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Chapitre 3 : Optimisation de l’interaction cellule/microtrou

A. Paramètres influents sur le scellement

3. Géométrie de l’orifice et paramètres de surface

3.1. Forme de la pipette de verre ou du microtrou

Quelques études mettent en évidence l’importance des paramètres relatifs à la micropipette de verre (ou au microtrou) tels que le diamètre de la pointe (ou du microtrou) et la longueur d’invagination de la membrane cellulaire.

Intuitivement, le diamètre de l’orifice doit être adapté à la taille de la cellule étudiée et être assez petit de manière à ne pas aspirer celle-ci entièrement dans la pipette ou le microtrou. Toutefois, il est également précisé qu’un diamètre de pore trop faible peut-être défavorable à la formation du scellement. A titre d’exemple pour des cellules de mammifères d’une dizaine de micromètres, Sakmann et Neher [53] préconisent d’utiliser des diamètres légèrement supérieurs à 1 µm pour les micropipettes de verre. De manière similaire pour le patch-clamp planaire, Pantoja et al [99] affirment que le diamètre du microtrou ne doit pas être inférieur à 1 µm.

Il semble qu’il existe une gamme de valeur de diamètre de pore pour laquelle le scellement se forme plus facilement. On peut supposer que ce phénomène découle d’un compromis entre la surface offerte à la membrane cellulaire pour former le scellement et les propriétés élastiques de la membrane durant l’aspiration. Ainsi pour l’étude de cellules de mammifères comme les HEK et les CHO, les micropipettes de patch-clamp ainsi que les microtrous sur les substrats plans ont en général un diamètre compris entre 1 et 3 µm.

Lors de l’aspiration, la membrane s’invagine dans le microtrou. Quelques observations microscopiques de ce phénomène dans les micropipettes de verre sont décrites dans la littérature [50, 53, 109].

Figure 37 : invagination de la membrane cellulaire dans les orifices utilisés en patch- clamp conventionnel et planaire. Cadre de gauche : observation d’un morceau de membrane de « Myoball » de rat (cellule musculaire sphérique). La micropipette utilisée possède un diamètre de 1,9 µm, et la membrane cellulaire s’invagine jusqu’à 2,6 µm à l’intérieur de la pipette (flèche blanche). Photo extraite de Hamill et al [50]. Cadre de droite : observations en lumière blanche (a) et fluorescente (b) d’une cellule disposée sur le dispositif de patch-clamp transversal de Ionescu-Zanetti et al [92]. L’observation de la cellule CHO contenant de la calcéine, sonde fluorescente cytoplasmique, montre que la membrane s’invagine de plus de 3,3 µm dans le microcanal de 2 µm de diamètre.

La Figure 37 (à gauche) présente l’invagination de la membrane d’un « myoball » de rat (cellule musculaire sphérique) lors d’une mesure de patch-clamp conventionnel. De plus, grâce à leur dispositif de patch-clamp transverse en PDMS, Ionescu Zanetti et al sont capables d’observer l’invagination de la membrane cellulaire dans leur microcanal (Figure 37, cadre de droite) [92]. Qu’il s’agisse du patch-clamp conventionnel ou planaire, on remarque ainsi que la longueur d’invagination de la membrane dans un microtrou est fréquemment égale, voire supérieure au diamètre du microtrou.

Les paramètres géométriques du microtrou semblent primordiaux pour la formation du scellement de la membrane cellulaire sur le substrat mais le nombre d’études sur ce sujet reste faible et ces paramètres ne sont peu, voire pas, quantifiés.

3.2. Paramètres de surface

La nature et les caractéristiques de la surface offerte à la membrane cellulaire jouent également un rôle déterminant dans la réussite de la formation du scellement. En effet, les paramètres liés à la surface, comme la propreté, la rugosité et l’hydrophilie, sont reportés comme critiques mais aucune étude ne quantifie ces paramètres, ni ne donne d’information sur leur ordre de grandeur. Les informations qu’il est possible d’extraire de ces études ressemblent plutôt à des recommandations ou des tendances. Compte tenu de la faible distance d’interaction entre la surface et la membrane cellulaire, notre intuition nous laisse penser qu’une faible rugosité est favorable à la formation du scellement. De plus, en patch- clamp planaire, les travaux de Sigworth et Klemic sur le PDMS par exemple, montrent que les surfaces hydrophiles favorisent la formation du scellement [71, 89]. En effet, en traitant leur surface de PDMS par un plasma oxygène, ils parviennent à augmenter l’hydrophilie de la surface et à obtenir ainsi des scellements plus résistifs que sans traitement.

