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La valeur appropriée comme critère de définition du bien

A. L’insuffisance d’une unique catégorie de bien

1. La valeur appropriée comme critère de définition du bien

106. L’homme et la chose : le critère d’appropriation. – La définition du bien ne fait pas l’objet d’un consensus en Droit français. Le Code civil n’en traite pas, il se contente de l’opposer à la personne et d’en faire le lien à travers la propriété de l’article 544381. Partant,

380 Il aurait été possible d’y voir un principe comportant de nombreuses exceptions ; c’est une analyse qui a longtemps suffit d’ailleurs. Elle semble cependant aujourd’hui dépassée par l’évolution de ces exceptions. La multiplication des biens exclus du gage des créanciers engendre un déséquilibre important où le principe menace d’être évincé par les exceptions. Le développement d’une nouvelle catégorie d’objets de droit invite alors à voir une opposition qui semble s’être développée parallélement aux notions de patrimoine et d’universalité de droit. En ce sens, J.L. BERGEL, op. cit., n°186, p. 243 : l’auteur écrit justement que « la capacité d’absorption de phénomènes juridiques existantes est liée à leur définition. S’agissant de distinctions bipartites et de classifications tranchées, à portée exhaustive, il ne peut s’agir de catégories fermées. Parmi les deux catégories antithétiques (…), il faut qu’il y en ait une au moins qui soit assez ouverte pour pouvoir accueillir de nouvelles entités ou de nouvelles notions : il faut que, dans chaque classfication, si l’une des catégories est limitative, l’autre soit résiduelle. (… mais) il est parfois difficile de se prononcer sur les caractères respectifs des catégories en causes (…) Quelles sont les catégories limitatives et les catégories résiduelles ? La réponse à cette question dépend souvent de la détermination du principe et de ses exceptions, le principe correspondant à la catégoire résiduelle et les exceptions à la catégorie limitative. Mais ces notions elles-mêmes évoluent. Les exceptions, en se mulipliant, finissent par devenir le principe. » (nous soulignons).

381 Les autres dispositions du code relatives au bien permettent de déterminer le régime applicable selon une classification des biens mais aucune définition de la notion de bien ne ressort clairement de ces dispositions ; en ce sens, J. ROCHFELD, Les grandes notions du droit privé, PUF 2013, n°4.9, p. 225 ; R. LIBCHABER, « La recodification du droit des biens », Livre du bicentenaire du Code civil, Dalloz-Litec 2004, p. 297, spec. n°21, p. 321 ; A. TADROS, La jouissance des titres sociaux d’autrui, Dalloz 2013, n°49, p. 59.

il est aisé de dire que le Droit ne s’intéresse aux choses que sous l’angle de leurs rapports avec l’homme382. Plus exactement, la chose du monde extérieur383 n’est envisagée

juridiquement en tant que bien que par le prisme du sujet de droit. La question alors soulevée consiste à savoir ce qui amène ce sujet à considérer la chose, à se l’approprier, à la faire entrer dans la sphère du droit. Reprise de la summa divisio romaine, l’opposition entre sujet et objet de droit est à l’origine de cette relation. Amplifiée par l’individualisme libéral de la période révolutionnaire, cette opposition est au fondement du Code civil français384. L’Homme, sujet de droit, se tient face à la chose qu’il fait sienne. Il semblerait alors que c’est cette appartenance de la chose à un individu déterminé qui la transforme en bien d’un point de vue juridique385. En d’autres termes, c’est l’appropriation de la chose qui permet d’octroyer à cette dernière la qualification de bien juridique386. Au-delà de ce premier constat, il est

nécessaire de s’intéresser à la raison de cette appropriation de la chose par l’homme.

107. L’appropriation : la réservation d’une valeur. – La propriété est un rapport d’exclusivité entre une chose et une personne, un lien de droit établi entre le bien et son

Il faut d’ailleurs remarquer que le Projet de réforme de l’Association Henri CAPITANT prévoit d’introduire dans le Code civil, une définition du bien qui serait « une valeur économique, située dans une prérogative juridique quelconque, et consacrée comme telle par le droit objectif ». Cette proposition est à notre sens insuffisante en ce qu’elle ne précise pas ce qu’il faut entendre par « prérogative juridique » et ne donne pas les critères qui permettent de qualifier le bien.

382 PORTALIS disait d’ailleurs dans son discours préliminaire que « les choses ne seraient rien pour le législateur sans l’utilité qu’en tire les hommes » et CARBONNIER reprend en écrivant que « les choses vues par le droit prennent le nom de biens, en raison des avantages qu’elles procurent à l’homme », in Droit civil, Introduction

– Les personnes, n°164.

