La tandem avec la CI normale fonctionne comme attendu : la tension est proche de la
somme des Voc des sous-cellules (il manque 200 mV). Son courant est plus élevé que ne le
laisse penser le test de la cellule simple sous lumière filtrée, suggérant que ce n’est pas la
sous-cellule limitante qui impose son Jsc.
Les tandems aux CI mono-matériau, elles, sont des cellules fonctionnelles. Leurs Voc sont
proches de celles des cellules simples, c’est-à-dire de l’addition des Voc d’une cellule
fonc-tionnelle et d’une cellule court-circuitée, conformément à la théorie détaillée précédemment.
Ainsi, les couches intermédiaires uniques créent un contact électrique ohmique entre une
sous-cellule utile et une sous-cellule court-circuitée. Néanmoins, les écarts de tension sont
étonnants : la Voc de la tandem avec HTL seul est plus élevé que la Voc de la cellule simple
de P2 ; alors que la Voc de la tandem avec ZnO seul est plus basse que celle de sa cellule
simple correspondante (PCDTBT). Cela peut s’expliquer par les positions respectives des
sous-cellules fonctionnelles, mais il faudrait faire des expériences complémentaires pour le
prouver.
Par ailleurs, les Jscdes tandems avec les CI mono-matériau sont remarquablement proches
de celui de la tandem complète, alors qu’on pourrait s’attendre à ce qu’il soit égal à celui de
la sous-cellule fonctionnelle. C’est peut-être une coïncidence : le point de fonctionnement
maximum de la cellule simple de PCDTBT est à 560 mV de tension et 7.7 mA.cm-2, ce qui
correspond parfaitement au courant de la tandem avec ZnO seul. Toutefois ce raisonnement
ne tient pas pour le P2. Pour comprendre dans le détail le fonctionnement des cellules
tandems mono-matériau, des expériences complémentaires seraient nécessaires. Elles n’ont
pas été réalisées car l’objectif du test des couches intermédiaires mono-matériau est déjà
atteint.
Cette expérience met en évidence le deuxième rôle de la couche intermédiaire : permettre le
bon fonctionnement de chaque sous-cellule en en extrayant sélectivement les charges. Dans
les tandems avec les CI mono-matériau, les charges sont bien extraites de l’une des
sous-cellules mais pas de la deuxième, qui sert simplement de transit. Ces résultats démontrent
expérimentalement les conclusions tirées de l’analyse bibliographique initiale.
En conclusion, la couche intermédiaire doit jouer deux rôles. Tout d’abord, extraire
sé-lectivement les charges de chacune des sous-cellules pour permettre une bonne addition
des tensions. Puis, elle doit permettre la recombinaison de ces charges. Extérieurement,
cela correspond à un contact ohmique entre les deux sous-cellules qui se traduit par une
addition des Voc.
7.2 Vérification expérimentale du contact ohmique
Maintenant que le fonctionnement de la couche intermédiaire est clarifié, étudions de quelle
façon vérifier expérimentalement si deux matériaux forment une couche intermédiaire
effi-cace. Pour cela, intéressons nous à deux CI, l’une composée de ZnO/HTL (fonctionnelle),
l’autre de TiOx/HTL (non fonctionnelle). Il a été rappelé au début du chapitre que les deux
oxydes métalliques ont des propriétés physiques très proches (travaux de sortie,
transpa-rence, conductivité).
Une façon de tester le contact ohmique dans une couche intermédiaire sans fabriquer de
tandem est de l’inclure soit dans une cellule simple, soit en sandwich entre deux électrodes.
Figure7.3 – Architecture des dispositifs incorporant les CI : en-dessous de la cellule
simple (gauche), au-dessus de la cellule (centre) et en sandwich entre deux électrodes.
-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 -10 0 10 20 30 40 J ( m A / c m 2 ) V (V) CI TiOx en-dessous CI TiOx au-dessus CI ZnO en-dessous CI ZnO au-dessus
Figure 7.4 – Courbes J(V) de cellules simples incorporant les CI.
Plusieurs articles [34, 150, 30] emploient l’une ou l’autre de ces méthodes. Dans notre cas,
trois types de cellules sont réalisés pour chaque oxyde, dont les architectures sont exposées
figure 7.3. Les CI sont incorporées en-dessous ou au-dessus de cellules simples de PCDTBT,
ou elles sont simplement prises en sandwich entre deux électrodes.
Les dispositifs apposant simplement des électrodes aux CI donnent des courbes J(V) droites
(non montrées), correspondant à des résistances séries très proches, de l’ordre de 2Ω.cm−2
pour les deux oxydes. Cela suggère que le contact au sein de ces deux CI est ohmique. Les
courbes J(V) représentatives des autres dispositifs sont données figure 7.4.
