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Chapitre 2 : Conception et développement du démonstrateur Multi-Patch

B. Etablissement d'un protocole de test, preuve de faisabilité

2. Validation de la fluidique et suspension cellulaire

Comme nous l’avons évoqué au cours du chapitre 1, l’étape de positionnement de la cellule sur le microtrou conditionne le succès de l’expérience. En effet, il est nécessaire de disposer d’une part d’une aspiration très sensible et d’autre part d’une suspension de cellules individualisées et sans agrégats.

2.1. Protocole de remplissage

Le remplissage du système est une étape délicate puisqu’il faut proscrire la présence de bulles d’air qui, par leur dilatation, empêchent une aspiration efficace lors de la phase d’attraction de la cellule sur le microtrou. C’est pourquoi les solutions utilisées lors de la mise en œuvre du système sont systématiquement dégazées et filtrées de manière à éviter la pollution et le bouchage du microtrou par des poussières.

Pour vérifier que le remplissage du système est correctement réalisé, nous disposons de trois tests électriques :

• la résistance électrique à vide du microtrou (c'est-à-dire en milieu liquide mais sans cellule) doit être conforme à la valeur théorique. En effet, la présence d’une bulle d’air au niveau du microtrou a pour effet d’augmenter la résistance mesurée. La prédiction de la valeur mesurée est aisée, car dans le cas d’une ouverture cylindrique, la résistance électrique Rtrou vaut:

S l

Rtrou Équation 5

avec ρ la résistivité de la solution électrophysiologique (en Ω.m), l la hauteur du trou (en m) et S la section du trou (en m2). Prenons l’exemple d’un trou de 2.5 µm de diamètre, d’une membrane de SiO2 de 2 µm d’épaisseur et d’une solution de résistivité 0.8 Ω.m : la résistance du trou vaut 0.35 MΩ. Il faut noter que cette résistance est bien supérieure à celle du fluide dans la chambre de mesure formée, par exemple, par un joint torique de 3 mm de diamètre interne et de 1 mm d’épaisseur. En effet, un calcul rapide permet de déterminer que cette résistance est de l’ordre de 110 Ω, et donc négligeable devant la résistance du microtrou.

• le contrôle de la valeur du potentiel de jonction. Ce potentiel de jonction est le potentiel généré à l’interface de deux solutions ioniques de composition et de concentration différentes. La présence d’une bulle d’air proche de cette interface peut augmenter de manière considérable la valeur de ce potentiel. Dans notre cas, lorsque les solutions intra et extrapipette sont identiques, le potentiel vaut 0 mV et lorsqu’elles sont différentes, compte tenu des espèces ioniques et des concentrations courantes

utilisées, le potentiel de jonction est généralement compris entre 30 mV et – 30 mV : la présence d’une bulle d’air peut engendrer des potentiels de 100 ou 200 mV. L’amplificateur de patch-clamp permet de mesurer et de compenser ce potentiel pour ramener la ligne de base du courant mesuré à 0 A.

• le contrôle de la capacité de la puce. Comme nous l’avons évoqué précédemment, la capacité mesurée de la puce en silicium dépend d’une part de l’épaisseur de la couche isolante qui la recouvre et d’autre part de la surface de milieu salin en contact avec cet isolant. Si une bulle d’air est présente au niveau de la puce, la surface de contact du fluide conducteur est diminuée; l’air représentant une couche d’isolant supplémentaire, la capacité mesurée de la puce est alors anormalement basse. Par exemple, pour une puce d’une capacité théorique de 100 pF, la présence d’une bulle d’air peut engendrer la mesure d’une capacité de 10 pF seulement.

