ischémique (Mayes et al., 2002 ; Holdstock et al., 2002), d’empoisonnement au monoxide de carbone (Bastin et al., 2004), de méningite (Aggleton et al., 2005) ou d’encéphalite herpétique (Barbeau et al., 2005) ont montré une atteinte sélective du rappel pour une mémoire de reconnaissance préservée.

Pourtant, les résultats de ces études ne font pas l’unanimité et des limitations méthodologiques sont évoquées. Certains auteurs (ex : Kopelman et al., 2007) soulignent que des effets ‘planchers’ dans les scores de rappel chez les patients présentant des larges lésions dans la méta-analyse d’Aggleton & Shaw (1996) pourraient mettre en doute leurs interprétations ; que les autres études présentent souvent des cas uniques (Mayes et al., 2002 ; Holdstock et al., 2002 ; Bastin et al., 2004 ; Aggleton et al., 2005 ; Barbeau et al., 2005), manquent de neuroimagerie détaillée (Yonelinas et al., 2002 et Turriziani et al., 2004) ou présentent des cas d’amnésie développementales dans lesquels des compensations non-contrôlés sont possibles.

Squire et son équipe, avec d’autres patients présentant des lésions isolées de l’hippocampe, pour la plupart aussi d’origine hypoxique, montrent une atteinte aussi importante en mémoire

pures de l’hippocampes peuvent impliquer des déficits à différents tests de mémoire de reconnaissance, comme au ‘Recognition Memory Test’ (en particulier si un délai est introduit), au ‘Doors and People Test’, à la composante de reconnaissance du ‘Rey Auditory Verbal Learning Test’, aux procédures oui/non ou en choix-forcé, etc. (cf La mémoire de reconnaissance : un ou deux processus ?, p.95) (Reed & Squire, 1997; Manns & Squire, 1999 ; Stark & Squire, 2003 ; Manns et al., 2003). D’autres auteurs indépendants reprennent la technique de Hirst et al (1986, 1988) en égalisant les performances aux tests de mémoire de reconnaissance avant de comparer les scores en rappel (afin notamment de s’affranchir des effets de plafond et/ou de plancher). Après n’avoir observé aucune disproportion dans le déficit en rappel chez des patients présentant divers lésions diencéphaliques, temporales ou frontales (Kopelman & Stanhope, 1998), ces auteurs répliquent l’expérience notamment avec des patients présentant des lésions du LTI (N=2) et de l’hippocampe seulement (N=3) (Kopelman et al., 2007). Ainsi, ils montrent que les premiers sont plus affectés que les seconds aux tâches de rappel comme de reconnaissance, mais après égalisation des scores en reconnaissance (avec un temps de présentation à l’encodage de 5s pour les patients montrant des lésions du LTI et 10s pour des patients à lésion isolée de l’hippocampe) ne mettent en évidence aucune différence en rappel.

Le problème majeur pour ces études de patients à lésion isolée de l’hippocampe est qu’il est très difficile d’être certain que les cortex adjacents à l’hippocampe ne sont pas affectés. Or, le modèle animal prédit justement que ces cortex peuvent sous-tendre la mémoire de reconnaissance en l’absence d’hippocampe. Aussi, il est difficile de déterminer si les déficits de mémoire de reconnaissance chez les patients dont les lésions hippocampiques sont pensées pures ne sont pas en fait dus à des lésions non-identifiées des cortex sous-hippocampiques.

A cet égard, les cas de dissociations inverses sont très intéressants. Certains de ces cas ont été rapporté dans la littérature (ex : Delbecq-Derouesné et al., 1990), mais des lésions du gyrus sous-hippocampique préservant l’hippocampe sont très rares. Le cas de JMG en est un (Barbeau et al., 2011). Les lésions de ce patient affectaient la quasi-totalité de son lobe temporal gauche, et de façon bilatérale apparaissaient plus importante que celle d’HM, avec toutefois une préservation étonnante de l’hippocampe droit (Figure 35). Malgré la taille de ces lésions, JMG ne présente pas de syndrome amnésique, c’est-à-dire que sa mémoire de rappel est préservée. Cependant, ses performances en mémoire de reconnaissance visuelle sont effondrées (Barbeau et al., 2011 ; voir Rappel vs mémoire de reconnaissance, p.70). Ce cas

FRG (Barbeau et al., 2005) a par exemple été opposée à JMG. En effet, cette patient présente à gauche de larges lésions du LTI (similairement à JMG), et à droite des lésions focales de l’hippocampe, mais préservant les régions sous-hippocampiques (profil inverse de JMG ; Barbeau et al., 2011 ; Figure 35). FRG, montrant un déficit en rappel visuel, mais une préservation de sa mémoire de reconnaissance visuelle, constitue avec JMG un exemple de double-dissociation anatomo-fonctionnelle des rôles de l’hippocampe et des cortex sous-hippocampiques pour le rappel et la mémoire de reconnaissance respectivement.

A B C

Figure 35. Illustration de la double-dissociation anatomo-fonctionnelle de FRG et JMG (extrait et modifié de Barbeau et al., 2011). (A) Les coupes sagittales des hémisphères gauche (en haut) de FRG et JMG montrent leurs larges lésions du LTI gauche (incluant hippocampe et cortex sous-hippocampique). Les coupes sagittales de leurs hémisphères droit (en bas) montrent la lésion hippocampique focale de FRG préservant son gyrus

sous-parahippocampique, ainsi que la lésion complète du gyrus parahippocampiques de JMG, préservant son hippocampe droit. (B) Ces observations sont visibles aussi en coupes coronales. (C) Une double dissociation de

ces patients en mémoire de reconnaissance et en rappel est mise en évidence (moyenne de z-scores obtenus sur plusieurs tests de mémoire de reconnaissance et de rappel).

Comme le suggèrent certains auteurs, la question de l’implication nécessaire de l’hippocampe à la mémoire de reconnaissance est reliée à la question de savoir si l’hippocampe est impliqué dans les processus d’encodage et de récupération en mémoire déclarative en général ou s’il contribue de façon spécifique aux processus de mémoire contextuelle/associative/relationnelle qui caractérise le rappel et la recollection comme nous allons le voir. Au total, les données lésionnelles chez l’homme ont montré que des patients présentant des lésions hippocampiques focales pouvaient ne pas être effondrés en mémoire de reconnaissance, tandis que tous les patients montrant de larges lésions du LTI incluant les cortex sous-hippocampiques

données lésionnelles chez le singe, s’il n’est pas possible de conclure, il apparait que l’hippocampe n’a probablement pas un rôle critique dans la mémoire de reconnaissance des items.

Notons qu’une autre modalité importante a contribué à fournir des éléments en faveur d’un rôle clé du cortex périrhinal dans la mémoire de reconnaissance. Il s’agit des données de neuroimagerie obtenues chez l’homme à l’aide de méthode comme l’IRMf ou le TEP.

Toutefois, les données sur cette littérature ne seront pas rapportées ici. En effet, cette littérature volumineuse, et aux résultats parfois difficile à synthétiser, ne correspond pas à l’objet de la thèse.

spécialisation fonctionnelle de l’hippocampe et du cortex