Enfin, une attention particulière doit être apportée à la propreté de l’échantillon. En effet en patch-clamp conventionnel, l’expérience montre que les pipettes fraîchement étirées, sous l’effet du chauffage d’un filament en tungstène, doivent être utilisées dans le temps qui suit leur fabrication de manière à augmenter les chances d’obtenir des scellements résistifs. Une hypothèse est que les pipettes conservées à l’air sont contaminées par des poussières qui empêchent ensuite la formation du scellement. Une deuxième hypothèse pourrait être que le verre fraîchement étiré possède une hydrophilie meilleure, qui se dégrade rapidement au cours du temps par modification de l’extrême surface.

3.3. Préparation cellulaire

La formation du scellement dépend des caractéristiques du substrat, mais elle dépend également fortement de la cellule, et plus particulièrement de sa forme, de sa taille et de son type. Au cours de l’expérience de patch-clamp conventionnel, l’observation des cellules par un microscope inversé (cf Chapitre 1) permet à l’expérimentateur de choisir la cellule qui sera étudiée. Grâce à des critères de sélection basés sur son expérience, il peut ainsi choisir une cellule qui a de grandes chances de former un scellement très résistif avec le verre de la micropipette. McDowell et Gray [110] proposent à ce sujet un logiciel permettant de choisir les cellules candidates parmi la population de cellules disposées dans la boite de Pétri.

La technique du patch-clamp planaire s’affranchit du positionnement fastidieux de la micropipette, mais la phase de positionnement de la cellule sur le microtrou par aspiration ne permet pas de choisir celle qui fera l’objet de l’étude. Nous avons évoqué dans le deuxième

chapitre le fait que la concentration cellulaire était un paramètre déterminant pour le bon déroulement de l’expérience, mais un grand soin doit être apporté à la qualité de la suspension cellulaire également [87]. En effet, il s’agit d’obtenir une suspension cellulaire homogène, sans agrégats de cellules, sans poussières ou débris cellulaire. En outre, il est nécessaire de nettoyer les cellules des molécules extracellulaires qui les entourent, de manière à ce que le scellement se forme plus spontanément.

4. Approches du problème

4.1. Objectifs

Les paramètres relatifs au substrat sont déterminants pour la formation du scellement, mais comme nous l’avons spécifié, il n’existe pas à ce jour d’informations quantitatives sur les valeurs de ces paramètres. Il est donc très difficile de transposer directement les informations acquises sur les micropipettes de verre au format planaire et il est donc impossible de prédire correctement quel type de microtrou permettra d’obtenir des scellements stables et résistifs. C’est pourquoi, nous avons mis au point une étude systématique de l’influence de tous les paramètres du substrat sur la formation du scellement.

Dans un premier temps, cette étude doit nous permettre de concevoir une puce « optimale », offrant des rendements de « gigaseals » élevés, comparables à ceux obtenus en patch-clamp conventionnel. Dans un deuxième temps, grâce à ces travaux nous souhaitons être en mesure de discriminer les paramètres les plus significatifs afin de pondérer l’influence de chacun d’entre eux sur la formation du scellement. Ce point constitue un objectif important pour deux raisons majeures.

Tout d’abord cette méthodologie nous sera utile lors de la conception d’une nouvelle puce intégrant par exemple de nouvelles fonctions actives (électrodes de mesures, de positionnement, d’électromouillage…). L’ajout de telles fonctions sur la puce impose des contraintes sur les procédés de fabrication et des compromis seront à trouver de façon à satisfaire le cahier des charges imposé par chaque fonction. La connaissance de l’influence des paramètres du substrat sur la formation du scellement nous permettra ainsi de privilégier un paramètre au détriment d’un autre.

Enfin, cette étude pourra permettre d’apporter des informations plus fondamentales sur les mécanismes, non élucidés à ce jour, mis en jeu lors de la formation du scellement.

D’un point de vue pratique, nous avons bâti notre plan d’expériences sur l’étude des cinq paramètres suivants :

• diamètre du microtrou

• épaisseur de la membrane d’oxyde de silicium • forme du microtrou

• rugosité de la surface • hydrophilie de la surface

La formation du scellement dépend également de la cellule, et la qualité de la préparation cellulaire est un facteur déterminant. Il nous est nécessaire de mettre au point un protocole de préparation et de conservation des cellules qui assurera une qualité homogène de la suspension pendant toute la durée de l’expérience, de l’ordre de 2 à 3 heures.

