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Chapitre 2 : Comportement de l’Inconel 718 au cours de traitements thermiques

2.3 Relation entre précipitation de phase δ et microstructure

2.3.1 Précipitation à partir d’un état homogénéisé

2.3.1.2 Mécanismes de croissance

L’identification des mécanismes de croissance de la phase δ est réalisée à l’aide de

micrographies prises sur un échantillon ayant subi un traitement de précipitation de 10 h à 900 °C

(Figure 2.3.5). Celle-ci présente les deux mécanismes envisagés précédemment.

Figure 2.3.5 : Micrographies montrant les différents mécanismes de croissance de phase δ à 900 °C,

(a) vue globale et (b) vue locale

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Afin de mieux comprendre le mécanisme de croissance discontinue présent dans l’Inconel

718, sa description schématique est proposée et comparée à la description proposée par Sundquist en

1973 [SUN73] sur un acier perlitique. Les transformations données sur la Figure 2.3.6 peuvent être

écrites sous la forme :

sursaturésur équilibreéquéqu

FeF

3

C (2.3.1)

équilibre sursaturé ''

(2.3.2)

(a) (b)

où d désigne l’espacement entre lamelles de précipités.

Figure 2.3.6 : Représentation schématique du mécanisme de croissance discontinue,

(a) dans les aciers perlitiques [SUN73] et (b) dans l’Inconel718

Une analogie peut être faite entre les mécanismes de précipitation discontinue dans un acier

perlitique et dans l’Inconel 718 avec toutefois de légères différences. Premièrement, on constate que la

structure cristalline sursaturée et à l’équilibre est la même dans le matériau de l’étude, ce qui n’est pas

le cas dans un acier perlitique. Néanmoins cette réaction se produit de la même façon à travers une

interface qui est constituée par un joint de grains qui se déplace préférentiellement (Figures 2.3.5 et

2.3.6), ce type de précipitation est aussi rencontré dans les alliages Ag - Al (Ag

2

Al) [PRE72] et

Fe - 30 Ni - 6 Ti(phase η : Ni

3

Ti) [SPE63].

La seconde différence est que ce n’est pas la limite de solubilité de l’élément chimique servant

à la précipitation (ici le carbone) qui explique la diffusion de celui-ci vers le précipité. En effet, dans le

cas du matériau de l’étude, c’est la présence de phase nanométrique γ" (et non de la matrice γ) qui est

la réserve de l’élément chimique servant à la précipitation de la phase δ (ici le niobium) car de même

formule chimique.

La croissance discontinue est accompagnée d’une migration des joints de grains, comme

constaté sur la Figure 2.3.5 alors que la croissance continue vers l’intérieur du grain nécessite une

diffusion en volume de la matrice vers le précipité. Baumann et al. [BAU81] ont d’ailleurs observé

une dépendance en température du mécanisme de précipitation discontinue dans les alliages de Be-Cu.

Celui-ci peut être qualifié de croissance à simple courbure si T < T

f

/ 2 ou à double courbure, sinon.

Dans le cadre de cette étude, un troisième type de précipitation discontinue, la morphologie dite en S

[FOU79], a été mise en évidence indépendamment de la température de traitement (Figure 2.3.5(a)).

Une étude complémentaire sur la longueur moyenne des aiguilles issues de la croissance

continue et de celles issues de la croissance discontinue montre que celles obtenues en croissance

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saturation pour le second type. En effet la croissance continue ancre les joints de grains et empêche

leur migration par croissance discontinue.

Le joint de grains est un court-circuit de diffusion. Cette remarque conduit à l’hypothèse que

la cinétique de précipitation discontinue est favorisée par rapport à celle de la précipitation continue.

Néanmoins, comme on peut le voir sur les micrographies de la Figure 2.3.5, le joint de grains devient

sinueux ce qui est défavorable énergétiquement. Ce constat met en compétition deux effets

antagonistes et il n’est pas possible de déterminer quelle est la cinétique de croissance la plus rapide.

Les aiguilles sont équidistantes dans le cas de la croissance discontinue, ce qui n’est pas le cas

en croissance en volume. L’espacement entre les lamelles est lié à la distance de diffusion le long des

joints de grains. Le second constat concerne la proportion de phase γ" restante : la croissance

discontinue semble avoir consommé l’intégralité de la phase γ" disponible réduisant localement la

dureté de l’échantillon. Ceci n’est pas le cas en croissance continue.