383 Il convient de préciser ici les termes « monde extérieur » qui ne renvoie pas uniquement au monde physique mais à celui des choses qui sont « un donné de la réalité qui, en tant que tel, est inconditionné à un quelconque système juridique » (W. DROSS, « Une approche structurale de la propriété », RTD Civ. 2012, n°21, p. 430). En d’autres termes, le monde extérieur englobe les choses corporelles et incorporelles.

384 Cf. supra (n°29 et s.)

385 Il semble y avoir un consensus doctrinal sur ce (seul) point, c’est d’abord l’appropriation qui fait que la chose devient bien : G. BAUDRY-LACANTINERIE & M. CHAUVEAU, Traité théorique et pratique du droit civil. Des

biens, Sirey 1896, n°10, p. 10 ; W. Dross, Les Choses, LGDJ, 2012, n°2, p. 1 ;FR.ZÉNATI &TH. REVET, Les

biens, PUF 2008, n°2, p. 18 ; FR. TERRÉ & PH. SIMLER, Les Biens, Précis Dalloz 2014, n°29, p. 37 ; PH. MALAURIE & L. AYNÈS, Les Biens, Defrénois, 2010, n°8, p. 6 ; M. MIGNOT, « La notion de bien. Contribution à l’étude du rapport entre droit et économie », RRJ 2006, p. 1805 ; C. GRZEGORCZYK, « Le concept de bien juridique : l’impossible définition », Arch. Phil. Droit, t. 24, 1979, p. 259 ; J. ROCHFELD, Les grandes

notions du droit privé, PUF 2013, n°4.3, p. 218 ; R. LIBCHABER, Répertoire de Droit civil – Les biens, D. 2009. L’avant-projet de réforme du droit des biens à l’initiative de l’Association Henri CAPITANT proposait d’ailleurs de définir les biens dans un nouvel article 520 comme « les choses corporelles et incorporelles faisant l’objet d’une appropriation ainsi que les droit réels et personnels », nous soulignons.

386 Il semble y avoir un consensus doctrinal sur ce (seul) point, c’est d’abord l’appropriation qui fait que la chose devient bien : G. BAUDRY-LACANTINERIE et M. CHAUVEAU, Traité théorique et pratique du droit civil. Des

biens, Sirey 1896, n°10, p. 10 ; W. DROSS, Les Choses, LGDJ, 2012, n°2, p. 1 ;FR.ZÉNATI &TH. REVET, Les

biens, PUF 2008, n°2, p. 18 ; FR. TERRÉ & PH. SIMLER, Les Biens, Précis Dalloz 2014, n°29, p. 37 ; PH. MALAURIE & L. AYNÈS, Les Biens, Defrénois, 2010, n°8, p. 6 ; M. MIGNOT, « La notion de bien. Contribution à l’étude du rapport entre droit et économie », RRJ 2006, p. 1805 ; C. GRZEGORCZYK, « Le concept de bien juridique : l’impossible définition », Arch. Phil. Droit, t. 24, 1979, p. 259 ; J. ROCHFELD, Les grandes

propriétaire387. Or cette exclusivité semble résulter de la volonté de l’individu de réserver une chose au regard des autres. À la recherche d’une définition du bien juridique, MOUSSERON, dans un article désormais célèbre, a proposé un éclairage sur le lien entre l’appropriation et la valeur d’une chose388. Définissant la propriété comme un pouvoir de puissance de la personne sur la chose, l’auteur constate que le droit est inhérent à la personne. En analysant le processus d’appropriation d’abord et celui du transfert de propriété ensuite, il constate que ce sont les utilités et la valeur de la chose qui ont besoin d’être réservées, de faire l’objet de la propriété. Pour lui, ces éléments préexistent à la qualification du bien juridique389. Mais qu’est-ce que l’utilité et qu’est-ce que la valeur ? Quels liens entretiennent ces notions ?

