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Paradoxe du vandalisme : l’art et les images de la société de consommation

2. Art et Pop : les stratégies visant à critiquer notre société de consommation

2.1. L’utilisation stratégique du collage

Depuis le modernisme, le collage était la meilleure stratégie. Le collage a consisté à coller sur un support divers fragments extérieurs à l’atelier qui peuvent provenir aussi bien d’un grand magasin que de la rue324. Cette remarque soulignant l’hétérogénéité des matériaux utilisés par Picasso a entraîné deux choses. D’abord, ce qui constitue non seulement l’un des premiers exemples de collage dans l’histoire de l’art, mais qui a aussi établi des liens entre la culture populaire et la culture noble qui est celle de l’art professionnel. Ensuite, ce lien ressenti comme inhabituel, discordant ou malvenu, est cependant jugé intéressant. Ce mariage illicite serait donc nié, dans le milieu de l’avant-garde, considéré comme étant à la limite de la dignité esthétique.

Les premiers artistes à s’être penchés sur l’association de ces medias et de la culture populaire de masse étaient sans aucun doute Georges Braque et Pablo Picasso. En 1911, Braque commença à peindre dans ses tableaux des lettres qui semblaient tracées au pochoir. Cette nouvelle technique artistique, dont Picasso fut le pionnier et qui s’illustre dans Guitare,

partition, verre (1912) (fig. 55), conduisit de nombreux autres artistes à inclure photographies,

schémas scientifiques, cartes, et autres matériaux dans leurs tableaux325.

324 Brandon Taylor, traduit par Lydie Echasseriaud & François Vidonne, Collage-The making of Modern Art, London :

Thames & Hudsonn, 2004, p. 8.

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À la suite de ces travaux, nous disons généralement que le collage a été inventé vers 1910 ou 1911. Mais nous avons la preuve que Picasso en a réalisé au moins un dès 1908 dans Le

Rêve (1908) (fig. 56). Dans ce tableau, les jeunes femmes dorment, elles semblent rêver

comme l’indique le titre du dessin. Le dessin rudimentaire du cadre collé au milieu, semble représenter leur rêve. L’homme tente de recueillir au bout d’un seau un poisson mort. Une femme est debout tandis que l’autre, appuyée sur un coude, montre l’écran d’une main qui ressemble à une tenaille qu’elle se noie dans son rêve et en même temps s’en saisit. À droite, l’autre femme se lève pour partir avec les yeux fermés. Dans ce dessin, qui paraît animé, les arbres créent le mouvement. Jacque Villeglé a fait des recherches concernant l’histoire du collage.

« Qu’était-ce, le collage ? Une invention cubiste qui consistait à colorier un fusain avec un paquet de gauloises bleu ou de scaferlati gris. Ironie pour l’amateur qui regrettait la reproduction de l’objet. […] Avec Schwitters le collage avait été à son apogée. Par la suite les raffineurs apportèrent : outre Ernst, le frottage et l’anecdote découpée ; Hans Arp, le papier froissé, pilé, noué et la photo déchirée ; l’ingénieur Raoul Hausmann en 1918, avec le photomontage, la simultanéité cinématographique dans les arts statiques ; les peintres et poètes sur réalistes, le ‘Cadavre Exquis’ dessiné ; Matisse, la trace du ciseau ; Dubuffet, le bitume et en 1953 le terme assemblage. Les abstraits des années 50, quant à eux, reprenaient leurs propres œuvres et, en les traitants comme des déchets, ils agençaient des compositions plus libres suivant une formule créée par Man Ray et Arp que R. Michau a plaisamment appelé pictocollage »326.

Il clarifie l’utilisation du collage par les artistes modernes. Cette méthode a été profondément influencée par le pop art, mais anticipait clairement les artistes d’avant-garde européens. Ils s’intéressaient à toutes sortes d’images banales, mais, ici, l’approche est différente. Malgré le fait que l’esprit des artistes du pop art se soit exprimé de manières diverses, de nombreux livres distinguaient les deux courants, celui propre aux É tats-Unis et celui propre à l’Europe dans le Pop Art. Lucy R. Lippard explique clairement dans son livre

Pop Art :

326 Jacques de la villeglé, « L’affiche lacérée : ses successives immixtions dans les arts », Leonardo, Vol. 2, No.1,

Janvier, 1969, p. 35 : Raoul Michau, « Les collages de peinture ou pictocollages », Leonardo, Vol. 1, 1968, p. 253.

