• Aucun résultat trouvé

en faveur de certaines populations

Dans le document LA POLITIQUE DE PRÉVENTION EN SANTÉ (Page 114-117)

La politique publique du numérique en santé a connu une accélération et une augmentation de ses moyens au cours de ces dernières années.

L’efficacité des politiques de préventions des maladies chroniques nécessite de surmonter deux obstacles principaux : d’une part, viser plus particulièrement certaines populations pour infléchir les gradients sociaux et d’autre part, s’assurer de l’efficacité des messages délivrés.

Ce n’est pas parce qu’une personne sait que le tabac entraîne de forts risques de cancer qu’elle arrête de fumer. La gestion proactive des données de santé peut permettre un meilleur ciblage en faveur des personnes qui en ont le plus besoin. Ceci ne nécessite pas le développement de nouveaux outils ou programmes, mais une approche différente de la gestion des bases et une

200 Google a lancé en 2012 Google Flu Trends (GFT) un modèle permettant de modéliser les épidémies de grippe.

L’expérience a dû être interrompue en 2015 car considérée comme non concluante, mais le domaine demeure très présent dans les développements de Google. En 2019, Amazon Care a commencé en tant que pilote à Seattle et a été généralisé à tous ses employés en mars 2021. Amazon care se présente sous forme d’une application téléchargeable sur les différents stores. Amazon care fournit à la fois une prévention primaire aux patients mais également des soins via leur application. Les services proposés comprennent la prise de rendez-vous à l’avance, un suivi de la personne, des examens médicaux, avec des équipes de soins disponibles 24h/24 et 365 jours sur 365, des soins préventifs, des ordonnances pour des produits livrés à domicile, des rappels de vaccination, des conseils pour mener une vie saine, des entretiens vidéos, des chats de soins… Pour sa part, Apple espère qu’à brève échéance sa montre connectée permettra d’évaluer à distance les maladies cardiovasculaires. L'Apple Watch pourrait à l'avenir recevoir de nouvelles fonctionnalités basés sur les capteurs afin qu'un prestataire de santé puisse rapidement avoir accès aux chiffres affichés. Grâce à une application spécifique et un test de marche de 6 minutes, il sera possible d'évaluer à distance la fragilité ou non à une maladie cardiaque avec des résultats aussi fiables qu'un test « réel » Microsoft a annoncé en avril 2021 un partenariat avec l’assureur Axa pour créer une plateforme numérique de soins de santé offrant notamment des outils d’auto-évaluation et de prévention, une conciergerie médicale, une interface de consultation à distance, des services de soins à domicile et un annuaire de professionnels de santé. Certaines fonctionnalités ont été testées dès fin 2020 en Allemagne et en Italie.

201 DoctoLib propose deux types de produits : DoctoLib Patient (Agenda et Consultation médical) et DoctoLib Médecin (Logiciel médical). Ces produits sont livrés contre un abonnement mensuel, avec des options forfaitaires (129 € par mois et par praticien pour forfait de base DoctoLib Agenda et 135 € par mois pour DoctoLib Médecin).

nouvelle utilisation des données de santé. Les données possédées par la Cnam doivent par ailleurs être enrichies par des données de contexte de vie, doivent pouvoir être mieux utilisées et le médecin traitant doit pouvoir recevoir plus d’informations utiles à des actes de prévention.

1 - Un cadre très protecteur en matière de données de santé

La France a toujours eu une position très protectrice des droits et des individus en matière d’informatique puis de numérique. L’article 8 et le chapitre IX de la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978202 aborde précisément les contraintes sur les données relatives à la santé. Le code de la santé publique comprend de nombreux articles encadrant strictement les données de santé203. Le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) entré en application le 25 mai 2018 a donné une définition large des données de santé204. Cette sédimentation de lois protectrices depuis la loi fondatrice « Informatique et libertés » se traduit par une assez forte confiance des citoyens. Ainsi dans une étude faite pour la Mutualité française par un institut de sondages auprès de plus de 7 000 ressortissants des pays de l’Union européenne sur la place de la santé en Europe205, la France est le pays où le niveau de satisfaction quant à la protection des données de santé est le plus élevé : 71 % contre 70 % en Allemagne et en Italie, 62 % en Suède, 57 % en Pologne et 47 % en Grèce, pour une moyenne globale de 67 %.

