L’étude précédente a montré que la CI TiOx/HTL provoque des formes en S parce qu’elle ne
parvient pas à évacuer correctement les trous. Cependant, la CI ZnO/HTL en est capable,
mais aucune différence de propriété physique entre ces deux CI n’a encore été relevée. Dans
cet objectif, les couches intermédiaires sont donc étudiées par photo-spectroscopie à rayons
X et ultraviolets (XPS et UPS). Pour cela, quatre échantillons sont confectionnés dans des
conditions identiques à celle des CI normales :
– verre / ITO / HTL / ZnO (le ZnO est au-dessus)
– verre / ITO / HTL / TiOx
– verre / ITO / ZnO / HTL
– verre / ITO / TiOx / HTL
Les mesures d’XPS et d’UPS et leur interprétation ont été réalisées par le Professeur Stella
Kennou de l’université de Patras (Grèce). Les mesures d’UPS sur les échantillons indiquent
que les travaux de sortie du TiOx et du ZnO sur l’HTL sont égaux, à 4.3 eV. Le travail de
sortie de l’HTL sur le TiOxest de 4.8 eV (valeur attendue normalement, telle que mesurée
sur l’HTL isolé). Pour l’échantillon d’HTL sur le ZnO, la mesure de son travail de sortie par
UPS est de 4.3 eV, alors que cette valeur est de 4.8 eV quand la mesure est faite par sonde
de Kelvin. Cela signifie qu’en surface, l’HTL sur le ZnO a le même travail de sortie que
lorsqu’il se trouve sur le TiOx, mais qu’immédiatement en-dessous de la surface, ce travail
de sortie rejoint celui du ZnO. L’HTL en contact avec le ZnO connait donc une modification
de ses niveaux d’énergie. Ces mesures prouvent qu’extérieurement les quatre échantillons
ont des travaux de sortie identiques, mais qu’il existe une différence importante à l’intérieur
des matériaux. Les mesures XPS sondent ces intérieurs. Les courbes sont données figure
7.5.
Pour trois des quatre échantillons, les spectres XPS correspondent à la composition des
matériaux supérieurs purs (TiOx sur HTL, ZnO sur HTL et HTL sur TiOx). Ceci indique
que les matériaux sont effectivement purs et que leur interface avec le matériau
complé-mentaire de la CI est nette. Cependant, dans le spectre de l’HTL déposé sur le ZnO, les
pics caractéristiques du ZnO apparaissent. Cela signifie que soit des nanoparticules de ZnO
sont présentes dans les 10 nm sous la surface de l’HTL, soit que du ZnO se retrouve d’une
façon ou d’une autre mélangé avec l’HTL. Il est important de noter que ces pics sont ceux
du ZnO (et pas d’autres espèces de Zn). Ce spectre nous permet donc d’observer le ZnO
et l’HTL l’un en présence de l’autre.
Or, une attention portée aux énergies révèle que les pics de l’orbitale 2p du Zinc et de
l’orbitale 2p du Soufre dans le PEDOT (qui compose l’HTL Solar) sont décalés par rapport
7.3. Étude de l’interface oxyde - HTL 129
1100 1000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0
ZnO sur HTL Solar
TiOx sur HTL Solar
HTL Solar sur ZnO
HTL Solar sur TiOx
Ti2p Zn2p S2p I n t e n s i t e ( a . u )
Energie de liaison (eV) O1s
Figure 7.5 – Mesures XPS des quatre échantillons de CI.
1030 1025 1020 2 ZnO sur HTL HTL sur ZnO I n t e n si t é ( a . u . )
Énergie de laison (eV)
0.4eV 1 1 2
(a) Pic du Zn
174 172 170 168 166 164 162 2 HTL sur TiOx HTL sur ZnO 4.15 eV I n t e n si t é ( a . u . )Énergie de liaison (eV)
4.5 eV PSS PEDOT 1 2 1
(b) Pic du S
à leurs positions normales (évaluées à partir des autres échantillons). Ainsi que l’illustre
la figure 7.6, le pic du Zn est décalé d’environ 0.4 eV vers les hautes énergies de liaison
tandis que le pic du S est décalé d’environ 0.35 eV vers les énergies basses. Ces décalages
concomitants indiquent l’existence d’une interaction électronique chimique entre les deux
espèces.
Il a été impossible d’observer simultanément le TiOxet l’HTL, alors que la couche de TiOx
sur l’HTL, de l’ordre de 10 nm d’épaisseur, laissait cet espoir. Dans l’état actuel de mes
connaissances, ce résultat suggère tout de même qu’une interaction électronique de type
chimique est nécessaire entre l’HTL et l’oxyde métallique pour que le binôme forme une
couche intermédiaire fonctionnelle. La modification interne du travail de sortie de l’HTL
va également dans ce sens.
7.4 Conclusion
Les qualités requises des matériaux pour former une couche intermédiaire performante
sont connues de la communauté scientifique. Cependant, les critères et les mécanismes qui
dirigent la formation d’un contact ohmique en son sein n’ont pas encore été clairement
identifiés.
Ce chapitre a revu les deux rôles que doit jouer une couche intermédiaire au sein d’une
tandem-série : extraire sélectivement les charges opposées de chaque sous-cellule et les
recombiner. Puis une méthode simple d’étude du fonctionnement des CI a été mis au point.
Cette méthode consiste à incorporer les CI au-dessus ou en-dessous de cellules simples. Elle
permet de révéler les dysfonctionnements des CI et surtout quels porteurs sont incriminés.