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« Depuis 1962, les critiques et les musées du monde entier se sont obstinés à mettre dans le même panier les divers Nouveaux Réalismes et le Pop Art, mais il est clair désormais qu’ils représentent, chacun, des phénomènes visuels totalement différents. […] Les uns comme les autres se sentaient beaucoup plus concernés par les objets de production courante caractéristiques de la civilisation industrielle et de la société de consommation. Cependant les Américains acceptent telle quelle leur réalité de chaque jour, tandis que les Européens inclinent à voir, dans leurs sources d’inspiration, des « mythologies quotidiennes ». Moins agressif que son homologue américain dans le domaine du style et de la forme, l’artiste européen, en revanche, est volontiers porté à des manifestes ou à des déclarations qui, au regard de l’attitude « cool » des Anglo-américains, contempteurs du « groupe », semblent féroces, émotionnels et « engages » »327.

À l’instar de cette perspective de Lucy R. Lippard, nous distinguerons ces deux tendances du fait que les artistes européens s’identifient avec la tradition du Surréalisme et le courant du mouvement d’avant-garde.

Le Dada combinait des textes publicitaires, des images, des slogans, des pamphlets révolutionnaires, des éléments du quotidien et de l’art populaire pour en faire des collages, des tableaux graphiques, des photos, des films, des assemblages, du théâtre, des performances328. Le photocollage ou photomontage est pratiqué sur la base du travail de John Heartfield, mais la capacité des journaux à reproduire de la couleur a conduit les artistes à renouveler le genre329. John Heartfield inventa un nouveau genre artistique, le photocollage,

dans lequel une grande partie de l’œuvre est composée de fragments de journaux, ouvrant ainsi la porte à l’humanité toute entière. Le montage est un moyen de résistance qui a été utilisé quelquefois par les nazis comme outil de propagande, mais le montage artistique ou littéraire est, quant à lui, un outil critique tel que George Grosz, Paul Hausmann, et d’autres l’ont exploité. La technique du collage a toujours provoqué une polémique sur la combinaison revendication esthétique/revendication politique.

327 Lucy R. Lippard, «Le Pop Art en Europe et au Canada», Lucy R. Lippard, Lawrence Alloway, Nancy Marmer,

et Nicolas Calas, Pop Art, London : Thames & Hudson, 1997, p. 174.

328 Tilman Osterwold, Pop Art, trad. Wold Frunhtrunk, London : TASCHEN, 2007, p. 132. 329 Laurent Baridon & Martial Guédron, L’art et l’histoire de la Caricature, op.cit., p. 281.

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Cette controverse se reflète particulièrement clairement dans le travail collectif de Guy Debord et Asger Jorn. Les années 1950 ont vu une grande partie de l’activité s’épanouir en Europe, un véritable réexamen de l’univers théorique relatif à la pensée esthétique. Debord a lui-même réalisé des collages de morceaux de textes et de cartons assez librement disposés, recouverts de raccords à l’encre. Pour Debord, La Société du Spectacle, vivant sur l’héritage de l’impérialisme et du colonialisme, a un besoin urgent de se trouver confrontée à une opposition révolutionnaire. Les collages de Debord affichent un certain dédain pour les subtilités formelles. Guy Debord publie en association avec le travail de l’avant-gardiste danois Asger Jorn sous le titre de Mémoires en 1959. Ce livre, qui constitue la principale illustration de l’idée situationniste de « jeu collectif », comprend des fragments littéraires et des parties découpées d’un plan de Paris disséminés librement sur, sous ou parmi les lignes et les tâches de couleur disposées en coulures par Jorn. Dans ce livre, ils ont fait le collage en combinant l’art et la politique. Debord a coupé des images et des textes dans des recueils de poésie et des romans, des livres d’histoire et d’économie politique, des journaux et des scenarii, des publicités et des bandes dessinées. Jorn a peint les lignes et les tâches sur ces images et ces textes. Ce livre montre une critique ironique et amère de la société de consommation en utilisant la masse commerciale.