En effet, pour expliquer l’affirmation précédente, il faut partir de l’hypothèse que la

germination intergranulaire est un processus non périodique dans l’espacement des germes (dépendant

du taux local de dislocations) [DUL92]. La croissance discontinue est, comme cela a été vu au

paragraphe précédent, périodique dans l’espacement des lamelles à cause de considérations

énergétiques. De plus la distance entre lamelles doit être optimale afin que tout le niobium disponible

dans la phase γ" soit consommé pour la croissance de la phase δ.

En croissance continue le raisonnement est différent : les germes vont croître en volume.

Néanmoins, selon les conclusions de Turnbull [TUR55] et Duly [DUL92], la fraction de précipités

issue de la croissance en volume (continue) est négligeable devant la fraction de précipités issue de la

croissance discontinue. Les germes à l’origine d’une croissance en volume sont donc très peu

nombreux et espacés de façon non périodique, c’est ce qui explique qu’ils ne peuvent pas consommer

toute la phase γ" présente dans le grain en croissance en volume mais uniquement celle proche de

l’aiguille. Dit autrement, la longueur de diffusion du niobium en solution solide est négligeable devant

l’espacement entre les germes subissant la croissance en volume.

La Figure 2.3.7 résume la discussion sur les mécanismes de précipitation de la phase δ.

Figure 2.3.7 : Synthèse des mécanismes de précipitation de la phase δ

Le rapport T

T

/ T

f

(T

T

correspond à la température de traitement et T

f

à la température de

solvus de la phase considérée plutôt qu’à la température de fusion [DUL92] toutes deux exprimées en

Kelvin) est introduit afin de déterminer s’il peut décrire la compétition entre les deux types de

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croissance. Ceci pourrait permettre d’expliquer pourquoi Turnbull et Duly n’observent pas de

croissance en volume alors que c’est le cas pour cette étude expérimentale (Figure 2.3.5).

En effet, dans l’étude de Turnbull, la température de référence de traitement est de 273 K.

Après vérification sur le diagramme de phases Pb-Sn [OHT95], la température de l’eutectique est de

458 K, soit un rapport T

T

/ T

f

de 0,60. Dans le cas de l’étude de Duly, les traitements thermiques sont

réalisés à une température de 493 K et la température de fusion du précipité Al

12

Mg

17

est de 723 K,

soit un rapport T

T

/ T

f

de 0,68. Ces rapports sont négligeables devant celui déterminé au cours de la

présente étude : la température de traitement est considérée à 900 °C et la température de dissolution

de la phase δ est de 1035 °C soit un rapport T

T

/ T

f

de 0,90. Ces constats semblent indiquer que plus le

rapport T

T

/ T

f

est proche de l’unité, plus les deux mécanismes agissent conjointement.

D’un autre côté, Fisher [FIS51] puis Philibert et al. [PHI02], faisant l’hypothèse d’un matériau

biphasé grain - joint de grains, déterminent deux coefficients de diffusion et donc deux énergies

d’activation nommées respectivement Q (en volume) et Q’ (aux joints de grains). Ces auteurs mettent

en évidence la prépondérance de la diffusion aux joints de grains devant celle en volume en

introduisant le rapport Q’ / Q. Turnbullmontre qu’il vaut 0,35 et Philibert et al. [PHI02] généralisent

ce rapport à 0,5 pour les métaux. L’important est de constater que l’énergie d’activation aux joints de

grains est inférieure et donc explique la croissance intergranulaire observée par Turnbull et Duly.

Néanmoins, l’énergie d’activation est reliée au coefficient de diffusion en volume du niobium

dans la matrice (Q) par l’Equation 2.3.3.

(2.3.3)

Finalement, plus le rapport T

T

/ T

f

est important, plus la densité de lacunes est importante dans

la matrice [PHI02] et donc plus le rapport D’ / D tend vers un. En conclusion, au cours de la présente

étude, le rapport T

T

/ T

f

est plus important que dans la bibliographie. Ce constat indique que les

énergies d’activations intergranulaires et intragranulaires sont du même ordre de grandeur à 900 °C et

qu’il peut y avoir compétition entre les deux types de croissance.

Ayant identifié les mécanismes caractéristiques de la germination et de la croissance de la

phase δ, sa cinétique de croissance va être décrite à l’aide du modèle de Zenerdans l’étude suivante.