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Le patrimoine, abstraction nécessaire – Le patrimoine est une création théorique constitutive d’un ensemble abstrait qui vient remplacer le corps dans la contrainte.

B. Le patrimoine : abstraction nécessaire aux mécanismes du droit civil

49. Le patrimoine, abstraction nécessaire – Le patrimoine est une création théorique constitutive d’un ensemble abstrait qui vient remplacer le corps dans la contrainte.

Il s’agit donc d’un ensemble envisagé comme une unité, qui permet de créer un lien entre biens et obligations. Ce lien, rendu nécessaire par la disparition d’une règle fondamentale du droit français, invite à penser les rapports de droit de façon abstraite. Pure création de l’esprit, le patrimoine n’est pas une somme de biens ou de dettes, mais une « structure d’accueil »

186 V. notamment, O. JALLU, Essai critique sur l’idée de continuation de la personne comme principe des

transmissions à titre universel, th. Paris 1902 ; J. PERCEROU, « La liquidation du passif héréditaire en droit français », RTD Civ. 1905, p. 535 et s.

187 G. MARTY et P. RAYNAUD, op. cit., n°238, p. 188.

188 B. FROMION-HÉBRARD, Essai sur le patrimoine en droit privé, th. Paris II, 1998, n°280 et s., p. 231 et s. : l’auteur retient ici l’existence d’un principe de transmission des dettes aux héritiers tenus ultra vires en rejetant l’utilité du patrimoine ici. Pourtant, il conserve le lien entre l’actif successoral et le passif qui le grève. Or cette corrélation ne peut être préservée autrement que par un rassemblement abstrait que constitue le patrimoine. L’auteur y concède d’ailleurs par la suite quoiqu’il ne retienne pas la qualification de patrimoine mais celle d’universalité (n°449 et s., p. 401 et s.) ; J. PERCEROU, op.cit.

189 V. En ce sens, P. LE CANNU et B. DONDERO, Droit des sociétés, LGDJ-Lextenso 2015, n°1636 et s., p. 1020 et s. ; M. COZIAN, A. VIANDIER & F. DEBOISSY, Droit des sociétés, LexisNexis 2016, n°1785 et s., p. 748 et s. ; v. également, la M.L. COQUELET, La transmission universelle de patrimoine, th. Paris X, 1994 ; A.S. BARTHEZ, La transmission universelle des obligations – Étude comparée en droit des successions et en droit

des sociétés, th. Paris I, 2000, n°554, p. 420

190 C’est pourquoi la Cour de cassation a conclu que si les parts sociales d’une SARL ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, l’apport scission « ne peut être considéré comme une cession isolée faite à un tiers » et échappe donc à cette règle issue de la loi du 7 mars 1925 : Com, 19 avr. 1972, Bull. Civ. IV, n°115, pourvoi n°69-14054.

191 En ce sens, R. RAFFRAY, La transmission universelle du patrimoine des personnes morales, th. Dalloz 2011, n°83 et s., p. 77 et s. ; l’auteur s’intéresse d’ailleurs ensuite aux fondements et à l’opposabilité de la transmission de l’ensemble ; v. également J. ROCHFELD, Les grandes notions du droit privé, PUF 2014, n°6.10, p. 362 et s. Il conviendra de préciser en réalité l’objet exact de cette circulation et de se demander si le patrimoine est véritablement transmis en tant que tout : cf. infra (n°519)

permettant un lien théorique entre les uns et les autres192. Il doit en ce sens être envisagé comme le tout qui unit potentiellement des éléments divers. Le patrimoine est alors caractérisé par deux éléments essentiels : l’unification d’un ensemble divers et la potentialité des éléments qui le compose. Or l’un comme l’autre de ces caractères force l’abstraction. D’un côté, l’unification, constatée à partir des opérations de transmission, consiste à envisager des éléments différents comme un ensemble unique. Or ce paradigme nécessite un effort de l’esprit, définition même de l’abstraction. De l’autre côté, la potentialité imposée par la généralité du droit de gage des créanciers, pousse à considérer l’ensemble indépendamment de ses changements dans le temps. Un effort d’abstraction est donc encore nécessaire.

135. Conclusion de la section. – « Le patrimoine, c’est la puissance de garantie qu’offre la personne à ses créanciers actuels et futurs193 ». Son apparition est justifiée par

l’évolution du droit. Il permet de faire le lien entre l’ancien et le neuf, il permet la cohérence d’ensemble des règles du Droit civil. Il est abstraction car il est puissance. Il est outil du droit de gage général en ce qu’il est une garantie. Il fait le lien entre ce que la personne a à offrir et ce que la personne doit à autrui. Il n’est donc pas dogmatique ou axiologique, le patrimoine est une notion fonctionnelle. Sa fonction identifiée de responsabilisation passe par l’établissement d’un lien entre propriété et obligation. Emprisonnée entre le monde des choses et celui des personnes, la fonction du patrimoine lui impose une structure spécifique : il se présente alors en tant qu’ensemble de biens et de dettes corrélativement liés. Ainsi l’étude de sa fonction invite-t-elle à s’intéresser à la structure du patrimoine, à son mode de fonctionnement. Plus précisément, cette analyse du patrimoine permet de comprendre ses contours, ses caractéristiques, lesquelles semblent exister en dehors du seul patrimoine, dans d’autres masses de biens et de dettes qui se répondent, c’est-à-dire dans d’autres universalités de droit.

192 Il faut entendre la « structure d’accueil » comme l’enveloppe abstraite qui reçoit, en dehors de tout facteur spatio-temporel, des éléments différents. Une auteure décide d’y voir d’ailleurs une chose collective par opposition aux choses composées, la première résultant de l’intégration des éléments à un ensemble préexistant quand les secondes sont le résultat d’une incorporation ou d’une accession : C. KUHN, th. préc., n°36 et s., p. 33 et s. Il conviendra de préciser cette analyse en s’intéressant aux liens entre patrimoine et universalité (cf. infra : n°203 et s.).

193 Nous soulignons ; R. DEMOGUE, Les notions fondamentales du droit privé – Essai critique pour servir

S

ECTION

2U

NE IDENTITE STRUCTURELLE ENTRE UNIVERSALITE DE DROIT ET PATRIMOINE

50. Partir des points communs. – Le patrimoine est perçu comme le moyen de

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