2 - Une disponibilité accrue des données de santé qui permettra de se concentrer sur les personnes les plus à risques.

Le médecin traitant n’a pas aujourd’hui accès en pratique à toutes les informations concernant ses patients, notamment en terme de vaccination ou de tests. Lorsqu’une Cpam envoie des milliers de courriers de relance pour les tests du cancer colorectal, courrier pouvant être accompagné d’une relance téléphonique personnalisée, il n’existe pas de circuit direct pour avertir le médecin traitant. L’information ne se fait que via les URPS, CPTS ou les syndicats et de manière très générale. L’utilisation du numérique pourrait rendre cela beaucoup plus fluide.

De même, les médecins traitants ne sont pas avertis des vaccinations faites par d’autres.

La Cnam ne peut non plus lancer des campagnes en croisant les facteurs de risques avec certaines données sociales (pouvant par exemple émaner de la localisation géographique), alors

202 Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

203 Dispositions sur le secret (art. L. 1110-4 du CSP) ; Dispositions relatives aux référentiels de sécurité et d’interopérabilité des données de santé (art. L. 1110-4-1 du CSP) ; Dispositions sur l’hébergement des données de santé (art. L. 1111-8 et R. 1111-8-8 et s. du CSP) ; Dispositions sur la mise à disposition des données de santé (art.

L. 1460-1 et s. du CSP) ; Interdiction de procéder à une cession ou à une exploitation commerciale des données de santé (art. L. 1111-8 du CSP, art. L. 4113-7 du CSP).

204 Selon la Cnil, la notion de données de santé intègre donc trois catégories de données : « (i) celles qui sont des données de santé par nature : antécédents médicaux, maladies, prestations de soins réalisés, résultats d’examens, traitements, handicap, etc. (ii) celles, qui du fait de leur croisement avec d’autres données, deviennent des données de santé en ce qu’elles permettent de tirer une conclusion sur l’état de santé ou le risque pour la santé d’une personne : croisement d’une mesure de poids avec d’autres données (nombre de pas, mesure des apports caloriques…), croisement de la tension avec la mesure de l’effort, etc. (iii) celles qui deviennent des données de santé en raison de leur destination, c’est-à-dire de l’utilisation qui en est faite au plan médical ».

205 Harris Interactive, Mutualité française, Place de la santé en Europe, mars 2019.

que les corrélations sont fortes. La question du ciblage des patients à la fois sur le plan social, des facteurs de risques et des pathologies diagnostiquées est pourtant cruciale du point de vue de la santé publique. Elle reste à un stade très expérimental en France. La Cnam a travaillé par exemple sur un programme de repérage précoce des patients diabétiques du type de celui qui existe aux États-Unis autour du diabète et des maladies cardiovasculaires (FinRisk). Il n’a cependant intégré qu’un millier d’assurés à ce stade parce qu’il se heurte à la très faible médicalisation des systèmes d’information de la Cnam. De plus, les informations clés au regard de la consommation tabagique, alcoolique, sur le poids et la taille (permettant de calculer l’IMC) font défaut pour pouvoir réaliser ce ciblage. Elles ne sont recueillies ni de façon ponctuelle ni en routine, en dehors d’initiatives personnelles de quelques médecins. Elles restent, dans tous les cas, cantonnées au cabinet du médecin et ne font l’objet d’aucune consolidation nationale (sous un format pseudonymisé) permettant de nourrir le pilotage et le ciblage des politiques publiques. Le repérage social des patients se fait quant à lui de façon très indirecte (assurés bénéficiaires de la complémentaire santé solidarité, indemnités journalières faibles, assurés en invalidité, etc.). Des recommandations existent cependant à destination des éditeurs de logiciels pour les cabinets de ville : identifiant seize informations clés pour cerner la situation sociale du patient206, elles sont restées lettres mortes.

La Cnam qui héberge les dossiers médicaux partagés (DMP) ne peut pas non plus utiliser les données du dossier pour émettre des messages spécifiques.