Son utilisation du collage330 et le concept de « Détournement » est central pour les situationnistes. Cependant, quelques artistes de cette période de l’art expriment une critique de leur société sans être liés par l’esprit du temps des moyens politiques. La politisation de l’art était toujours problématique. Au delà d’une des intentions essentielles des collages d’objet, la politisation présente l’exagération de l’ordre, de la propreté et de la morale qui semble bien être la caractéristique d’une société de consommation agressive et éducatrice. L’action des images politiques et manipulatrices des mass-médias, leur esthétique autoritaire

330 Jorn s’essaie aux travaux de collage de 1964 à 1970, comme dans Le Vertige de l’Horizontale (1969). Jorn, lui,

non plus, n’est pas créateur à répéter une formule pour être sûr d’être reconnu, mais, quand, par exemple, il emprunte la voie des affiches lacérées ouverte par Hains et Villeglé en 1969, nul doute qu’il ne fasse du Jorn (comme dans ses collages des années cinquante). [….] Il reste d’ailleurs très intéressant de constater combien il se moque de reprendre le procédé des « affichistes » avec quelque dix ans de retard. Son propos n’est en effet absolument pas l’innovation technique, lui semblant péripétie. Son propos demeure la recherche formelle. En ce sens, il définit avec vigueur le rôle de l’artiste : un inventeur de formes uniques. Aujourd’hui, peu lui importerait probablement de faire de l’infographie (qu’il pourrait éventuellement utiliser, comme les affiches lacérées) ou des toiles, à condition d’élaborer des agencements singuliers portant sa marque. La fonction de l’artiste, déliquescente parce que se confondant avec les supports qu’il utilise ou qu’il fait fabriquer (certains artistes devenant en fait des sortes de P.M.E. en faisant travailler d’autres pour réaliser des pièces), est celle d’un inventeur direct de formes. Laurent Gervereau, Critique de l’image quotidienne : Asger Jorn, op.cit., pp. 137- 139.

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et récupératrice se reflétera chez bon nombre d’artistes européens à la fin des années 60 et au début des années 70.

Bien que Jorn, de son propre aveu, ait valorisé l’acte même de création plus fortement en contradiction avec le point de son travail sur le matériau et le pictural, ce désaccord l’a conduit à la rupture d’avec le mouvement situationniste en 1961. Du fait que Jorn a refusé la politisation de l’art, l’expression politique extrême ou la fixation d’un « -isme » pour qualifier/classifier son idée libre, il a continuellement essayé de modifier sa place dans le mouvement artistique contemporain. Cependant, Jorn a souvent continué à soutenir le périodique des situationnistes avec des articles et des financements. Par un mélange des genres entre « haut » et « bas » de l’art, et de l’objet véritable de l’art. La méthode de ce collage se réfère à la pratique des œuvres d’art chez Jorn afin de subvertir les matériaux culturels préfabriqués, de manipuler la manière et de se livrer à la critique de la société331. Son art ne relève pas d’un mouvement politique ou de propagande, mais représente un art actif pour présenter sa société. Cette perspective met en parallèle les œuvres de Kurt Schwitters et d’Hannah Höch qui agissent différemment des autres, tels que Pablo Picasso ou Jorn Hartfield.

Quelques unes de ces œuvres, dont un collage réalisé par Schwitters, For Käte (Pour Käte) (fig. 57) en 1947, utilisait pour la première fois la bande dessinée. Schwitters, qui avait déjà fait ses premières expériences avec le collage et l’assemblage avant 1920, combinait des tickets, des slogans publicitaires, des photos, des lettres, des signes graphiques, des coupures de journaux et d’autres matériaux pour en faire des tableaux et des reliefs qui insistaient sur des objets du quotidien dans l’intimité d’une composition cubiste332.

