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C - Mettre en œuvre la politique de lutte contre l’obésité adoptée en 2019

Dans le document LA POLITIQUE DE PRÉVENTION EN SANTÉ (Page 100-104)

1 - Une situation française meilleure que la moyenne de l’OCDE, mais perfectible Le surpoids et l’obésité touchent actuellement près de deux milliards d’individus dans le monde et sont à l’origine de 2,8 millions de décès chaque année. Aujourd’hui, un Français sur deux est en surpoids et un sur six est obèse ; si le taux de prévalence de l’obésité en France (17 % pour les adultes) est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (23,3 %), il est supérieur à celui de l’Italie (9,8 %) et à celui de la Suède, de la Suisse ou encore de la Norvège. La France est donc également touchée par cette « épidémie mondiale », selon les termes même de l’Organisation mondiale de la santé.

La nécessité de prévenir l’obésité pour mieux en limiter les effets est d’autant plus justifiée que l’obésité est associée à de nombreuses pathologies, dont les principales sont le diabète de type 2 (dans 80 % des cas associé à une obésité), l’hypertension artérielle, l’excès de lipides dans le sang, les atteintes cardiovasculaires, le syndrome d’apnée du sommeil et d’autres maladies respiratoires, ainsi que des maladies articulaires. Elle constitue également un facteur

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de risque en cas de grossesse, et joue un rôle dans le développement des cancers. L’obésité provoque aussi des troubles dépressifs et augmente les risques liés à la chirurgie et à la grossesse. Enfin, les personnes atteintes par le surpoids ou l’obésité et les victimes de la covid 19 sont les plus fragiles : leur taux de mortalité est bien supérieur à celui de la moyenne de la population.

Les estimations du coût global de l’obésité et du surpoids sont délicates à mener ; la seule qui existe, au niveau macro-économique, est celle du Trésor (2012), elle chiffre à près de 20 Md€ leur coût pour le système de santé.

Si la France s’est dotée d’une politique volontariste, notamment depuis la tenue du Comité interministériel pour la santé du 25 mars 2019 qui a mis l’accent sur l’activité physique, l’alimentation et la lutte contre l’obésité, deux ans après, la mise en œuvre de cette politique tarde à venir.

Les obstacles à surmonter ont été mis en évidence par la Cour dans son rapport de 2019.

La faible efficacité de la politique de lutte contre l’obésité provient en partie de la superposition des plans nationaux, menés par des ministères différents167. Le Plan national nutrition santé, placé sous le pilotage de la DGS, auquel se sont ajoutés le plan obésité, le plan national santé environnement (PNSE), le plan national pour l’alimentation, et le plan national sport santé et bien-être. La multiplicité de ces plans, amplifiée par les nombreuses initiatives des collectivités territoriales, est bien le signe d’une mobilisation des pouvoirs publics mais elle génère des difficultés de lisibilité et affaiblit la cohérence et l’efficacité de l’action publique.

La prise en charge en termes de soins est incomplète : si celle des enfants s’est améliorée grâce aux réseaux pédiatriques de prévention et de soins, et aux centres spécialisés de l’obésité, le repérage et le diagnostic précoce sont insuffisamment assurés, notamment au niveau de la santé scolaire. S’agissant des prises en charge pluridisciplinaires, des expérimentations dans le cadre de l’article 51 de la LFSS pour 2018 ont été lancées mais elles sont trop lentes à se mettre en place. La prise en charge des adultes est caractérisée par un recours excessif à la chirurgie bariatrique. Par ailleurs, l’absence de prise en charge d’interventions sanitaires pourtant indispensables, comme celle des diététiciens, des psychologues, ou encore de spécialistes de l’activité physique adaptée, est un obstacle à l’accès aux soins.

