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4.2 Spectroscopie d’impédance

4.2.3 Mesure de mobilité

La spectroscopie d’impédance permet également de mesurer la mobilité des porteurs. Pour

cela, en plus de la cellule complète, deux types de dispositif sont étudiés : des cellules ne

laissant passer que les électrons (électrons-seuls) et d’autres ne conduisant que les trous

(trous-seuls) (figure 4.15). La sélection des charges est effectuée grâce aux couches

enca-drant la couche active, constituées du même type de matériaux : sélectionneur de trous ou

sélectionneur d’électrons. Idéalement, il faudrait que les deux couches interfaciales d’une

même cellule soient parfaitement identiques en termes de propriétés. Même en utilisant les

mêmes matériaux, ce n’est pas toujours possible [118]. Nous vérifions donc que les courbes

J(V) de ces dispositifs dans le noir sont symétriques.

Pour mesurer la mobilité, nous appliquons la méthode développée par Tsang et ses

col-lègues [119] et affinée par le groupe de Juan Bisquert [120, 121]. Quelques études s’en sont

servies en 2013 sur plusieurs polymères dont le PCDTBT [80, 122]. Elle consiste à tracer la

susceptance en fonction de la fréquence∆B(f) = 2πf(C(f)−Cg)oùCg est la capacitance

géométrique et f la fréquence. La fréquence pour laquelle ∆B connait un mininum fmin,

donne accès à la mobilité par la formule :

µ= 3

4

L2fmin

0.72(V −Vbi) (4.5)

Figure4.15 – Structures des dispositifs pour les mesures de mobilité. Les épaisseurs

de couche active sont comprises entre 75 et 110 nm.

V −Vbi est donc le potentiel ressenti par la couche active. Cette formule est valide pour

un courant limité par charge d’espace.

La figure 4.16 expose les mobilités mesurées par spectroscopie d’impédance à partir de

l’équation 4.5, pour la cellule complète et les deux autres cellules.

100 200 300 400 500 600 0 2 4 6 8

Racine du champ interne V/L (V/cm)

-1/2 M o b i l i t é s x 1 0 -4 ( c m 2 / V s ) Cellule complète Cellule électrons-seuls Cellule trous-seuls

Figure 4.16 – Mobilités mesurées par spectroscopie d’impédance en fonction du

champ électrique interne.

Ces mobilités appellent deux constats : le premier est que la mobilité effective mesurée au

sein de la cellule complète (qui contient les deux porteurs) est très proche de celle des trous

seuls. La deuxième, est que la mobilité des charges varie avec le champ électrique interne

à la couche active. La mobilité semble se conformer à la loi de Poole-Frenkel :

µ(E) =µ0exp(β√

E) (4.6)

avec E = (V −Vbi)/L le champ interne. Le régression des données de la figure 4.16 avec

4.2. Spectroscopie d’impédance 85

ces mesures, la mobilité des trous est deux fois moins élevée que celle des électrons.

µ0 en cm2/Vs β en cm/V

Électrons 30 10-4 -0.12

Trous 18 10-4 -0.01

Tableau 4.3 – Mobilité et facteur de décroissance exponentiel de la loi de

Poole-Frenkel pour les électrons et les trous, établis par spectroscopie d’impédance.

Courant limité par charge d’espace

Afin de confirmer les valeurs de mobilité déterminées par spectroscopie d’impédance,

celles-ci sont mesurées avec la technique du courant limité par charge d’espace (CLCE) [123].

Dans le cas d’une mobilité constante avec le champ, la loi de Mott-Gurney relie mobilité

et courbe J(V) par :

J(V) = 9

8µǫ0ǫr

(V −Vbi)2

L3 (4.7)

Cette loi prédit que le tracé de ln(J) en fonction de ln(V −Vbi) représente une droite de

pente 2. Dans le cas où la mobilité suit la loi de Poole-Frenkel, le courant limité par charge

d’espace devient, d’après les travaux de Murgatroyd [124] :

J(V) = 9

8µ0ǫ0ǫr

(V −Vbi)2

L3 exp(0.89pγE) (4.8)

Où γ est une constante. Selon cette équation, la courbe J(V) en log-log ne suit plus de

pente 2.