Plusieurs photomontages de Hannah Höch datant de cette période traitent de la politique et des figures politiques nazies tout en étant souvent liés au sexe333. Spécialement, Après

l’apogée du mouvement dada à l’été 1920, Höch se sent de plus en plus libre de suivre sa propre voie. Elle quitte Hausmann en 1922 et se libère de la pensée dada, se rapprochant de Schwitters. Hannah Höch réalise, entre la fin des années 1950 et 1970, des collages aussi incisifs que ses œuvres de pionnière du mouvement Dada. Avec des fragments de magazines en couleur (en particulier Life International) déchiquetés au point de devenir méconnaissables, elle compose des collages de style informel, en introduisant souvent un fragment figuratif unique évoquant la séduction féminine et les fantasmes induits par le regard féminin.

331 Helle Brons, Asger Jorn, op.cit., p. 103. 332 Tilman Osterwold, Pop Art, op.cit., p. 136.

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Dans ces œuvres parodiques mais moins agressives qu’avant, elle revient souvent à l’imagerie qui était la sienne dans les années 1920, utilisant les yeux, les jambes, les lèvres et les distorsions d’échelle comme autant de références sexuelles. Evoquant les nouvelles œuvres sérigraphiées de grand format de Rauschenberg, elle remarque que des presses géantes produisent des épreuves de plusieurs mètres de long, et que la photographie en couleur permet d’offrir, sans limite, des matériaux fascinants334. Dans l’œuvre d’Hannah Höch, On With The

Party, (1965) (fig. 58) après une incursion dans l’abstraction, au cours des années 1950, elle

réintroduit ici une femme ambigüe, qui n’est pas sans évoquer le style de Picasso, dans une scène festive.

Pour traiter de la crise de l’esthétique du collage à partir des années 1960, il faut d’abord considérer de nombreux autres sujets. Si les découvertes des pionniers du modernisme, en particulier les juxtapositions de Dada et du surréalisme, aussi que le style graphique du constructivisme, ont inspiré, au cours des années 1960 et 1970, un grand nombre de projets qui visaient à prolonger les découvertes du passé, le paradoxe n’est qu’apparent.

L’intérêt de notre étude porte plus sur le collage de Höch et de Schwitters que sur d’autres collages du Dada Berlin, style souvent utilisé par la propagande et l’art politique pour ses formules stimulantes et ses expressions fortes. Mais le geste critique du collage est saisi avec une technique magnifique par les jeunes artistes dans l’art urbain. En même temps, cette méthode de collage inspire les affichistes. Jacque Villeglé insiste sur les facteurs déterminant ses œuvres de décollage.

« Johannes Baader, En 1919, Baader commença à faire des photomontages, ses montages dépassaient toute mesure par leur quantité formidable et leurs formats. […] Avec cela il créa une sorte de collage-littérature ou collage-poésie. […]

Je me distingue, par contre de Malet et de son équipe imaginaire, par la prise de possession de cette tranche de vie au profit de la peinture, mais aussi par la découverte de Lacéré Anonyme. […] Je pense, et Arp ne me contredirais pas qu’au geste de l’impulsif de la rue ne s’oppose pas cette tendance naturelle à l’action que plus ou moins chacun possède. D’autre part, l’art est de l’homme et l’homme est de la nature. Que ma main sache terminer le geste ébauché d’un inconnu, d’en tirer

334 Voir C. Lanchner, « The later adventures of Dada’s Good Girl : The photogmontage of Hanna Hoch after

1933 », dans catalogue d’exposition, The Photomontages of Hanna Hoch, Walker Art Centre, 1996, p. 147 : Brandon Taylor, Ibid., pp. 195-196.

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gloire serait mais comme de revenir au jeu de dupes qu’est devenu l’exercice du dessin et de la peinture »335.