108. Les liens entre utilité et bien. – La question des relations entretenues entre les notions d’utilité et de bien revient à se demander s’il existe, entre ces termes, un rapport de conséquence ou de correspondance, d’assimilation de l’un à l’autre390. Le bien est ce qui est

bon et, le Droit étant orienté vers les individus, il s’agit plus précisément de ce qui est bon pour l’Homme. L’utilité est une composante du bien-être car ce qui est utile est orienté vers une fin voulue. Elle est alors nécessaire au bien car l’utilité de telle chose permet de déterminer la capacité de cette chose à la satisfaction de telle personne391. Ainsi, l’utilité est un moyen : elle permet de faire le lien entre la chose et ses qualités d’un côté et la fin poursuivie par l’Homme de l’autre392. Dans ce domaine, il s’agit toujours de l’utilité de

quelque chose pour quelqu’un. En d’autres termes, ce que nous appelons « utilités de la chose » renvoient à ce que la chose a à offrir à l’Homme en vue de sa satisfaction. En ce sens,

387 Cf. supra (n°41 et s.)

388 R. SAVATIER, « Les métamorphoses économiques et sociales du droit privé aujourd’hui », D. 1959, n°494 et s. p. 166 ; J.M. MOUSSERON, « Valeurs, biens, droits », in Mélanges BRETON-DERRIDA, Dalloz 1991, p. 277 ; dans le même sens, P. BERLIOZ propose une définition du bien fondée exclusivement sur la valeur quoiqu’il ne retienne in fine que le critère de la saisissabilité pour qualifier le bien : v. La notion de bien, LGDJ 2007. 389 J.M. MOUSSERON, op. cit. : ce dernier auteur écrit cependant que « le concept de valeur n’acquiert, donc, tout son sens que lorsque le souci de réservation se prolonge par celui de commercialisation ; il suppose donc une vie à plusieurs. (…) Par « biens » nous entendrons tout élément, matériel ou non, suscitant un double souci de réservation et de commercialisation chez son maître du moment qui appelle et obtient la sollicitude de l’organisation sociale. » ; pour lui, la valeur préexiste donc au bien. D’autres ont également pu écrire que « Le terme bien entretient des liens étroits, sinon consubstantiels, avec l’idée de valeur. Sur le terrain éthique, le bien est une valeur morale. Sur le terrain économique (…), le bien est une valeur d’échange. » : W. DROSS, Les

Choses, LGDJ-Lextenso 2012, n°1, p. 1 ; dans le même sens, R. LIBCHABER, répert. préc., n°16 et s.

390 D’ailleurs le bien est défini par certains dictionnaires comme « ce qui est utile, nécessaire, profitable à quelqu’un, à la collectivité ou à quelque chose » : Larousse - Dictionnaire de la langue française, 2016 ; même sens et même emploi du terme utile : Le Petit Robert - Dictionnaire, 2012.

391 C’est ainsi que le langage courant définit l’utilité : « aptitude ou caractère d’un bien à satisfaire un besoin ou à créer les conditions favorables à cette satisfaction » : Larousse préc. ; même sens, Le Petit Robert, préc. ; VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, 1764 : « L’utile est ce qui répond à la satisfaction des besoins physiologiques des hommes ».

l’utilité est l’essence de la chose dans son rapport avec un homme déterminé. L’horloge a pour utilité de mesurer le temps. Cette qualité de l’objet vise la satisfaction du sujet au moment où ce dernier cherche à connaître l’heure ; c’est un moyen pour lui de se repérer dans le temps. Certains écrivent que « l’utilité des choses, parce qu’elle n’a de sens que dans un rapport à l’individu, n’est pas simplement objective393 » mais plus encore, elle est

éminemment subjective. En effet, là où l’exclusivité – et par conséquent, l’appropriation – est vaine, le lien d’utilité entre la chose et l’homme demeure. Ainsi Robinson, sur son île déserte, peut interagir avec le monde des objets pour leur utilité sans qu’une réservation de ceux-ci ne soit nécessaire394. Dans un système où la propriété est (encore) remarquablement individuelle, l’utilité est nécessairement exclusive et donc prise au regard d’un seul sujet395.

L’utilité engendre donc l’action de l’homme sur la chose mais elle n’en justifie pas, à elle seule, l’appropriation dans sa dimension d’exclusivité.

109. Les liens entre utilité et valeur. – Les choses utiles ont de la valeur aux yeux de l’homme : il convoite la chose qui acquiert ainsi une valeur d’usage, il veut la faire sienne car il y voit une utilité, il destine la chose à un usage396. En ce sens, utilité et valeur d’usage semblent synonymes. Il convient en revanche de distinguer deux sortes de valeurs depuis les travaux d’ARISTOTE : valeur d’usage et valeur d’échange397. Or la première, subjective ou, du moins, orientée ou personnalisée, préexiste à la seconde398. Dès lors que les valeurs d’usage ou les utilités que deux personnes voient dans une même chose se rencontrent399 – et

393 W. DROSS, op. cit., n°11, p. 14.

394 L’idée est célèbre chez les philosophes s’étant intéressé à la propriété : v. ARISTOTE, Politique, éd. Vrin 1995, Livre I, Chap. 9, 1257a – 1257b, p. 56 et s. ; J.J. ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de

l’inégalité parmi les hommes, éd. Flammarion 2011, coll. GF, p. 37 et s. On la retrouve également chez les

juristes, v. en ce sens, M. FABRE-MAGNAN, « Propriété, patrimoine et lien social », RTD civ. 1997, p. 583 et s., n°3.