La figure 4.17 montre le tracé de cette courbe pour la cellule trous-seuls. La courbe a une

pente de 2, ce qui suggère que la mobilité des trous est indépendante du champ électrique

interne. La mobilité des trous calculée avec la loi de Mott-Gurney (équation 4.7) vaut 2.4

10-5 cm2/Vs (erreur de l’ordre de 1.10-6). Ces résultats sont contradictoires avec ce qui

avaient été observés avec l’impédance. Dans la bibliographie, des études de mobilité sur

le PCDTBT [122, 88, 89] suggèrent que la mobilité des trous au sein de ce polymère est

de l’ordre de 10-5 cm2/Vs. Dans notre cas, c’est donc la mobilité mesurée par CLCE qui

est bonne. Les mesures de CLCE et d’impédance n’ont pas été réalisées sur les mêmes

cellules. Il semble donc que la cellule employée pour l’impédance était déficiente (couches

interfaciales fuyantes).

Les cellules complètes et électrons-seuls sont étudiées de façon similaire. Cette fois, c’est

la formule de Murgatroyd qui est utilisée pour effectuer la régression (figure 4.18). Le Vbi

est pris égal à zéro pour la cellule électrons-seuls et égal à 0.9 V pour la cellule complète.

La loi de Murgatroyd correspond bien à la courbe expérimentale de la cellule complète.

Les paramètres issus de cette régression donnentµ0= 2.2 10-4cm2/Vs avec un coefficientγ

égal à -0.04. Dans le cas de la cellule électrons-seuls, le modèle correspond beaucoup moins

aux données expérimentales. La mobilité déduite vaut tout de même 1 10-4 cm2/Vs et le

γ a la même valeur que pour la cellule complète. La technique du CLCE donne donc une

0.1 1 1E-5 0.0001 0.001 0.01 0.1 J(V) cellule h-seul J ( A / cm 2 ) V (V) Droite de pente 2

Figure 4.17 – Courbe J(V) en ln-ln de la cellule trous-seuls, avec une régression

linéaire de pente 2.

0.01 0.1 1 0.001 0.01 0.1 1 Données Expérimentales Modèle Murgatroyd J ( A / c m 2 ) V app -V bi (V)

(a) Cellule complète

0.01 0.1 1 1E-5 0.0001 0.001 0.01 0.1 1 V app -V bi (V) J ( A / c m 2 ) Données Expérimentales Modèle Murgatroyd

(b) Cellule électrons-seuls

Figure 4.18 – Courbe J(V) en ln-ln de la cellule trous-seuls, avec une régression

4.2. Spectroscopie d’impédance 87

Confirmation par une mesure indépendante

Afin de vérifier la qualité de ces mesures de mobilité, celles-ci ont ensuite été évaluées par

la technique de photo-CELIV dans un autre laboratoire. La figure 4.19 expose les valeurs

obtenues en fonction du champ.

(a) Électrons

(b) Trous

Figure 4.19 – Mobilité des électrons et des trous dans une couche de PCDTBT :

PC71BMévaluées par photo-CELIV.

Les valeurs de mobilité pour chaque type de porteurs obtenues par photo-CELIV

s’ac-cordent avec les valeurs obtenues par spectroscopie d’impédance et par l’étude des courants

limités par charge d’espace. Si la mobilité des électrons semble effectivement dépendre du

champ électrique interne, cette dépendance est moins évidente, voire inexistante, pour les

trous. Globalement, la mobilité des électrons s’établit donc à 10-4 cm2/Vs, un ordre de

4.3 Conclusion

Ce chapitre a mis en évidence plusieurs phénomènes. D’abord, les différents rôles joués

par les couches d’interface, PEDOT et TiOx, ont été mis en évidence. En premier lieu,

ces couches filtrent les différents porteurs de charge, ce qui permet d’abaisser

considéra-blement le courant de fuite dans la cellule finale. En deuxième lieu à tension positive, ces

couches rendent possible une injection de charges depuis les électrodes vers la couche active,

réduisant ainsi la résistance série. Les réductions de la résistance série et du courant de

fuite contribuent à améliorer le facteur de forme et donc les performances de la cellule. En

dernier lieu, les couches interfaciales modifient la structure de bande au sein de la couche

active. Sans PEDOT, le comportement des dispositifs s’accorde avec le modèle MIM. La

correspondance avec ce modèle est plus ou moins idéale elon la présence ou non de TiOx.

Lorsque du PEDOT est incorporé, il semble que les cellules se comportent plutôt comme

des jonctions de Schottky.

