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Chapitre 4 : Modélisation du forgeage de l’Inconel 718

4.3 Résultats numériques

4.3.2 Exploitation des résultats à l’échelle mésoscopique

4.3.2.2 Validation du chaînage séquentiel à l’aide d’indicateurs mésoscopiques

Plusieurs paramètres mésoscopiques ont été discutés dans la section précédente. Toutefois, ces

indicateurs ne permettent pas, à eux seuls, de valider le chaînage séquentiel ou d’être comparés aux

résultats expérimentaux (autres que la courbe de compression macroscopique).

Pour discuter de la validation du chaînage séquentiel, une série d’indicateurs sera analysée en

commençant par la fraction de sites ayant recristallisé (germé ou crû) au cours de la déformation.

Fraction de sites ayant recristallisé

Le nombre de sites ayant germé ou crû au cours de chaque cycle du chaînage séquentiel est

tracé sur la Figure 4.3.11(a).

Les fractions de sites ayant recristallisé pour les deux agrégats sont représentés sur la

Figure 4.3.11(a). Cette figure montre que les sites de germination et de croissance sont plus nombreux

pour l’agrégat d’orientations aléatoires que pour l’agrégat représentant une microstructure réelle. Cette

différence a deux origines :

- une origine énergétique.L’agrégat représentant une microstructure réelle s’écrouit moins car

il est plus discrétisé (un grain est représenté par un nombre plus important d’éléments). Ce constat a

167

été mis en évidence sur la Figure 4.2.12. Une discrétisation plus importante entraîne également une

concentration de l’énergie stockée plus faible que dans l’agrégat avec des orientations aléatoires pour

un cycle donné.

- une origine topologique liée au nombre d’éléments présent aux joints de grains (susceptibles

de germer) par rapport au nombre d’éléments total de l’agrégat. Ce rapport est de 88 % pour l’agrégat

avec des orientations aléatoires et seulement de 18 % pour l’agrégat représentant une microstructure

réelle.

Figure 4.3.11 : (a) Evolution du nombre de sites ayant germé ou crû au cours de la déformation à

1050°C, 10

-2

s

-1

et (b) Comparaison entre les sites ayant germé (cumulés) pour le chaînage séquentiel

et pour l’approche de Kugler et Turk [KUG04]

L’agrégat d’orientations aléatoires présente une augmentation importante du nombre de sites

ayant cru entre le quatrième et le dixième cycle (0,25 ≤ ε≤ 0,45). Ces cycles correspondent à la zone

d’adoucissement maximal de la courbe de compression expérimentale (Figure 4.3.4). Le nombre de

sites recristallisant atteint une valeur limite, pour le quatorzième cycle (ε ≈ 0,55), correspondant à

environ 11 % des sites de l’agrégat recristallisant à chaque cycle. Ce taux de déformation correspond

en effet au début du palier caractéristique du régime stationnaire observable sur la courbe de

compression expérimentale.

En parallèle, la Figure 4.3.11(b), représente uniquement la population correspondant aux sites

ayant germé en fonction de la déformation afin de les comparer aux résultats obtenus par Kugler et

Turk [KUG04]. Ces auteurs ont développé un code de recristallisation dynamique à deux dimensions

basé sur les automates cellulaires. Le nombre total de sites utilisé par ces auteurs est d’environ

500000. Afin de pouvoir comparer les résultats de Kugler et Turk à ceux de la présente étude, les

résultats sont représentés sous forme de fractions.

La Figure 4.3.11(b) montre que la fraction de sites ayant germé pour un taux de déformation

de 0,4 est comprise entre 10 % et 15 % dans l’étude de Kugler et Turk [KUG04]. Cette fraction est

qualitativement du même ordre de grandeur que celle observée pour la présente étude (comprise entre

5 % et 15 %). Toutefois, la comparaison quantitative des résultats ne peut être approfondie car l’étude

de Kugler et Turk n’est réalisée ni sur le même matériau, ni à la même vitesse de déformation ni à la

même température que dans la présente étude. Ces auteurs ont néanmoins montré, sans le valider

expérimentalement, que le nombre de sites ayant germé diminue quand la température augmente.

Afin de compléter la discussion proposée dans le Chapitre 3 sur le lien entre le taux

d’adoucissement expérimental (X

softening

) et la fraction de grains (ou de sites) recristallisés, ces deux

paramètres sont tracées sur la Figure 4.3.12.