395 Les nuances apportées par les « démembrements de propriété » ou la distinction du titre et de la jouissance ne remettent pas en cause le principe justement parce qu’elles ne passent pas par une multiplication de la propriété (et donc de liens de droit entre la chose et les sujets) mais par des mécanismes contractuels : v. en ce sens, D. MELEDO-BRIAND, « Les multiples utilités économiques des biens : approche de la propriété simultanée », in Mélanges CL. CHAMPAUD, Dalloz 1997, p. 467 et s.

396 Utilité et valeur d’usage renvoient donc à la même chose : v. R. LIBCHABER, ibid., W. DROSS, ibid., et du même auteur : « Une approche structurale de la propriété », RTD Civ. 2012, n°7, p. 422.

397 V. sur les développements d’Aristote, W. DROSS, ibid. ; G. ROMEYER-DHERBEY, « Chose, cause et œuvre chez Aristote », Arch. Phil. Dr. 1979, t. 24, p. 127 et s., spéc. p. 135-136.

398 Un auteur écrit ainsi justement que « la valeur d’échange est toujours tributaire des utilités fonctionnelles des choses » : A. TADROS, th. préc., n°90, p. 100.

399 Deux personnes peuvent voir des utilités différentes dans une même chose : la terre peut être utile à l’un en vue de sa culture et à l’autre aux fins de construire un édifice. Chacun voit donc dans la chose, une valeur d’usage différente. C’est la rencontre des volontés, de la convoitise de chacun sur la même chose qui fait naître la valeur d’échange ; dans le même sens : G. ROMEYER-DHERBEY,ibid. ; v. également, FR.DANOS, Propriété,

possession et opposabilité, Economica 2007, n°127 et s., p. 135 et s.

Il est alors possible d’identifier la valeur d’usage (ou l’utilité) à la cause subjective de la réservation, au mobile pour lequel une personne veut se réserver telle ou telle chose. A l’inverse, la valeur d’échange peut être réduite

que la chose a donc vocation à circuler – la société, et plus largement, le Droit doivent lui reconnaître une valeur d’échange400. Il est alors possible d’affirmer que le droit se

désintéresse de la valeur d’usage pour ne retenir que la valeur d’échange401 car la première relève de la volonté individuelle – ou plus précisément de la convoitise d’un seul – quand la seconde fait entrer la chose dans le collectif402. Or « l’altérité constitue la condition sine qua

non de toute intervention du droit »403.

110. Les liens entre valeurs et appropriation. – L’appropriation est la création d’un rapport d’exclusivité entre une chose et une personne404. Elle est rendue nécessaire par la

recherche d’une protection de la jouissance absolue contre la menace et la convoitise des autres. La propriété a donc une double dimension : interne et externe405. Le lien d’appartenance entre la chose et le propriétaire ne concerne que la chose et le propriétaire. C’est donc un lien interne. Mais la propriété n’est pas qu’un simple lien d’appartenance mais aussi un lien d’exclusivité. Or celui-ci ne concerne plus uniquement la chose et le propriétaire mais également les tiers. Il y a ici l’idée d’une certaine extériorité. Or si la valeur d’usage justifie l’appropriation dans sa dimension interne puisque l’homme ne s’approprie les choses

à la cause contrepartie recherchée par chacun, dans l’opération sur la chose avec autrui ; en ce sens, v. R. SAVATIER, « Vers de nouveaux aspects de la conception et de la classification juridique des biens corporels »,

RTD Civ. 1958, p. 1 et s. ; « Essai d’une présentation nouvelle des biens incorporels », p. 331 et s.