Pour lutter efficacement contre l’obésité, il importe aussi d’encadrer des pratiques de marketing alimentaire et de veiller à la protection du consommateur. Or, la régulation du marketing de l’offre alimentaire repose sur les seules mesures de l’observatoire de la qualité des aliments (Oqali) qui a néanmoins permis de disposer d’un outil de suivi indispensable pour

167 Les instances mises en place, notamment le comité de pilotage, n’ont pas été à même de rendre les arbitrages requis pour atteindre les objectifs qu’il s’était fixés. La création du comité interministériel pour la santé (CIS) en 2014, a récemment amélioré la coordination des politiques publiques de santé et devrait également jouer un rôle dans la lutte contre l’obésité. Au niveau régional, la coordination interministérielle dans le domaine de la prévention s’est également avérée insuffisante, même après la mise en place des agences régionales de santé (ARS) en 2010. La déclinaison des plans s’est faite de manière hétérogène et a mis en évidence les difficultés de coopération entre services déconcentrés de l’État, notamment ceux responsables de l’alimentation, des sports et de l’éducation nationale. Les ARS se sont souvent largement mobilisées, notamment par le biais des « contrats locaux de santé », et collaborent avec de nombreuses collectivités locales mais l’évaluation de l’efficacité des actions menées est délicate : elles sont diffuses, hétérogènes, engageant une multiplicité d’acteurs, parfois communes à d’autres thématiques, souvent dépourvues d’indicateurs, rendant difficile une vision d’ensemble au niveau d’une région ou d’un territoire.

améliorer la qualité nutritionnelle des aliments. Les chartes d’engagements volontaires et les accords collectifs, qui reposent sur le consensus entre les acteurs, ont toutefois rapidement montré leurs limites et devraient faire place à des mesures plus contraignantes. De la même manière, l’absence d’encadrement des stratégies de merchandising de la grande distribution, en dépit de leur impact avéré sur l’obésité, notamment des enfants, favorise les mauvais comportements alimentaires, ainsi que le démontrent les études internationales. Le faible encadrement des ventes effectuées par distributeurs automatiques qui vendent essentiellement des sodas, des confiseries ou des produits très gras dans les lieux privés et publics fréquentés par des enfants, soulève aussi la question de la protection du consommateur et de la santé publique. Le principe de l’autorégulation en matière de publicité alimentaire à destination des enfants s’est révélé peu efficace.

L’organisation mondiale de la santé (OMS), l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne recommandent toutes la mise en place d’un encadrement et d’une limitation du marketing en direction des enfants. La publicité ciblant les enfants dans les programmes audiovisuels qui leur sont spécifiquement destinés n’a fait l’objet, en France, d’une mesure législative d’interdiction que depuis l’adoption de la loi « Gattolin »168 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, adoptée le 20 décembre 2016 et applicable depuis le 1er janvier 2018. L’autorégulation en matière de publicité alimentaire à destination des enfants est un échec patent, alors que les exemples étrangers montrent l’impact déterminant d’une forte régulation de cette publicité.

Si l’information du consommateur de produits alimentaires a fait des progrès grâce à la mise en place du Nutri-Score (logo nutritionnel simplifié, fondé sur des couleurs, placé sur la face avant des emballages alimentaires, recommandé par l’État depuis 2017), ces avancées restent partielles car la généralisation du logo se heurte à l’opposition d’une partie des industriels, en particulier de nombreuses entreprises multinationales, notamment celles produisant des boissons ou aliments très sucrés ou gras.

Parmi les autres outils destinés à agir sur la demande, le recours aux incitations fiscales est régulièrement envisagé et leur effet est largement démontré dans le cas du tabac. Ainsi de la taxe sur les boissons sucrées, qui a déjà fait ses preuves dans plusieurs pays : une action plus résolue pourrait être envisagée après évaluation approfondie de son impact. Enfin, la loi

« Lurel » 169 votée en 2012 pour limiter le surdosage en sucre pratiqué par l’industrie alimentaire dans les produits destinés aux départements d’outre-mer, reste inappliquée près de 7 ans après son adoption. Les conditions de son application effective, complexes, doivent donc être revues.

2 - Les recommandations de 2019 n’ont pas encore été mises en œuvre Dans son rapport de 2019 sur la prévention et la prise en charge de l’obésité, la Cour établissait plusieurs recommandations pour améliorer la gouvernance de la politique de prévention et de lutte contre l’obésité, notamment le renforcement de la coordination

intersectorielle de la politique nutritionnelle au niveau régional sous l’autorité conjointe des préfets de région et des directeurs généraux d’ARS pour veiller à la mise en œuvre opérationnelle des objectifs.

S’agissant de la prise en charge des enfants atteints d’obésité, la Cour a proposé, sans attendre la fin des expérimentations, la prise en charge du parcours des enfants atteints de surpoids et de ceux atteints d’obésité sévère incluant des consultations de diététicien et de psychologues ainsi que des bilans d’activités physiques. Pour les adultes atteints d’obésité sévère, la Cour a proposé une expérimentation nationale de prise en charge au parcours incluant des consultations de diététicien et de psychologue170, ainsi qu’un bilan d’activité physique destiné à une orientation du patient vers un dispositif d’activité physique adapté.

