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B - Utiliser chaque contact avec le système de santé pour proposer des interventions de prévention

Dans le document LA POLITIQUE DE PRÉVENTION EN SANTÉ (Page 107-111)

Les convocations obligatoires de personnes sans symptômes sont devenues de plus en plus rares, les bilans de santé à l’initiative des patients sont quant à eux peu utilisés, y compris par les populations défavorisées pour lesquels une offre spécifique est réservée par l’assurance maladie. Les consultations de prévention en population générale ont été évaluées non efficaces sur un plan médico-économique180.

1 - Des convocations obligatoires devenues rares

En dehors de la grossesse (article L. 2122-1 du CSP) et des visites de la médecine du travail prévues à l’article L. 4624-1 du code du travail limités à la prévention des risques professionnels, il n’existe plus de rendez-vous de prévention convoquant de façon obligatoire une classe d’âge ou une catégorie de la population181. La souscription d’un prêt immobilier est

178 Plusieurs décrets d’application de la loi n° 2011-867 de juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail ont été publiés en 2012 : le décret 2012-135 précise la formation et le rôle des infirmiers au sein de cette nouvelle organisation de la santé au travail. L’infirmier recruté, est diplômé d’État. S’il n’a pas de formation en santé au travail, il doit bénéficier d’une formation au plus tard dans les 12 mois qui suivent son recrutement.

179 Cour des comptes, communication à la commission des finances, de l’Assemblée nationale « Les médecins et les personnels de santé scolaire », avril 2020, disponible sur www.ccomptes.fr : « Les enjeux de dépistage mériteraient d’envisager une demande d’avis de la Haute autorité de santé (HAS) sur la faisabilité d’un protocole de coopération entre médecins de l’éducation nationale et infirmiers scolaires pour les bilans de santé de la 6e année, dès lors que la HAS est déjà saisie de la même question pour la coopération entre médecins et infirmières puéricultrices de la PMI ».

180 HCSP, avis du 25 mars 2009 dont la synthèse développe un chapitre intitulé : « De très faibles éléments de preuve concernant l’intérêt d’une consultation périodique de prévention dédiée ».

181 La fin du service national en 2002 pour les très jeunes adultes (20-26 ans), et l’abrogation des examens prénuptiaux obligatoires en 2007 en sont les principales raisons.

ainsi devenue une des rares occasions qui permet de vérifier complètement l’état de santé d’une personne, mais avec comme objectif celui d’évaluer un risque pour le banquier et l’assureur, et elle ne concerne qu’un public en général plutôt favorisé.

Depuis 1945, tout assuré social a droit à un bilan de santé tous les cinq ans, facultatif et à son initiative, mais il est en pratique peu utilisé. En 2009, le Haut conseil de la santé publique relevait « de très faibles éléments de preuve concernant l’intérêt d’une consultation périodique de prévention dédiée », tout en pointant en revanche l’intérêt de réaliser des actes d’investigation périodiques dans un continuum de soin et sur la base de recommandations validées182. D’autres pays se situent dans cette logique de rendez-vous de prévention à certains âges de la vie, mais en les centrant sur la recherche de pathologie précise. Ainsi en Allemagne, où des examens systématiques sont proposés à partir de 35 ans avec une fréquence de trois ans à tous les assurés sociaux. Cet examen est en réalité conçu pour détecter les signes de maladies bien précises cardiovasculaires, de diabète et de maladies rénales à un stade précoce.

2 - Des centres de santé peu efficients

Une offre ciblée en direction des publics précaires existe au travers des centres d’examens de santé (CES) de l’assurance maladie, mais dont les résultats sont faibles.

Les centres d’examens de santé de l’assurance maladie proposent des consultations de prévention, examen prévention santé (EPS) notamment aux populations les plus précaires.

L’assurance-maladie dispose de 85 centres de santé, pour un budget annuel de 148 M€ en 2019, financé par le FNPEIS, dont elle mobilise ainsi plus d’un tiers des ressources. Cette offre de prévention est très complète tant sur le plan médical que sur le plan administratif. Elle dispense notamment des mises à jour des vaccinations, des dépistages ou encore des entretiens de motivation pour l’arrêt du tabac notamment. Un bilan exhaustif sur les droits du patient et une aide à son orientation dans le système de santé (programme Planir183 et ses actions : détection des renoncements aux soins grâce à la plateforme d'intervention départementale pour l'accès aux soins et à la santé (Pfidass184), participation des centres de santé aux parcours

« complémentaires santé solidarité », jeunes et séniors) y sont proposés. Un score (Epices185) permet d’évaluer le niveau de précarité des patients et vise à mieux cibler le recrutement de cette catégorie de population. Enfin, les centres d’examens de santé contribuent très fortement à la cohorte Constances en matière de recherche en santé publique.

182 HCSP « Consultations de prévention : Constats sur les pratiques actuelles en médecine générale et propositions de développement », mars 2009.