Cette problématique de l’exploitation maximale des données de santé va encore progresser avec la mise en place de l’Espace numérique de santé (ENS). Selon l’article L. 1111-13-1 du CSP, l’ENS intègrera les données administratives, le DMP, l’ensemble des données relatives au remboursement, des outils permettant des échanges sécurisés avec les acteurs du système de santé, dont une messagerie sécurisée, le cas échant des données relatives à l’accueil et l’accompagnement assurés par les ESMS mais aussi des données très importantes en matière de prévention comme « les constantes de santé éventuellement produites par des applications ou des objets connectés références en application du III ou toute autre donnée de santé utile à la prévention, la coordination , la qualité et la continuité des soins ». L’ENS comprendra aussi « tout service numérique, notamment des services développés pour favoriser la prévention et fluidifier les parcours (…) ». L’ENS, dont la généralisation est prévue en 2022, constitue donc potentiellement un fort progrès en terme d’outils de prévention par rapport au DMP, avec d’une part l’intégration des constantes de santé et d’autre part et surtout l’articulation avec des applications labellisées.

3 - Les potentialités révélées par le lutte contre l’épidémie de covid 19

La gestion de la crise a montré la force du numérique et notamment la capacité à envoyer des informations au médecin traitant. Ainsi la mise en place de Sidep (système d’information national de dépistage populationnel) à partir de mai 2020207, marque une triple rupture. En terme de rapidité, car ce système d’informations a été mis en place en quelques semaines. D’autre

206 Collège de médecine générale, « Pourquoi et comment enregistrer la situation sociale d’un patient adulte en médecine générale ? », 2014.

207 Créé par l’article 11 de la loi n 2020-546 du 11 mai 2020, Sidep a été opérationnel dès le 13 mai avec une montée en charge achevée fin mai le système d’informations des dépistages

part, il est unifié au niveau national : les 5 600 centres de prélèvements sont désormais connectés, au-delà des seuls laboratoires membres du réseau « 3 labo » (Cerba, Eurofins-Biomnis, Innovie et les laboratoires hospitaliers) préexistant. Enfin et surtout, le médecin traitant est tenu au courant du résultat alors même que les tests peuvent se faire sans prescription.

En février 2021, l’assurance maladie a créé le SI « Vaccin Covid ». Dans un premier temps, il était prévu que le médecin traitant déclaré d’un patient qui n’a pas participé au circuit vaccinal puisse être destinataire des données de santé, avec l’accord du patient. En juillet 2021, le Gouvernement a souhaité aller plus loin à travers un décret208 permettant aux médecins traitants de contacter leurs patients non vaccinés contre la covid 19 et en demandant à la Cnam de leur fournir la liste des patients non vaccinés. Le 7 juillet 2021, la Cnil a rendu un avis important, rappelant qu’en principe, elle n’est pas favorable à la constitution, pour les médecins, de listes de leurs patients non vaccinés. Elle estime cependant, que compte tenu du contexte, la liste pouvait être envoyée aux seuls médecins traitants en ayant fait la demande, ceux-ci devant s’engager à la détruire à l’issue de la campagne de sensibilisation. Le même décret prévoyait par ailleurs une possibilité de sollicitation directe par la Cnam, mais la Cnil a restreint cette possibilité aux seules personnes sans médecin traitant.

Si la Cnil a bien insisté dans ses différents avis sur le contexte exceptionnel de la pandémie et sur le caractère temporaire des autorisations209, la crise a fait apparaître l’intérêt d’une politique volontariste reposant sur l’utilisation des données. Un autre précédent peut être cité : celui de l’article 6 de la loi du 28 décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement210 autorise ainsi le croisement de données nominatives entre organismes de sécurité sociale afin de repérer les retraités en risque de perte d’autonomie.

Le débat sur l’utilisation des données n’est donc pas technique mais éthique et doit donc être mené dans le cadre d’une concertation citoyenne large.

Dans le document LA POLITIQUE DE PRÉVENTION EN SANTÉ (Page 114-117)

Outline

Documents relatifs