4.2. Stratégie adoptée

4.2.1. Optimisation de la préparation cellulaire

Nous avons décidé d’optimiser la préparation cellulaire de manière indépendante des paramètres de la puce car cette étape est la condition première d’une expérience réussie. Afin d’obtenir une suspension cellulaire sans agrégats, nous avons réalisé des cinétiques de viabilité et de formation d’agrégats, selon différents modes de décollement des tapis cellulaires en culture et différentes techniques d’agitation.

4.2.2 Conception des puces selon un plan d’expériences

Motivations

Notre travail revient à tester 5 paramètres différents de manière indépendante, le tout en testant un minimum de puces différentes pour des raisons évidentes de coûts et de temps. La théorie des plans d’expériences constitue une stratégie pertinente qui permet de répondre à notre besoin, puisqu’elle met en place une stratégie optimale pour recueillir un maximum d’informations d’un phénomène en un minimum de tests. Les principes généraux de cette théorie figurent en Annexe 1. Appliquons, ici, cette théorie à notre cas.

Principe du plan d’expérience

L'étude de l’influence des paramètres de la puce sur la formation du scellement peut être schématisée de la manière suivante: on s'intéresse au pourcentage de résistances de scellement supérieure à un seuil fixé, Y (appelé « réponse » dans la théorie des plans d’expériences), qui dépend d'un grand nombre de paramètres de la puce, X1, X2,…, X5 (que nous appellerons « facteurs »). La modélisation mathématique consiste à trouver une fonction f telle que Y = f (X1, X2,…, X5).

Nous supposerons dans la suite que les variables Xi, i = 1,..., 5, sont contrôlées, c’est-à-dire que nous pouvons les déterminer précisément. Nous nous intéressons à un modèle dit linéaire, c'est-à-dire un modèle du type:

Y = a0 +a1X1 + a2X2 + ... +a5X5 Équation 9

dans lequel a0, a1,..., a5 sont des réels appelés coefficients du modèle (ici, un modèle sans interaction).

Il est important de pouvoir attribuer à chacun des facteurs deux niveaux, l'un qualifié de « niveau bas » l'autre de « niveau haut ». Si le facteur est qualitatif (comme dans le cas d’une forme de microtrou cylindrique ou en sablier) le niveau bas et le niveau haut correspondront à deux modalités du facteur. Dans la pratique, le niveau bas sera codé à l'aide du nombre -1 et le niveau haut à l'aide du nombre +1.

La matrice d'expériences est le tableau qui indique le nombre d'expériences à réaliser avec la façon de faire varier les facteurs et l'ordre dans lequel il faut réaliser les expériences. Ce tableau est donc composé de +1 et de -1. Cette matrice n’est pas construite au hasard, mais selon des critères optimaux basés sur la théorie d’Hadamard (voir Annexe 1). La détermination des coefficients est ensuite réalisée en résolvant le système d’équations obtenu en suivant les tests imposés par la matrice d’expériences.

Lors de la première étape d’un plan d’expériences, appelée « screening », on suppose, comme décrit ci-dessus, que la réponse est un modèle linéaire sans interaction, c'est-à-dire qu’elle s’écrit comme une somme de chaque paramètre étudié pondéré par un coefficient. Cette étape préliminaire ne permet généralement pas à elle seule de décrire exactement le phénomène étudié. Les étapes suivantes consistent à construire un plan d’expériences qui prend en compte les interactions (d’ordre 2 ou 3) entre les paramètres.

Pour des raisons évidentes de temps, nous avons décidé de ne pas considérer d’interactions entre les 5 paramètres et de réaliser uniquement l’étape de screening afin de discriminer les paramètres les plus influents sur la formation du scellement.

4.2.3. Caractérisations des paramètres de la puce

Les différentes caractérisations entreprises sont listées dans le Tableau 5. Les trois premières caractérisations permettent de vérifier que les puces ont les caractéristiques escomptées, alors que les deux dernières donnent des informations supplémentaires pour tenter d’apporter des explications plus fondamentales sur le phénomène du « gigaseal ».

Méthode de

caractérisation Informations recherchées Résultats attendus

MEB Diamètre du microtrou (et informations qualitatives sur la forme du trou)

AFM Rugosité de la surface

Mesure de l’angle de goutte (eau) Hydrophilie de la surface Contrôle des caractéristiques des puces Mesure de l’angle de goutte (avec 3 liquides)

Energie de surface, détermination des contributions dispersive et polaire XPS Concentration et liaisons atomiques en

surface (dans les 5 premiers nm)

Comprendre le scellement

Tableau 5 : présentation des caractérisations systématiques réalisées sur les puces.

B. Préparation cellulaire