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Les traces des graffitis dans l’histoire, et plus particulièrement en France : vers un caractère essentiel

Des sources du graffiti à un nouveau genre artistique : réflexions sur les limites de l’image

1. Le rôle et l’activité des graffitis anciens

1.1. Les traces des graffitis dans l’histoire, et plus particulièrement en France : vers un caractère essentiel

Les traditionnelles inscriptions sur pierre ou aux murs de la ville sont soigneusement tracées à la peinture noire ou rouge. Des graffitis sont jetés d’une main plus hâtive. Les graffitis, tracés à la pointe dure dans le stuc ou les enduits peints, en caractères cursifs, sous l’effet d’une émotion fugitive, de l’enthousiasme, de la colère, ou simplement pour noter des achats ou la liste de tâches à accomplir, sont plus spontanés, et leur fraîcheur, leur incongruité parfois les rendent encore attachants. Les graffitis ont toujours apporté un témoignage sur la vie de chaque période. Et les inscriptions, étaient de préférence écrites sur les murs des espaces publics, sur l’intérieur des habitations, dans et autour de l’espace de travail. Mis à part la variété topographique, dessins et écritures latines ou grecques racontent un quotidien méconnu comme les comptes, les achats, la vie scolaire, etc. Ils reflètent l’engouement populaire pour des événements sportifs, comme de simples noms personnels, des salutations et des textes érotiques, mais un grand corpus d’exemples picturaux comme des personnages, animaux, bateaux, ainsi que des images plus abstraites existe également48. Ils parlent d’amour et de sexe et présentent souvent le désir simple. C’est la spontanéité du geste anonyme.

Les graffitis découlent souvent de dessins enfantins pour les silhouettes humaines, les visages d’homme, les animaux, etc. En dépit de critères stylistiques, l’aspect naïf, mal proportionné ou maladroit de certains graffitis a souvent incité à en faire des dessins d’enfants. Par exemple, le succès évident des bonshommes, réalisées de toutes les façons possibles, tient au fait qu’ils sont, avec les animaux, un sujet de prédilection pour les enfants d’hier et d’aujourd’hui. Le dessin d’un bonhomme, par ses transformations physionomiques, révèle des states de l’évolution d’un enfant, quelle que soit son époque.

48 Benefiel. R, « Dialogues of ancient graffiti in the House of Maius Castricius in Pompeii », AJA 114, 2010,

pp.59-101: Kruschwitz, P. « Patterns of text layout in Pomepian verse inscriptions », Studia Philologica

Valentina 11, 2008, pp.225-264: Milnor, K. « Literary literacy in Roman Pompeii: The case of Vergil’s Aeneid »,

dans éditions de W.Johnson and H. Parker, Ancient Literacies : The Culture of Reading in Greece and Rome, Oxford: Oxford University Press, pp.288-319: Funari, P.P.A. et Garrafoni, R.S., « Reading Pompeii’s walls : a social archaeological approach to gladiatorial graffiti », T. Wilmott (éd.), Roman Amphiteatres and Spectacula: a

21st-Century Perspective. Papers from an international conference held at Chester, 16th-18th February, 2007,

Oxford : Archaeopress, 2009, pp. 185-194 : Funari, P., « Graphic caricature and the ethos of ordinary people at Pompeii », Journal of European Archaeology 1, 1993, pp. 133-150, cité par J.A. Baird et Claire Taylor (éd.),

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C’est ainsi qu’apparaît un personnage sur la peinture à fond jaune de la probable salle de classe du quartier INSULA 1 d’Avenches (fig. 1)49. Une figure aux bras sortant de la tête, incisée en bas de paroi, révèle une étape de représentation enfantine du corps humain, tout comme le bonhomme dessiné d’un trait, en incluant tous les éléments du corps50. Nous

proposons un autre exemple : le petit bonhomme de Périgueux (fig. 2). Le personnage, un homme plutôt qu’une femme, est tracé de façon schématique : son corps avec la barre de la tunique forme un A, les mains au bout des bras écartés n’ont que trois doigts et la tête est une boule ronde ; un soleil à huit rayons le surmonte et l’inscription SAL portée sur le côté est sans doute à compléter en SAL<VE>, « Salut »51. Ces dessins d’enfants montrent la vie scolaire et le mur devient espace d’exercice.

