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PREMIERE PARTIE : ETAT DE L’ART

Chapitre 2. Le lobe temporal interne et la mémoire déclarative

4. Modèles anatomo-fonctionnels : dissociations fonctionnelles au sein du LTI ?

4.4. Modèle de Ranganath & Ritchey

Récemment, Ranganath & Ritchey (2012) ont proposé un nouveau modèle basé principalement sur les données de connectivité fonctionnelle (Libby et al., 2008) et anatomique (Aggleton, 2012 ; Kondo et al., 2005).

Deux systèmes anatomo-fonctionnels

Ce modèle (ou ‘framework’) est particulièrement intéressant car il en prend en compte les données de connectivité du LTI pas seulement avec les voies visuelles de traitement de l’information, mais aussi avec le reste du cerveau, tout en en proposant une formulation simple. Avant tout, ce modèle se base sur des récentes études de neuroimagerie au repos qui montrent que le cortex périrhinal et parahippocampique sont les centres respectifs de deux systèmes néocorticaux étendus : un système temporal antérieur (STA) et un système médio-postérieur (SMP) (voir ci-dessus, p. 59). Le STA inclut le cortex périrhinal, le cortex temporopolaire, le cortex orbitofrontal latéral, et l’amygdale (connectés par le faisceau unciné). Le système SMP inclut le cortex parahippocampique, le cortex rétrosplénial, les noyaux antérieurs thalamiques, les corps mamillaires, le pré- et le para-subiculum et les composants du réseau par défaut (‘default mode-network’ en anglais), qui comprennent le cortex cingulaire postérieure et le précuneus (connectés par le faisceau cingulaire).

Deux systèmes corticaux pour le comportement ‘guidés-mémoire’

Ces deux systèmes supportent différents aspects de la cognition. Le STA montrerait une implication dans la mémoire de reconnaissance (et en particulier la familiarité), dans la mémoire associative, et dans la mémoire sémantique. Mais il serait aussi important pour la

largement pour la formation des représentations multidimensionnels de l’objet et pour les concepts en général. Le SMP montrerait lui un rôle clé dans la mémoire épisodique, la mémoire autobiographique, la simulation épisodique et la mémoire spatiale. Mais, non restreint à la mémoire, il permettrait aussi la perception des scènes, la navigation spatiale, et dans la cognition sociale, la théorie de l’esprit et les modèles de situations (graphe lexico-sémantique décrivant une situation donnée) en général. Aussi, ces différentes caractéristiques fonctionnelles conduisent les auteurs à proposer que plus généralement, le STA serait impliqué dans l’évaluation du sens des entités, et le SMP dans la construction de modèles de situation.

Figure 33. Extrait de Ranganath et al., 2012.

Rôle de l’hippocampe dans le STA et le SMP

L’hippocampe situé à l’interface de ces deux systèmes amène les auteurs à suggérer qu’il pourrait jouer un rôle selon deux modes distinct. Premièrement, pour chaque système, il serait impliqué dans un affinage (‘sharpening’ en anglais) de la représentation, assuré par l’interaction de l’aire centrale du système (cortex périrhinal ou parahippocampique) et de la

formation hippocampique (cortex entorhinal, champ hippocampique CA1 et subiculum) pour sa partie propre au système. Ainsi, au sein du STA, l’affinage des représentations d’une entité pourrait être assurée par des interactions entre le cortex périrhinal, la partie latérale du cortex entorhinal, le champ CA1 distal/temporal de l’hippocampe et le subiculum proximal/temporal. Au sein du SMP, l’affinage des représentations du contexte, pourrait être assurée par des interactions entre le cortex parahippocampique, la partie médiale du cortex entorhinal, le champ CA1 proximal/septal, et le subiculum. Le cortex rétrosplénial appartenant au SMP et ayant un rôle important dans ce modèle, serait lui aussi impliqué dans cette boucle d’affinage en interagissant avec la partie médiale du cortex entorhinal et en recevant ses entrées du subiculum distal/septal. Deuxièmement, l’hippocampe permettrait aussi l’intégration des représentations des entités et des contextes activés. Cette intégration dépendrait de la convergence des voies du cortex périrhinal et du cortex parahippocampique dans le gyrus denté (DG) et du champ CA3.