S’agissant de la régulation de l’offre, la Cour proposait que soient fixés, par voie législative, des taux maximums de sel, de sucre et de gras dans la composition nutritionnelle des aliments. Ces taux pourront être fixé après concertation avec les industriels ayant participé aux accords collectifs et aux engagements volontaires antérieurs171.

Pour encadrer la publicité, la Cour a proposé dans son rapport précité sur l’obésité172 d’élargir le champ d’application de la loi Gattolin à tous les programmes et à toutes les chaines audiovisuelles du secteur privé en précisant, pour le secteur public comme pour le secteur privé, et pour tous les supports audiovisuels et numériques, les horaires des émissions, les tranches d’âges, et les aliments à exclure de la publicité, par références au Nutri-Score.

Elle recommandait enfin d’inciter les associations de consommateurs ou d’intérêt général à partager gratuitement avec le public des bases de données labellisées par SPF afin d’éclairer le choix du consommateur. La Cour avait indiqué que pourrait être mise à l’étude en liaison avec l’UE l’hypothèse d’une obligation pour les industriels d’apposer le Nutri-Score sur les produits alimentaires entrant dans le cadre du régime des allégations nutritionnelles qui doivent être notifiées à la Commission et aux autres États membres173

À ce jour, probablement en raison de la crise sanitaire, le comité interministériel sur la santé (CIS) n’a pas été réuni en 2020 ni en 2021. La DGS a établi un bilan à mi-parcours du PNNS, publié en mai 2021. Le bilan rappelle l’importance des politiques nutritionnelles dans le contexte de crise sanitaire et détaille ensuite un suivi d’une majorité des actions du PNNS 4 pour chacune d’elles, sans présentation de leur avancement global. Il précise que la plupart des objectifs ont connu une progression mais que celle-ci a été freinée par la crise sanitaire. Enfin, sur la réduction du marketing à destination des enfants, le bilan souligne l’augmentation des programmes audiovisuels de prévention sur ces dix dernières années grâce à l’application de la charte alimentaire mais il ne rappelle pas les échecs précédents de ces accords.

170 Sous certaines conditions, la prise en charge de certaines consultations de psychologues sera effective à compter de l’exercice 2022.

171 Ce faisant, la Cour s’inscrit dans la ligne de son rapport au Sénat de 2011 dans lequel elle soulignait la responsabilité, au regard de l’obésité infantile, des industriels de l’agro-alimentaire et de l’audiovisuel dans la mise en place de politiques de prévention inadaptées, au détriment de stratégies efficientes basées sur des connaissances scientifiques.

172 Cour des comptes, rapport d’évaluation pour la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale,

« La prévention et la prise en charge contre l’obésité », novembre 2019, disponible sur www.ccomptes.fr.

173 Sur la base de l’article 23 du règlement 1924/2006.

La seule nouveauté depuis le précédent rapport de la Cour est l’annonce faite le 3 juillet 2019 de la création de structures reconnues comme « maisons sport santé », dans le cadre de la Stratégie nationale sport santé (2019-2024) qui contribuent également à la prévention du surpoids et de l’obésité. À la suite de l’instruction des dossiers de l’appel à projets 2020 des maisons sport santé (MSS), 150 structures sont proposées à la reconnaissance MSS avec un total de 288 maisons sport santé désormais reconnues sur l’ensemble du territoire. L’objectif du ministère des solidarités et de la santé et du ministère des sports est de poursuivre cette dynamique pour atteindre 500 maisons sport santé à l’horizon 2022. Cet effort est notable dans une période de post-confinement où la sédentarité est l’un des facteurs de risques aggravant l’obésité.

La Cour rappelle certaines recommandations faites en 2019, et qui sont à ce jour toujours non-suivies d’effets, portant notamment sur:

- le taux maximum en matière de sucre, de sel, de gras dans les aliments industriels, - la publicité de certains aliments dans le champ de l’audiovisuel et du numérique dans le

cadre de la lutte contre l’obésité

- la référence obligatoire au Nutri-Score en matière d’alimentation industrielle.

II - Développer et systématiser les approches de prévention

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