Les expériences menées permettent de conclure que dans notre couche intermédiaire TiOx/HTL,
il semble que les trous extraits de la couche active par l’HTL ne parviennent pas à se rendre
sur le lieu des recombinaisons. Il en résulte une accumulation de charges qui provoque la
forme en S dans les courbes J(V). Or, le lieu des recombinaisons existe puisque
l’accu-mulation n’a pas lieu quand les électrons sont les seuls porteurs à être extraits. Il est
donc probable que la recombinaison se produise au sein du TiOx. Par ailleurs, notre CI
ZnO/HTL est responsable d’une chute de tension au sein des cellules de l’ordre de 100 mV.
Enfin, les deux couches intermédiaires ont été comparées par XPS et par UPS. Il ressort de
ces analyses qu’une interaction électronique se produit entre le ZnO et l’HTL, interaction
qui n’est pas observable dans le cas du TiOx avec l’HTL. Cette interaction a pour
consé-quence une modification des niveaux d’énergie internes à l’HTL. Il est possible que cette
interaction soit responsable de la différence de fonctionnement entre les CI TiOx/HTL
et ZnO/HTL. Pour s’en assurer, il faudrait réussir à observer TiOx et HTL sur le même
spectre XPS sans que les pics respectifs soient décalés.
Par ailleurs, il serait intéressant de pouvoir mesurer les densités des charges et les densités
d’états de nos deux oxydes. Il avait été montré par Timmreck et al. [146] que dans les
tandems faites à partir de molécules évaporées, la CI peut se passer de métal intercalaire à
condition que les couches n et p (correspondant à nos oxydes métalliques et à l’HTL) soit
suffisamment dopées (les auteurs ne précisent pas le sens de « suffisamment »). Il est donc
possible que le critère manquant pour diriger le choix des matériaux d’une couche
inter-médiaire efficace soit lié à leur niveau de dopage, ou de façon équivalente, à la distribution
7.4. Conclusion 131
Chapitre 8
Optimisation des cellules tandems
8.1 Introduction
Les chapitres précédents ont permis de mettre au point l’architecture des cellules tandems
(table 8.1) :
Al
TiOx
P2 : PC71BM
HTL Solar N
ZnO
PCDTBT : PC71BM
PEDOT VPAI
ITO
Verre
Tableau 8.1 – Architecture des cellules tandems, avec les épaisseurs des couches déjà
déterminées.
Maintenant que la nature des matériaux est fixée, il reste à optimiser les épaisseurs de
chaque couche. Pour cela, nous allons faire usage du programme de simulation optique mis
au point précédemment.
8.1.1 Adaptation de la simulation au cas des tandems
Pour simuler le courant de court-circuit d’une cellule tandem, le programme prend en
données d’entrée la nature des matériaux et leur ordre dans l’empilement ainsi que leurs
épaisseurs, et les EQI choisies pour les polymères. Les mêmes indices de PEDOT générique
servent pour les couches de VPAI et d’HTL. L’épaisseur de la couche d’aluminium est fixée
à 50 nm dans la simulation (contre 200 nm dans la réalité) pour limiter le temps de calcul. A
partir de ces données, le programme agit de la façon suivante. Pour un couple d’épaisseurs
de couches actives, il calcule la répartition du champ optique dans l’empilement. Puis,
il en déduit le nombre de photons absorbés dans chaque CA qu’il convertit en nombre
d’électrons photo-générés, puis en courant utile par le biais de l’EQI. La sortie du modèle
se compose alors des valeurs des courants délivrés par chaque sous-cellule.
Par rapport aux différents cas de figure décrits au sous-chapitre 5.4.1, notre système se
trouve dans la situation 1 ainsi que l’illustre la figure 8.1. Les courbes J(V) représentées
correspondent aux cellules simples de PCDTBT et de P2 ainsi qu’à la cellule tandem
résultante. Elles soulignent que dans ces trois cellules, les charges photo-générées sont
correctement extraites pour une tension inférieure à +250 mV. Sur ce graphique, les deux
sous-cellules sont mesurées sous un éclairage d’un soleil, tandis que dans la tandem, la
première filtre la lumière reçue par l’autre. Ceci explique la faiblesse relative du courant
de la tandem. En ce qui concerne la cellule de P2, il peut être surprenant que le résultat
présenté ici soit différent de celui donné au chapitre 2 de cette partie, à la section 6.3. Dans
cette section-là, la cellule de P2 représentée possédait une très mauvaise résistance shunt.
Mais comme cette cellule appartenait à une série qui avait été globalement déficiente, il est
raisonnable de considérer qu’elle constitue un cas non représentatif.
-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 -10 0 10 20 30 40 J s c ( m A / c m 2 ) V (V) Sous-cellule PCDTBT Sous-cellule P2 Tandem
Figure8.1 – Courbes J(V) expérimentales d’une cellule tandem telle qu’étudiée ici
et de ses sous-cellules constitutives à base de PCDTBT et de P2.
Le nombre de charges photo-générées par une sous-cellule, calculé par le programme, peut
donc être considéré comme le courant effectivement délivré par cette sous-cellule au sein
de la tandem. Il est alors légitime dans notre cas d’identifier le courant global de la tandem
à celui de la sous-cellule la plus faible. Le programme procède à cette identification : pour
tout couple d’épaisseurs de CA, le courant de court-circuit de la cellule tandem est pris
égal au minimum des courants simulés des deux sous-cellules.
Dans le document
Conception, caractérisation et durée de vie de cellules photovoltaïques organiques tandems à base de PCDTBT
(Page 143-149)