168

Figure 4.3.12 : Evolution de la fraction d’adoucissement et de la fraction de sites recristallisés au cours

de la déformation à 1050 °C, 10

-2

s

-1

La fraction de sites ayant recristallisé est obtenue, pour chaque cycle, en comparant l’énergie

stockée de chaque site à l’énergie stockée seuil E

g

(Figure 4.2.3) puis en le normalisant par le nombre

total de site dans l’agrégat considéré. En effet, d’après le modèle de recristallisation, tout site dont

l’énergie stockée est en dessous de ce seuil, est considéré comme recristallisé.

La fraction de sites ayant recristallisé dans l’agrégat obtenu à partir d’orientations aléatoires

évolue vers un seuil d’un peu plus de 60 % pour un taux de déformation de 0,69. Le palier sur la

courbe de compression de cet agrégat montre que l’on a atteint le régime permanent. En comparaison,

l’agrégat représentant une microstructure réelle présente une fraction de sites ayant recristallisé plus

faible (45 %). Toutefois l’évolution semble commencer à ralentir (Figure 4.312), indiquant que l’on

pourrait s’approcher également d’un régime permanent pour cet agrégat.

Par définition, le taux d’adoucissement expérimental tend vers l’unité à ε = 0,69. Cette valeur

mécanique macroscopique ne représente pas la fraction de sites ayant effectivement recristallisé,

paramètre pertinent à l’échelle mésoscopique. D’une façon générale, si la fraction de sites ayant

recristallisé atteint 100 % au cours de la recristallisation dynamique, on peut alors s’attendre à une

reprise globale de l’écrouissage donnant lieu à des oscillations de contrainte sur la courbe de

compression.

Tailles de grains

Un indicateur important pour la comparaison entre les résultats obtenus par le chaînage

séquentiel et les mesures expérimentales est la taille de grains et son évolution au cours de la

déformation (Figure 4.3.13).

La taille de grains obtenue à l’aide du chaînage séquentiel est déterminée en approximant un

grain par une sphère dont le diamètre équivalent est tracé sur la Figure 4.3.13. L’agrégat avec des

orientations aléatoires sert de référence dans l’étude de l’évolution de la taille de grains en fonction de

la déformation car il contient initialement 1000 grains de 64 éléments chacun. La taille de grains

initiale est donc une sphère dont le diamètre équivalent est compris dans un cube de 4*4*4 éléments,

soit un diamètre équivalent d’environ 5 éléments.

Afin de comparer les différents agrégats utilisés aux résultats expérimentaux, les diamètres

équivalents sont multipliés par le pas initial (11 µm pour l’agrégat d’orientations aléatoires et 8,67 µm

pour l’agrégat représentant une microstructure réelle).

169

Figure 4.3.13 : Evolution de la taille de grains au cours de la déformation sur l’agrégat d’orientations

aléatoires et sur l’agrégat réel à 1050°C, 10

-2

s

-1

Les tailles de grains expérimentales représentées, avec leur écart-type, sur la Figure 4.3.13

sont déterminées à l’aide du logiciel OIM en considérant que les joints de macles sont des joints de

grains. Cette hypothèse a servi pour la discrétisation des deux types d’agrégats, utilisés dans le

chaînage séquentiel, afin qu’ils aient une taille de grains initiale équivalente (pour un taux de

déformation nul).

L’agrégat obtenu à partir d’orientations aléatoires conduit à une taille de grains finale plus de

deux fois plus faible que la taille de grains initiale, ce qui est cohérent avec l’étude expérimentale. En

comparaison, l’agrégat représentant une microstructure réelle ne décrit pas correctement ni la vitesse

d’évolution de la taille de grains, ni l’ordre de grandeur de la taille finale pour une déformation de

0,69.

Les tailles de grains obtenues à partir du chaînage séquentiel ont été déterminées à l’aide d’une

méthode volumique alors que les tailles de grains expérimentales l’ont été à l’aide d’une méthode

surfacique. Cette différence d’approche pourrait expliquer une partie de la divergence mesurée entre

résultats numériques et expérimentaux.

Pour les deux types d’agrégats utilisés dans les simulations, le début de diminution de la taille

de grains (ε ≈ 0,25) est retardé par rapport aux observations expérimentales (ε ≈ 0,1). Le chaînage

séquentiel ne peut donc pas, avec les phénomènes pris actuellement en compte, décrire correctement

l’évolution de la taille de grains au cours de la déformation.

Distribution des désorientations

L’évolution de la fraction de désorientations est tracée pour plusieurs taux de déformation sur

la Figure 4.3.14(a). L’évolution des désorientations comprises entre 5° et 15°, communément appelées

sous-joints, est également tracée (Figure 4.3.14(b)) pour l’agrégat représentant une microstructure

réelle et est comparée aux résultats expérimentaux obtenus au cours de l’étude interrompue à 1050 °C,

10

-2

s

-1

(Tableau 3.3.2).