Des dessins sur les murs antiques ont été étudiés par R. Garruci, dans ses ouvrages Les

murs murmurent : graffitis gallo-romains publié sous la direction d’Alix Barbet et de Michel

Fuchs, et l’Ancient graffiti in Context édité par J.A. Baird et Claire Taylor, dans lesquels ils se penchent sur les Graffiti de Pompéï. A Pompéi, les noms ou les signatures d’anonyme ont d’abord été grattées sur différentes surfaces. Les combats de gladiateurs occupent certes une place très importante dans les sujets favorisés par les graffitis. Les annonces officielles, dont les façades de Pompéi nous restituent le contenu, et les dépliants qui circulaient dans les rues et sur les gradins, mentionnaient le motif de la fête, le nom de l’organisateur des jeux, le nombre de gladiateurs et leur spécialité, parfois certains aménagements de confort comme le dépliement d’un velum pour protéger les spectateurs du soleil. Les témoignages gravés par des spectateurs passionnés nous restituent eux une image très vivante des protagonistes, donnant parfois leur nom pour signaler leurs victoires52.

Nous analyserons une œuvre consistant en une image et des mots OCEANSVS. I. XIII

V. (fig. 3): Oceanus libertus, XIII uictoriarum, uicit. (Oceanus l’affranchi, aux treize victoires,

vainqueur (C.I. L. IV, 8055 a)53. Nous connaissons actuellement plusieurs centaines d’inscriptions pompéiennes, dont seule une infime partie est ici présentée, sans aucune

49 Chasse à AVENCHES, insula 1, salle de classe ( ?). L. 15,5cm, H. 15,6cm. Fin du 1er-début du IIe siècle ap. J.-

C. Musée romain d’Avenches. Fuchs 1989, p.16-19 ; Fuchs M., Béarat H., Analyses physico-chimiques et minéralogiques de peintures murales romaines d’Avenches, I : du pigment à Avenches, Bulletin Pro Aventico, 38, 1996, p.38 ; Roduit 2006, pp. 34-35 (cat.15), cité par Aliz Barbet et de Michel Fuchs, cat. Les murs murmurent :

graffitis gallo-romains, musée romain de Lausanne-Vidy, Gollion : Infolio, 2008, p. 97.

50 Ils ont expliqué que le bonhomme à grosse tête dont le tronc, les bras et les jambes sont assemblés en pièces

détachées, est réalisé par des enfants âgés entre quatre et six ans. Ibid., pp. 50-51.

51 Pas avant le milieu du 1er siècle apl. H. C. Dépôt de la ville de Périgueux. Inédit. Cité par Ibid., p. 61. 52 Ibid., p. 68.

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ambition érudite et sans autre but que l’agrément du lecteur. Ces inscriptions et peintures politiques réalisées sur le mode grivois portent un message public à une période différente et

chaque fois suite à une demande officielle comme l’image ARACINTVS L IIII PISITIARIO54

(fig. 4).

Mais par les expressions lucides, le graffiti dans le monde romain était souvent associé à la politique et a été une façon populaire de parler de retour à l’autorité. Comme le montre l’ouvrage Sur les murs de Pompéi avec cent vingt-trois inscriptions lapidaires et pariétales choisies et traduites du latin par Philippe Moreau, les inscriptions gravées dans la pierre ou le marbre révèlent surtout la vie politique de la cité, les noms et les activités de ses magistrats et de ses élites comme dans le reste du monde romain. Les inscriptions funéraires, stéréotypées dans leur forme et leur contenu, relèvent également d’une épigraphie convenue, un peu contrainte et guindée.

La particularité de Pompéi est d’avoir conservé aussi des inscriptions, peintes sur la chaux et tracées à la pointe dure sur l’enduit des murs, dont les auteurs ne souhaitaient pas qu’elles traversent les siècles : d’où leur spontanéité, leur fraicheur souvent, leur verdeur parfois, qui donnent au curieux le sentiment d’entrer, comme par effraction, dans les préoccupations quotidiennes, banales ou touchantes, les goûts et les passions des Pompéiens d’avant l’ensevelissement sous le cendres du Vésuve55. Comme les styles du graffiti de Pompéi, ces

sujets apparaissent continuellement dans le graffiti que Christian Colas analyse à Paris. Nous découvrons la vision religieuse sur les murs de l’église Saint-Médard à travers les images de la rébellion de Satan contre Dieu, de diable, du bouc, les signes sacrés et miracles. Il classe