2.2. Suspension cellulaire

2.2.1. Préparation et conservation des cellules

La préparation des cellules débute par le décollement du tapis cellulaire formé dans la boîte de culture. Le tapis cellulaire est tout d’abord rincé avec une solution tampon phosphatée, le PBS (Phosphate Buffer Saline). Les cellules sont ensuite décollées avec une enzyme, l’accutase, plutôt que la trypsine. D’après Tao et al [63], l’accutase est en effet plus efficace pour la formation du scellement. Les cellules ainsi décollées semblent conserver une meilleure intégrité de membrane et une morphologie optimisée. Il est également reporté que cette enzyme n’altère pas la fonctionnalité des canaux ioniques [63]. Le nombre d'agrégats est ainsi réduit et la suspension est très homogène, ce qui rappelons-le, est déterminant pour immobiliser avec précision une cellule individualisée sur le microtrou. Après détachement, les cellules sont centrifugées (360g, 5 min) et resuspendues dans un mélange de PBS/accumax4 pendant 5 min de façon à dissocier les cellules qui seraient encore agrégées. Enfin, après une nouvelle centrifugation (360g, 5 min), les cellules sont disposées dans le milieu électrophysiologique correspondant au milieu extrapipette à une concentration donnée (cf paragraphe B.1.2.2) et gardées à 20°C sous l’agitation d’un carrousel. Le milieu extrapipette contient la plupart du temps des ions divalents comme le calcium et le magnésium, qui favorisent l’adhésion des cellules entre elles et donc la formation d’agrégats. L’agitation est donc indispensable pour éviter la formation d’agrégats pendant deux à trois heures, temps nécessaire pour effectuer les mesures de courants sur les 9 sites d’une puce de manière séquentielle.

2.2.2 Détermination de la concentration cellulaire optimale dans la chambre de

mesure

La concentration de la suspension cellulaire est un paramètre primordial pour la réussite d’une expérience de patch-clamp planaire, le but étant d’attirer une cellule sur le microtrou dans 100% des cas. Rappelons qu’en patch-clamp conventionnel, ce paramètre est moins critique dans la mesure où l’expérimentateur sélectionne une cellule d’intérêt à l’aide de la micropipette. Une idée évidente consiste alors à penser qu’il faille préparer une suspension

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cellulaire de concentration très élevée de manière à recouvrir totalement la surface de la puce une fois les cellules sédimentées et ainsi augmenter les chances de capture par aspiration. Toutefois deux arguments nous permettent d’exclure cette solution. D’une part, si la concentration de la suspension est trop élevée, il existe une très forte probabilité pour qu’une seconde cellule sédimente sur celle capturée par aspiration et déstabilise ainsi le scellement en formation. D’autre part, une forte concentration dans la suspension cellulaire augmente les risques de formation d’agrégats lors de la conservation des cellules, évènement à proscrire totalement.

Il a donc été nécessaire de déterminer une concentration cellulaire optimale permettant de capturer une cellule sur le microtrou dans 100% des cas, tout en respectant nos critères de conservation de la suspension pendant les 3 heures d’expérience. Pour cela, j’ai dans un premier temps observé avec un stéréo-microscope le rayon d’influence d’une aspiration de 50 à 100 mbar pratiquée à travers le microtrou. Le résultat de ces observations révèle que dans quasiment 100% des cas, les cellules situées dans un rayon de 30 à 50 µm (noté ri, rayon d’influence de l’aspiration dans la Figure 28) sont attirées sur le microtrou (ce rayon dépend évidemment du facteur d’aspect du microtrou). J’ai ensuite considéré l’hypothèse suivante : toutes les cellules disposées dans la chambre sédimentent sur la surface en se répartissant de manière homogène selon un pas régulier correspondant aux rayons d’influence déterminés précédemment (Figure 28). Cette hypothèse grossière permet néanmoins d’estimer un ordre de grandeur de la densité surfacique cellulaire dans un premier temps. Ainsi un tapis de cellules disposées selon un pas régulier de 30 µm, correspond à une densité de 1100 cellules par mm² et donc à une concentration de 1100 cellules par µ L, soit 1,1x106 cellules par mL. De la même manière, un tapis cellulaire avec un pas régulier de 50 µm donne une concentration cellulaire de 4 x 105 cellules par mL. Expérimentalement, nous avons vérifié que l’utilisation d’une suspension cellulaire de concentration comprise entre 0,4 et 1x106 cellules/mL permet d’obtenir le positionnement d’une cellule sur le microtrou dans presque 100% des cas. Par ailleurs, ces concentrations correspondent à celles de la littérature du patch-clamp planaire [82, 85, 87, 99]. Enfin, cette gamme de concentration cellulaire permet également de conserver une suspension sans agrégats pendant au moins 3 heures sous agitation dans du milieu électrophysiologique.

Figure 28 : répartition des cellules sur la surface de la puce. L'hypothèse est faite qu'après sédimentation les cellules sont disposées de manière homogène sur la surface selon un pas régulier p. A partir de la densité de cellules sédimentées sur la surface, il est alors possible de calculer la concentration de la suspension cellulaire. ri est le rayon d’influence de l’aspiration.