400 Le Professeur LIBCHABER donne à la valeur d’échange, une définition qui force l’approbation : « la valeur [d’échange] n’est rien d’autre qu’un mode de comparaison, un rapport entre les choses qui surmonte leurs différences pour les envisager d’un point de vue unique. La caractéristique de la valeur est à cet égard de proposer un point de vue social : la comparaison entre les choses ne tient pas à leurs caractéristiques intrinsèques, mais au regard que la société porte sur eux. » ; R. LIBCHABER,Recherches sur la monnaie en droit privé, LGDJ 1992, n°48, p. 39. Il est aisé de voir, à partir de cette définition, que la valeur d’échange est, à

l’image de la propriété, une abstraction créée dans l’unique dessein de favoriser les rapports entre individus. En ce sens, la valeur doit se confondre avec le bien ou, plus précisément, elle correspond à son évaluation à un moment déterminé, moment qui correspond à l’événement qui opère la circulation de ce bien ; dans le sens de l’analyse de la valeur comme composante du bien, B. CHAFFOIS, La plus-value : étude juridique, th. Paris 1, 2018.

401 V. MERCIER, L’apport du droit des valeurs mobilières à la théorie générale du droit des biens, PUAM 2005, n°189, p. 97 : « toutes les choses ne sont pas susceptibles d’appropriation. Il faut encore que la chose ait une certaine valeur pour qu’elle intéresse le droit. (…) Les autres choses, comme le corps humain, par exemple, qui dispose d’une valeur mais dont celle-ci ne peut pas faire l’objet d’une représentation économique dans notre société, n’accèdent pas à la qualité de bien » ; en ce sens également, C. VERBAERE, « Essai d’une théorie générale de la notion de valeur, application au droit de rétention », RRJ 1999, p. 688.

402 Il n’encadre et ne peut encadrer que l’intersubjectivité et non la seule subjectivité : en ce sens, E. LÉVY, Les

fondements du droit, Libr. Félix ALCAN, 1933, p. 87 ; contra, A. TADROS, La jouissance des titres sociaux

d'autrui, Dalloz 2013, n°90-91, p. 100-101.

403 S.M. FERRIÉ, Le droit à l’autodétermination de la personne humaine – Essai d’un renouvellement des

pouvoirs de la personne sur son corps, éd. IRJS 2018, n°259, p. 165.

404 Cf. supra (n°41 et s.).

405 L’idée n’est pas nouvelle et a notamment inspiré les théories relatives à l’opposabilité erga omnes des droits et surtout de la propriété : L. RIGAUD, Le droit réel, histoire et théories, th. Toulouse 1912 ; et du même auteur, « A propos d’une renaissance du jus ad rem et d’un essai de classification nouvelle des droits patrimoniaux »,

RIDC 1963, p. 557 et s. ; v. également W. DROSS, « L’identité des concepts juridiques : quelles distinctions entre concept, notion, catégorie, qualification, principe ? », RRJ 2012/5, p. 2230-2231.

que pour leurs utilités, l’intromission d’un corps étranger dans la relation sujet/objet fait en revanche apparaître la valeur d’échange406. C’est ce qui explique pourquoi la relation entre Robinson et les choses qui se trouvent sur l’île déserte ne concerne que la valeur d’usage de ces choses et non la valeur d’échange407. C’est également ce qui explique pourquoi seule la valeur d’échange est utile à la caractérisation de la propriété juridique et, partant, de la qualification du bien en Droit408. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer l’évolution du Droit quant aux déchets409.

111. La réduction du bien à une valeur appropriée. – Le bien juridique correspond donc à une valeur qui, parce qu’elle est partagée par la collectivité, peut être échangée et doit être appropriée410. Cette définition du bien trouve d’ailleurs un écho en droit européen puisque la CEDH n’hésite pas à réduire le bien à la valeur et notamment à un « intérêt économique substantiel411 ». Il est en réalité difficile de savoir si l’appropriation est justifiée

par l’échange ou si elle le fait naître. Quoiqu’il en soit, il n’est d’échange sans appropriation et il n’y a d’appropriation sans échange potentiel412. En ce sens, les choses qui sont exclues

de l’appropriation et de l’échange sont, bien qu’ayant une valeur d’usage, exclues de la

406 Dans le même sens, le professeur DROSS écrit : « la valeur d’usage des choses naît de leur aptitude à satisfaire les besoins humains : elle exprime les qualités immédiates de la chose pour l’homme. La valeur d’échange n’émerge au contraire que de manière médiate, dans la relation à autrui » : ouvrage préc., n°24, p. 36 ; même auteur, art. préc., n°25, p. 431-432.

407 En ce sens, M. FABRE-MAGNAN, « Propriété, patrimoine et lien social », RTD Civ. 1997, p. 583 et s.

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