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Chapitre 2 : Conception et développement du démonstrateur Multi-Patch

B. Etablissement d'un protocole de test, preuve de faisabilité

4. Enregistrements de courants ioniques sur cellules recombinantes

4.1. Choix des modèles de canaux ioniques

Comme nous l’avons évoqué dans le premier chapitre, le silicium ne constitue pas un substrat idéal pour la mesure des courants très faibles de l’ordre du picoampère. En effet sa capacité intrinsèque importante le rend très sensible aux perturbations électriques environnantes, et les puces en silicium engendrent des mesures avec un rapport signal sur bruit plus faible que lors de l’utilisation de puces en verre ou polymères. Ce point nous a amenés à privilégier les mesures en cellule entière, aux amplitudes de courant souvent comprises entre 100 pA et 10 nA. Par ailleurs cette configuration est celle utilisée par les industries pharmaceutiques.

De même, j’ai utilisé des lignées de cellules de mammifères d’expression stable car le système ne permet pas, dans sa première génération, de trier des cellules transfectées transitoirement (les lignées cellulaires ont été élaborées par la société CreaCell, implantée à La Tronche, 38, [100] , cf poster en Annexe 7).

Dans la phase de validation du système, j’ai privilégié des modèles de canaux ioniques aux propriétés suivantes :

• conductance unitaire importante. Cette propriété, couplée au fait que les mesures sont réalisées en configuration cellule entière, doit permettre d’enregistrer des courants

ioniques supérieurs à 1 nA. On s’assure ainsi que les mesures posséderont un rapport signal sur bruit important malgré les résistances de scellements encore faibles et la capacité importante de la puce.

• voltage-dépendants. Un des objectifs de mes travaux reste l’optimisation des paramètres de la puce pour améliorer le scellement de la membrane cellulaire et dans cette optique, seuls des canaux voltage-dépendants ont été étudiés. A la différence des canaux chemo- sensibles, les canaux voltage-dépendants ne requièrent aucune intervention et ajout de molécule durant la mesure, rendant ainsi la phase de validation plus simple.

• possédant des signatures électriques bien caractérisées et spécifiques. • présentant un profil électrique caractéristique en présence d’inhibiteurs.

Ainsi mon choix s’est porté sur deux types de canaux potassiques voltage-dépendants : les canaux BK(Ca) et IRK1. Les signatures électriques particulières des canaux BK(Ca) et IRK1, respectivement rectifiant sortant et rectifiant entrant, représentent des profils électriques modèles pour la validation de notre puce patch-clamp. Par ailleurs, les canaux potassiques voltage-dépendants sont des cibles connues de molécules thérapeutiques ou de cations, de même qu’ils constituent d’excellents transducteurs dans le domaine des biocapteurs [101]. Pour ces raisons, de nombreux efforts sont concentrés sur la compréhension des propriétés ainsi que sur l’identification de nouveaux activateurs ou antagonistes [43, 102]. Cet intérêt croissant porté aux canaux voltage-dépendants a motivé notre choix pour les choisir en tant que canaux modèles pour la validation de notre microsystème. Les canaux BK(Ca) à grande conductance activés par le calcium et le potentiel, appelés aussi canaux « maxi-K » (en référence à leur conductance unitaire de 250 à 300 pS), permettent la mesure de courants de près de 10 nA lorsqu’ils sont surexprimés sur la membrane des cellules de mammifères comme les CHO ou les HEK-293. Enfin, nous nous sommes également intéressés aux canaux IRK1 dont la conductance unitaire (~ 30 pS) se rapproche des conductances moyennes de la majorité des canaux.

4.2. Résultats

Des courants potassiques ont été enregistrés en configuration cellule entière sur des cellules HEK-293 exprimant de manière stable les canaux BK(Ca) [95]. Les traces de courant dans la Figure 32 représentent la réponse en courant à treize sauts de potentiel de 0 mV à +120 mV (10 mV d’incrément à chaque saut) d’une durée de 400 ms chacun et démontrent les effets bloquant de l’Ibériotoxine (IbTX), un antagoniste spécifique de ces canaux. Les réponses en courant sont représentées de manière superposée pour constater clairement l’activation des canaux. Sur la trace de gauche (A), pour les potentiels imposés de 0 à +20 mV on mesure le courant correspondant à la résistance de scellement (ici 150 MΩ) puisque aucun canal BK(Ca) n’est activé, et à partir de +30 mV on constate une rupture de pente traduisant l'activation des canaux. Sur la trace de droite (A), les courants potassiques sortants sont fortement inhibés par 100 nM d’IbTX. Les courbes courant-tension correspondant à ces deux traces, après compensation de la résistance de fuite, indiquent une inhibition de 88 % des canaux BK(Ca) par l'IbTX (un blocage des canaux de 82 % ayant été obtenu sur des mesures en patch-clamp classique, menées en parallèle sur la même lignée cellulaire).

Dans le but de valider notre assemblage sur différents types cellulaires, nous avons entrepris d’analyser des canaux potassiques rectifiants entrants IRK1, exprimés de manière stable dans des cellules CHO [95]. Les canaux potassiques sont soumis à des potentiels de 0 à -120 mV (par des incréments de -10 mV) sur une durée de 200 ms. Les mesures d'activation et d'inhibition par 1mM de BaCl2 (inhibiteur non spécifique) des courants IRK1, décrites dans la Figure 33, montrent une bonne corrélation entre la technique avec micropipette et la technique planaire. En effet les canaux s'activent dans les deux cas à partir d'un potentiel imposé de - 70mV, valeur conforme à celle de la littérature [57]. La différence notable entre les deux mesures vient uniquement de la valeur de la résistance de scellement et donc du courant de fuite: dans le cas de la mesure en patch-clamp planaire, la résistance de scellement de l'ordre de 100 MΩ implique un courant de fuite plus important que dans le cas de la mesure avec la micropipette où la résistance est supérieure à 1 GΩ. Cette différence se remarque en particulier lorsque l’on compare les traces représentant l'inhibition totale des courants par 1 mM de BaCl2.

Figure 32 : Courants ioniques de canaux BK(Ca) enregistrés en cellule entière sur cellules HEK-293. A: courants potassiques rectifiants sortants activés par des sauts successifs de potentiel de 0 à +120 mV (par incréments de 10 mV). Résistance du scellement: 150 MΩ. Ces mesures montrent également l'inhibition des courants BK par 100 nM d'Ibériotoxine (IbTX), un bloqueur spécifique. B: courbes courant-tension obtenues à partir des traces de courants précédentes.