La fraction de désorientations obtenue après le premier cycle (1,1), (Figure 4.3.14(a)), montre

que la proportion de macles de recuit a fortement diminué par rapport à l’état initial (53 %). A des taux

de déformation plus élevés, cette proportion continue de chuter pour devenir quasiment négligeable à

ε = 0,69. La diminution de la fraction de macles avec le taux de déformation est également observée

dans l’étude expérimentale du Chapitre 3 puisqu’on observe une fraction de macles inférieures à 5 %

après un taux de déformation de 0,69 (Tableau 3.3.2).

170

Figure 4.3.14 : Evolution des désorientations obtenues sur l’agrégat réel au cours du chaînage

séquentiel à 1050 °C, 10

-2

s

-1

, (a) représentées sous forme de distribution et (b) représentées sous

forme de fraction de sous-joints en fonction du taux de déformation

Concernant l’ensemble de la distribution des désorientations, son évolution est en accord avec

les observations expérimentales du Chapitre 3 (Figure 3.3.11).

L’évolution de la fraction de sous-joints en fonction du taux de déformation, obtenue à l’aide

du chaînage séquentiel, montre que celle-ci comporte deux régimes :

- une augmentation conséquente du nombre de sous-joints pour les taux de déformation où le

phénomène d’écrouissage est majoritaire (ε≤ 0,35). Cette évolution est également en bon accord avec

les observations expérimentales.

- une diminution modérée du nombre de sous-joints pour les taux de déformations où le

régime de recristallisation dynamique est majoritaire, notamment le phénomène de croissance qui

annihile les sous-joints (ε > 0,35). Ce résultat numérique présente la même tendance que les

observations expérimentales, néanmoins, le manque de mesures expérimentales intermédiaires ne

permet pas de discuter plus en avant l’accord entre les deux évolutions de fractions de sous-joints.

Texture

Une étude antérieure réalisée sur l’approche simplifiée a permis de mettre en évidence que le

chaînage séquentiel développe une texture de compression caractéristique de type (110) parallèle à

l’axe de compression [DEJ09], ce qui est en accord avec les fractions de désorientations données sur

la Figure 4.3.14(a) qui montre qu’on tend, en effet, à annihiler les joints spéciaux (tel que les Σ3 et les

sous-joints).

L’influence du chaînage séquentiel sur la texture est mise en évidence par les figures de pôles

obtenues pour l’agrégat représentant une microstructure réelle avant déformation et après un taux de

déformation de 0,69 (Figure 4.3.15). Ces figures de pôles sont obtenues à l’aide du logiciel OIM par la

méthode harmonique en limitant le développement en série jusqu’à L = 16 et avec une dispersion

angulaire de 5°.

Les figures de pôle de l’agrégat représentant une microstructure réelle montrent un

renforcement (111) qui est globalement conservé au cours du chaînage séquentiel puisqu’il est encore

visible après un taux de déformation de 0,69. Ce renforcement peut être expliqué par la présence de

gros grains (Figure 4.2.14) dans la microstructure avant déformation.

171

Figure 4.3.15 : Figures de pôles obtenues à l’aide du chaînage séquentiel sur l’agrégat représentant une

microstructure réelle à 1050 °C, 10

-2

s

-1

, (a) non déformé selon le plan (110), (b) non déformé selon le

plan (111), (c) déformé à ε = 0,69 selon le plan (110), (d) déformé à ε = 0,69 selon le plan (111)

comparées aux figures de pôles expérimentales obtenues pour un échantillon ayant subi un essai de

compression à 1050 °C, 10

-2

s

-1

, à ε= 0,69 puis trempé à l’hélium, (e) selon le plan (110) et (f) selon le

plan (111)

La Figure 4.3.15(b) met en évidence que le chaînage séquentiel conduit à un renforcement

(110) parallèle à l’axe de compression (selon TD) à 1050 °C, 10

-2

s

-1

pour un taux de déformation de

0,69 et que celui-ci est équivalent à celui observé expérimentalement dans les mêmes conditions

thermomécaniques (Figure 4.3.15(c)).

En conclusion, le chaînage séquentiel est validé. En effet, la fraction de désorientations (y

compris celle des sous-joints) et la texture sont deux indicateurs qui sont reproduits qualitativement

par l’approche proposée. Cependant, la taille de grains n’est pas encore suffisamment bien décrite. Les

simulations ne rendent pas compte de sa diminution au cours des différents cycles comme on l’observe

expérimentalement. L’introduction du maclage thermique pourrait toutefois modifier la distribution

des tailles de grains comme il sera discuté dans la section 4.3.2.4.