Ce chapitre a également mis en évidence le comportement des charges au sein des cellules de

PCDTBT : PC71BM. Il apparaît que les électrons contribuent majoritairement au courant,

leur importance étant un ordre de grandeur supérieure à celle des trous. Cette domination

est à mettre en relation avec la mobilité des électrons, également un ordre de grandeur

au-dessus de celle des trous, 10-4 cm2/Vs contre 10-5 cm2/Vs. La mobilité des électrons suit

la loi de Poole-Frenkel, tandis que la mobilité des trous semble relativement indépendante

du champ électrique interne.

Enfin, ce chapitre a étudié les liens entre tension de circuit ouvert, potentiel de bandes plates

et potentiel de diffusion. En particulier, il a été montré que ces deux derniers concepts ne

sont pas équivalents au sein des cellules photovoltaïques organiques. Par ailleurs, il a été

vérifié que conformément à certains travaux publiés [16], le potentiel de Mott-Schottky,

tel qu’établi par l’analyse du même nom, ne correspond pas à la mesure du potentiel

de diffusion. Ce que mesure ce potentiel de Mott-Schottky n’a pas été établi. Il serait

intéressant de poursuivre ces travaux de caractérisation des différents potentiels, en variant

les matériaux, afin de mieux déterminer le lien existant entre toutes ces valeurs.

Deuxième partie

Cellules tandems

Chapitre 5

Tandems : état de l’art

5.1 Présentation

Une cellule photovoltaïque se définit par sa capacité à convertir des photons en électrons.

Les matériaux absorbeurs de lumière qui assurent cette fonction en constituent donc le

coeur. Or, quelle que soit leur nature, ces matériaux connaissent des limites physiques qui

restreignent intrinsèquement leur efficacité de conversion. Ainsi, Shockley et Queisser [125]

ont démontré que l’efficacité maximale d’une jonction p-n simple est de 30 %.

Une cellule tandem est un dispositif photovoltaïque constitué de deux matériaux

absor-beurs, au lieu d’un seul pour les cellules simples. De telles cellules sont capables de dépasser

la limite de Shockley-Queisser. Dans le cas des matériaux inorganiques, elles ont démontré

des efficacités supérieures à 38 % [8].

La gamme spectrale d’absorption réduite des matériaux organiques rend l’utilisation des

tandems particulièrement intéressantes dans leur cas. Alors que les rendements maximaux

prédits pour les cellules simples montent classiquement aux alentours de 10 % [126] (un

article récent évoque 24 % [127]), les tandems devraient théoriquement atteindre les 15 %

[9].

Une cellule tandem se décompose donc en deux sous-cellules, chacune contenant un des

matériaux absorbeurs. Entre elles se trouve une couche nommée couche intermédiaire (CI)

qui assure la connexion électrique des sous-cellules. Cette connexion peut se faire soit en

série, soit en parallèle ; la première option étant la plus courante car elle n’exige pas de

reprise de contact extérieure (cf figure 5.1).

Dans une cellule tandem connectée en série, les sous-cellules expédient des charges de signes

opposés vers la couche intermédiaire où celles-ci se recombinent. Conformément aux lois

de Kirchhoff [128], le même courant parcourt toutes les couches de la cellule tandem et la

Voc de la tandem est en théorie égale à la somme des Voc de ses sous-cellules.

Dans le cas d’une connexion en parallèle, la tension de la tandem correspond à la plus

faible des Voc de ses deux sous-cellules tandis que son courant est la somme de leur Jsc.

Les deux sous-cellules ont généralement des polarités inversées, de sorte que l’électrode

intermédiaire collecte le même type de charge de part et d’autre.

Figure 5.1 – Les deux architectures de tandems les plus classiques : connexion en

série (gauche) et en parallèle (droite). A et B distinguent les types d’électrodes (anode

ou cathode).

Historiquement, l’évolution des cellules tandems suit celle du photovoltaïque organique en

général : les première cellules étaient fabriquées à partir de petites molécules déposées par

évaporation dans une structure planaire. Par la suite, les architectures et les matériaux

se sont diversifiés et complexifiés. Ce chapitre décrit les grandes étapes de l’évolution des

cellules tandems organiques, depuis la preuve de concept initiale aux dispositifs records

d’aujourd’hui. Nous nous concentrerons essentiellement sur ce qui a trait aux cellules

tan-dems à base de polymères entièrement fabriquées par voie liquide. Pour un historique plus

large, le lecteur peut se référer entre autres aux articles [129, 130, 131, 30] et également à

la thèse de Jan Gilot [132].