Quand la CI de TiOx est en-dessous de la sous-cellule, la courbe J(V) résultante présente
une forme en S marquée. Mais cette même CI incorporée au-dessus de la sous-cellule
fonc-tionne très bien. Cette discordance témoigne d’abord qu’il est impératif d’essayer les deux
configurations pour tester convenablement le fonctionnement d’une CI. Dans la
bibliogra-phie, les auteurs n’essayent généralement qu’une seule des deux positions. Leurs conclusions
7.2. Vérification expérimentale du contact ohmique 127
peuvent donc être erronées. Par ailleurs, la comparaison entre les deux positions montre
que la CI de TiOx extrait bien les électrons (la position CI en-haut fonctionne) et permet
leur recombinaison. Par contre, lorqu’elle extrait les trous générés par la CA, elle en
pro-voque l’accumulation, probablement à l’interface HTL / TiOx (puisqu’on sait que l’HTL
extrait bien). Cette observation soulève plusieurs interrogations sur le mécanisme et le lieu
de recombinaison des charges : au sein de quel matériau, ou à quelle interface, les trous
venant de la CA et les électrons fournis par l’électrode se recombinent-ils ? L’accumulation
de charge est-elle due à un type de charge (probablement les trous) qui ne parvient pas à
rejoindre le lieu de cette recombinaison ? Ou bien est-ce que la recombinaison est empêchée
pour une autre raison, à identifier ? En tout état de cause, le contact ohmique doit donc
être considéré séparément pour les électrons et pour les trous.
L’analyse des cellules incorporant le ZnO est plus simple : la CI joue bien son rôle dans les
deux positions. Cependant, comparativement aux 880 - 900 mV de tension d’une cellule
normale, la Voc de ces deux dispositifs est relativement faible : elle vaut 840 mV quand la
CI est au-dessus, et 600 mV quand la CI est en-dessous. Pour ce deuxième cas, si l’on prend
en compte les 250 mV perdus à cause de l’emploi conjugé d’HTL Solar N et de PCDTBT,
on retombe sur la tension du premier cas. L’emploi de la CI ZnO/HTL provoque donc
bien une perte en Voc, estimée ici à une cinquantaine de millivolts. Une perte similaire (de
l’ordre de 100-150 mV) avait été signalée dans les Voc des tandems au paragraphe 6.3 du
chapitre précédent. Dans le chapitre actuel au paragraphe 7.1.2, cette perte s’élevait à 200
mV. Par ailleurs, si l’incorporation de la CI se fait en-dessous d’une cellule simple de P2
(au lieu de PCDTBT), la Vocrésultante est égale à 560 mV (moyenne sur 4 cellules), ce qui
correspond bien à une perte de de 150 mV par rapport aux cellules simples normales (700
mV de Voc). Il existe donc une perte de Voc liée intrinsèquement à la CI de ZnO/HTL,
comprise entre 50 et 150 mV, et qui semble variable.
Une source possible de cette baisse de tension est la résistance série supplémentaire apportée
par la CI. Cette hypothèse permettrait d’expliquer la variabilité des baisses observées.
Cependant, les résistances séries mesurées sur les différents types de cellules ne permettent
pas de conclure qu’elles sont responsables des pertes de tension observées. Par exemple, la
Rs d’une cellule simple de PCDTBT avec TiOxvaut en moyenne 3Ω.cm−2 contre 9Ω.cm−2
pour la série de cellules incorporant la CI ZnO/HTL au-dessus. Mais la Rs retombe à 5
Ω.cm−2 dans le cas où la CI de ZnO est en-dessous. Or dans ce cas également une chute
de Voc est à déplorer.
Les expériences présentées ici n’ont pas été faites pour tester ce paramètre particulier, donc
il est possible que des biais expérimentaux perturbent l’analyse. Il est toutefois notable qu’il
suffit de 10Ω.cm−2supplémentaires à la Rset d’un courant de 10 mA.cm-2pour engendrer
une perte de 100 mV. Or, une variation de 10Ω.cm−2 est vraisemblable. La Rs peut donc
impacter négativement la tension. Des expériences complémentaires sont nécessaires pour
conclure avec certitude. Il est possible que d’autres sources de perte existent, mais elles
n’ont pas été identifiées.
Ceci étant dit, une chute de tension de 150 mV correspond à moins de 10 % de la tension
idéale de nos cellules tandems (900+700 = 1600 mV). Par rapport aux pertes de tension
similaires observées dans les cellules tandems publiées, ce pourcentage est acceptable. Dans
la suite, nous accepterons donc que notre CI ZnO/HTL provoque une baisse de tension
comprise entre 50 mV et 150 mV.
Intégrer les couches intermédiaires dans des dispositifs simples permet donc d’étudier
faci-lement leur comportement et de distinguer les processus relatifs aux électrons ou aux trous.
Dans notre cas, cette expérience permet de tirer plusieurs conclusions. D’abord, notre CI
ZnO/HTL provoque intrinsèquement une baisse de tension. Ensuite, la CI TiOx/HTL
fonctionne convenablement lorsqu’elle extrait les électrons de la couche active, mais pas
lorsqu’elle en extrait les trous. Il en résulte qu’elle n’est pas adaptée à l’usage en cellule
tandem.
Dans le document
Conception, caractérisation et durée de vie de cellules photovoltaïques organiques tandems à base de PCDTBT
(Page 140-143)