Bien sur, la « destruction » et la « construction » pour le collage et le décollage sont des métaphores imprécises. Car, comme le décollage révèle une surface existante dessous, il est donc constructif, et offre par collage de fragments déjà détachés l’image du démantèlement précédent336. C’est cette qualité qui distingue le travail de l’artiste de décollage plus méthodiquement que celle de leurs prédécesseurs d’avant-garde dans leur contexte historique. Et ce, qu’il s’agisse de la poésie surréaliste automatiste et idéographique de Calligrammes d’Apollinaire, ou bien de la poésie sonore dada (Arp, Hausmann et de Tzara en particulier) ou encore de la libération conditionnelle de Marinetti dans liberté. Benjamin H.D. Buchloh explique une différence entre le collage et le décollage :

« En revanche, le processus de décollage introduit un certain nombre de caractéristiques différentes dans le paradigme du collage. Tout en continuant une attitude explicitement anti-picturale dans son attaque contre les formes avancées de la culture de masse urbaine telles que celles régissant la langue qui contraint et suspend les pratiques traditionnelles de représentation artistique, il rompt le paradigme de collage à la fois en termes de matériaux et de procédures. Plutôt que de construire un nouvel univers pictural de l’affluence de détritus industriels et des langages et des signes de la culture de consommation, il limite ses choix pour les images et les messages de la publicité urbaine, les affiches trouvées sur les panneaux publicitaires ou dispersées sur les murs des rues de la ville »337.

Le collage et le décollage étaient deux réponses parmi d’autres pour une nouvelle conscience de la ville comme un terrain de matière dégradée mais utilisable, celui dont la

335 Jacques de la villeglé, « L’affiche lacérée : ses successives immixtions dans les arts », op.cit., pp. 39-41. 336 Brandon Taylor, Urban Walls : A generation of collage in Europe & America, New York& Manchester :

Hudson Hills Press, 2008, p. 9.

337 “By contrast, the process of décollage introduces a number of different features into the paradigm of collage.

Even while continuing an explicitly antipainterly attitude in its attack on the advanced forms of urban mass culture as that governing language that contrains and suspends traditional practices of artistic representation, it ruptures the collage paradigm both in terms of its materials and procedures. Rather than constructing a new pictorial universe from the affluence of industrial detritus and the languages and signs of consumer culture, it limits its choices to the images and messages of urban advertisement, the affiches found on billboards or dispersed on the walls of city streets.” Benjamin H.D. Buchloh, “Frome Detial to Fragment : Décollage Affichiste”, October, vol., 56, Spring, 1991, p. 107.

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propriété pourrait être débattue et même changée. Nous recherchons justement à savoir comment ces deux techniques ont concouru pour la domination picturale dans les années d’après-guerre. Pierre Restany déclare :

« Le collage est l’attitude adjonctive par excellence. Issu des papiers collés cubistes et futuristes et des compositions de Schwitters, le genre, après une courte éclipse, a connu un considérable regain de faveur à partir de 1954, un peu partout dans le monde mais plus particulièrement en Europe et surtout à Paris. Le collage est avant tout une construction formelle, par superposition, amalgame, combinaison d’éléments ajouté. […]

La vogue actuelle de l’affiche lacérée venant se greffer sur ce renouveau du collage a engendré une confusion habilement exploitée par les habituels spécialistes de l’opportunisme artistique »338.

Nous pouvons voir maintenant comment cette aventure au début de décollage, faisait déjà partie d’une tradition d’avant-garde au moment-même où elle a été « créée ».

Après l’invasion de l’Allemagne nazie, les murs deviennent un site de propagande politique intense et d’interdiction fasciste. Puis, après la libération du fascisme allemand, ces mêmes murs deviennent le support d'une forme assez différente de propagande et une subtile forme de violence: les stratégies nouvellement conçues de publicité, initiatrices de la nouvelle culture émergente des consommateurs dans les années 1950339. Mais l’enregistrement photographique de Brassaï des gestes de graffiti réintroduit une préoccupation plus large pour les écritures primitives brutes de l’agent anonyme, par le biais d’un chiffre qui ressurgit sur des ruines de la Seconde guerre mondiale340.

Dans le prolongement direct de l’attraction surréaliste dépassée, ces interlignes urbaines et leurs formes d’épaves de publicité seraient maintenant devenues des lieux où l’articulation d’une nouvelle rébellion artistique pourrait être inscrite. La spécificité de l’esthétique de décollage devient encore plus apparente en comparaison avec d’autres conceptions artistiques