Pour éclairer leur modèle les auteurs proposent un exemple de la vie quotidienne impliquant différemment ces systèmes : une personne (ex : Manoj) marche dans la rue, rencontre une amie (ex : Maria), marche alors avec elle vers un café, et s’y installe pour discuter. Ainsi, selon leur modèle, le système STA relie les représentations d’une entrée spécifique (ex : une personne particulière), aux concepts sémantiques existants (ex : le nom de la personne

‘Maria’) et sa saillance associées (ex : le statut sociale d’amie de Maria). En revanche, le système PM fait correspondre les indices entrant à propos du contexte courant (ex : l’espace, le temps et les interactions sociales), aux modèles de la situation ou internes, qui résument les interactions parmi les entités et l’environnement pendant une expérience nouvelle.

Par exemple, les indices visuels comme les repères (ex : le ‘théâtre Varsity’) pourrait confirmer la position spatiale dans ce modèle, promouvant le comportement orienté-par-le-but (ex : entrer dans le café dont la porte est à côté).

Comparaison avec les autres modèles

Le modèle des deux systèmes corticaux STA et SMP, le plus récent parmi les modèles présentés dans cette partie, s’inscrit dans la lignée des modèles modulaires qui proposent que le cortex périrhinal et le cortex parahippocampique ont des contributions distinctes au traitement de l’objet et du contexte. Cependant, il est particulièrement novateur pour plusieurs

pariétales qui sont connues pour avoir un rôle dans la récupération. De plus, il suggère deux façons par lesquels la formation hippocampique pourrait moduler l’activité au sein des réseaux, avec un mécanisme d’affinage et un mécanisme d’intégration de la représentation de l’objet et du contexte. Ainsi, il propose de façon novatrice un mécanisme reliant les expériences nouvelles aux stocks de connaissances existant, par le mapping des items aux concepts dans le STA d’une part, et le mapping des contextes aux modèles de situation dans le SMP d’autre part.

En outre, s’il s’inspire des modèles qui mettent l’accent sur le rôle du cortex périrhinal et des autres régions du LTI dans la perception visuelle et les processus de la mémoire comme la théorie représentationnelle-hiérarchique, il ne voit pas le LTI comme la fin des voies visuelles ventrales et dorsales, mais préfère mettre l’accent sur le fait que ces cortex sont des composants cruciaux des systèmes qui contribuent au comportement de façon non liée à la modalité visuelle uniquement. Ainsi, et de façon clé, ce modèle ne limite pas ses deux systèmes – et donc le LTI – à la mémoire, mais prend en compte toutes les caractéristiques fonctionnelles qu’ils peuvent supporter, que ce soit dans les domaines de la mémoire, de la perception, des interactions sociales et du langage. Ainsi, en ne mettant plus l’accent sur l’organisation hiérarchique qui tient plus de la perception, ce modèle conçoit ses deux systèmes centrés sur le LTI mais étendue à l’ensemble du cerveau, comme parallèle et interagissant et propose pour chacun un rôle potentiel plus général et plus abstrait pour leur contribution au comportement.

Dans ce chapitre, nous avons pu aborder le LTI et la mémoire, cadre général de la thèse. D’un côté l’anatomie du LTI et sa connectivité ont été décrits, puis d’un autre côté les différents aspects de la mémoire au travers des grandes dissociations observées chez des patients cérébro-lésés et des modèles de la mémoire qui en ont découlée ont été présentés. Enfin, une sélection des principaux modèles anatomo-fonctionnels du LTI et de la mémoire ont été décrit.

Ce cadre constitue le contexte théorique dans lequel s’inscrit la mémoire de reconnaissance, objet principal de cette thèse. Le prochain chapitre a pour objectif de présenter cette mémoire en détail, afin de décrire le cadre théorique de son approche temporelle, approche principale de cette thèse.