183 Plan local d’accompagnement du non recours, des incompréhensions, des ruptures.

184 Plateforme d'intervention départementale pour l'accès aux soins et à la santé.

185 Epices (Évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les Centres d’examens de santé) est un indicateur individuel de précarité qui prend en compte le caractère multidimensionnel de la précarité. Le score Epices a été construit en 1998 par les Centres d’examens de santé (CES) et le Cetaf (Centre technique d’appui et de formation des CES) et de l’École de santé publique de Nancy, à partir d’un questionnaire de 42 questions qui prend en compte plusieurs dimensions de la précarité : emploi, revenus, niveau d’étude, catégorie socio-professionnelle, logement, composition familiale, liens sociaux, difficultés financières, évènements de vie, santé perçue.

La cohorte « Constances »

Constances186 « vise à constituer une infrastructure de recherche ouverte à la communauté de recherche, avec l’objectif de suivre pendant une très longue durée l'état de santé et de nombreux facteurs de risque d'un très grand échantillon de personnes ». Lancé en 2012, le projet « Constances », a été très soutenu par la Cnam notamment sur le plan financier. Il a été labellisé Investissement d’avenir. Il est arrivé aujourd’hui à maturité avec 205 000 volontaires de 18 à 69 ans, dont 97 % acceptent l’appariement des données avec le Sniram, et permet de suivre plusieurs milliers de variables par individu. Les données recueillies irriguent près de 80 projets sur des thématiques variées (stress au travail et risque de mésusage de benzodiazépines, épidémiologie de la Nash187 en France, utilisation de la cigarette électronique et la réduction du tabagisme à long terme ou encore l'association entre symptômes dépressifs et régimes végétariens), mobilisant près de 190 chercheurs en France et à l’étranger.

Leur activité a connu une baisse très prononcée de 9 % entre 2014 (avec 510 611 examens) et 2018 (avec 465 005 examens). Seuls 58 % d’entre eux (272 000) concernent un public précaire188, 33 % sont réalisés au bénéficie de la population générale, et 9 % le sont dans le cadre de protocole de recherche. Même si la totalité des examens correspondait à des patients précaires différents, cela n’attendrait que moins de 3 % de cette population en France. La baisse de 9 % se retrouve chez les précaires et non précaires uniformément.

Les effectifs de personnel de ces centres ont également baissé de 10 % en raison de difficultés de recrutement : ils sont passés de 1336 (2014) à 1 194 (2018). Conformément aux orientations internes de la Cnam, les dotations de ces centres ont néanmoins augmenté de 2 M€

(+ 1,3 %) par an en moyenne. Le coût de cet examen est élevé, à 263 € en moyenne. L’allocation des moyens se fait sur la base de frais de structures et sans lien avec le profil des assurés du département : ainsi, la Cpam de la Vienne consacre 8 € par an et par assuré à son centre de santé là où celle de la Seine-Saint-Denis en dépense 4 € par an et par assuré, même si le centre de santé n’épuise pas toutes les actions de cette caisse en direction des plus défavorisées.

186 Cohortes épidémiologiques en population générale UMS 011 Université de Versailles Saint-Quentin, avril 2015

187 Nash (Non Alcoholic Steato Hepatitis) est un acronyme anglais usuel pour désigner la stéatohépatite non alcoolique, ou plus communément la maladie du foie gras humain non alcoolique, associée à des consommations de boissons sucrées.

188 Des données provisoires indiquent une légère remontée à 64 % pour les premiers mois de 2021 (hors cohorte Constance). Est considérée comme précaire une personne dont le score selon l’échelle de cotation Epices est supérieure à 30 (soit les personnes ayant au moins quatre réponses défavorables aux 42 questions du score Epices)

Graphique n° 4 : nombre d’examens dans les centres d’examens de santé de l’assurance maladie selon les publics pris en charge

Source : Assurance maladie

Au final, les centres d’examens de santé de l’assurance maladie n’apportent qu’une réponse extrêmement limitée et coûteuse, à la dispensation d’actions de prévention en faveur des populations précaires.

3 - Faire de chaque contact avec le système de santé une opportunité de prévention

Dès lors que les consultations de prévention souffrent d’un faible niveau de preuves en population générale et d’une faible efficacité pour les populations précaires (comme le montre la faible activité des centres d’examens de santé de l’assurance maladie, cf. supra), il apparaît préférable de mettre à profit chaque contact avec un professionnel de santé, pour mettre en œuvre plus systématiquement des actions de prévention plus ou moins importantes. Pour ce faire, une doctrine des examens à proposer tout au long de la vie reste à formaliser en France.

La médecine de ville ne dispose pas d’un ensemble de référentiels portant sur les actes de prévention à proposer tout au long de la vie, comme cela peut être le cas dans de nombreux autres pays. Ainsi aux États-Unis (US Preventive task force), au Canada (Canadian task Force), et en Suisse (Eviprev, qui réunit les cinq hôpitaux universitaires de ce pays) des documents de synthèse ont été établis à destination des médecins généralistes, pour récapituler l’ensemble des actions ayant fait l’objet d’un haut niveau de preuve en matière de prévention et en particulier en terme de dépistage. Ils sont mis à jour chaque année au moyen d’un tableau de synthèse qui rappelle les dépistages à proposer, qu’ils soient obligatoires ou simplement recommandés189. Il n’y a pas d’équivalent en France.

189 Tableau EVIPREV | Unisanté (unisante.ch).

III - Utiliser le levier numérique pour faire évoluer la pratique

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