54 Ibid.

55 Les graffiti qui illustrent le volume sont extraits du Corpus Inscriptionum Latinarum, vol. IV, Berlin, 1871, éd.

C. Zangemeister (Académie Royale de Prusse), réimpression 1957 (5215) et du Corpus Inscriptionum Latinarum, vol. IV, fasc.3, 1, 1952, éd. M. Della Corte (8055 et 8056). Les légendes comportent la transcription des textes des graffiti, leur lecture avec résolution des abréviations et leur traduction. Le classement par signes des inscriptions de Pompéi par Philippe Moreau contenait des sujets divers : Prière, Clientèle, Campanilisme, Vedette, Femmes et politique, Hypocondrie, préférences, méditation poétique, Liste d’achats, Le peintre d’inscriptions, Parasitisme, Aux âmes bien nées…, Gladiature, Souvenir, Militantisme, Plaisirs Populaires, Médecin, Politique, Faiblesse, Piète filiale, Politique et spectacle, Agaceries d’Amoureux, Clientèle et clientèle, Piète impériale, Libéralisme, Préciosité, Compte rendu, Naïveté, Popularité, La cabaretière, Culture, Mauvais plaisants, privé et public, Ecole libre, Gladiature, Ouvrages de dames, Avertissement, Paradoxe, Professionnelle, Ennemie, Les Rivaux, La maison qui parle, Couple, Lobby, Hygiène publique, Tendresse, Le monde des affaires, Francs Buveurs, Palmarès, Evergétisme, Ambigüité, Marché de l’immobilier, Humour Electoral, Encouragements, Confiance, Vol à l’étalage, Civilités, Cri du cœur, Tendres souhaits, Désamour, Abandon, Tifoso, É vergétisme, Haine, Supplique amoureuse, Contradiction, Groupe, Affranchissement , Déception, Honneurs, Sélection, Culte impérial, Pathos, Foi, Romantisme, Lassitude, Rescapés, Bonheur, Camaraderie, Parti, Propriété, Supporter, Déçue, Envoi. Voir, Ibid.

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également les formes des graffitis ou d’inscriptions : visions érotiques, carrés d’initiés, un mercenaire au cachot, la nef des nautes, le répertoire iconographique des graffitis ; le trèfle, des outils tels que marteau, clé, et lunettes; nom et prénom, un bestiaire, girafe, zébu ; soldat prussien, lettres de noblesse, fraternité, margot, héros de la Commune, Le chant de la clairière, etc56.

Les dessins et les lettres se côtoient, parfois s’interpénètrent. Disparates, leurs fonctions sont multiples. Laisser sa trace, même ténue, c’est vouloir communiquer, faire passer un message, transmettre du sens. C’est indiquer son appartenance, se distinguer, manifester son identité. Les témoignages que nous apportent les graffitis antiques sont à ce titre extrêmement précieux, nous informant, de la manière la plus expressive, sur la société et la culture dont ils sont le reflet. Par la spontanéité du langage ou du geste, par le côté cavalier de leur présence sur tel ou tel support, à tel endroit, ils nous offrent l’immédiateté du quotidien des premiers siècles de notre ère57.

Le style et le contenu changent-ils de sens en fonction de l’espace où se trouvent les graffitis ? Nous pouvons en prendre comme exemple les graffitis à Pompéi pour lesquels une écriture ou un dessin plus achevé occupe les pièces d’habitation. L’écriture était, à l’époque, une forme de privilège, ainsi que l’explique J.-P. Bost :

« En fait, l’écriture se rencontrait surtout dans deux domaines particuliers, celui de l’autorité publique, comme indispensable instrument du pouvoir, et celui de l’esprit, comme support obligé de la culture. Le monde des utilisateurs était donc passablement restreint : en dehors des classes cultivées (intellectuels et élites sociales), il se réduisait à un groupe étroit de spécialistes (scribes, copistes, écrivains publics, personnel des ateliers épigraphiques, fonctionnaires civils ou militaires) au statut souvent modeste »58.

La distinction parait certes facile entre inscriptions officielles et graffitis privés, mais quels sont les domaines d’expression de ces derniers ? Il y a des caricatures et des écrits, les uns éclairant parfois les autres. En imaginant que le graffiti contestataire devait certainement être

56 Christian Colas, Paris Graffiti : Les marques secrètes de l’histoire, Paris : Parigramme, 2010.

57 Sous la direction d’Alix Barbet et de Michel Fuchs, Les murs murmurent : Graffitis gallo-romains, op.cit., p.

195.

58 Bost, J.-P. Exploits amoureux à Limoges au IIIe siècle après J.-C. : trois graffitis de la « maison des Nones de

Mars », Travaux d’Archéologie Limousine, 13, 1993, pp. 53-57., cité par Sous la direction d’Alix Barbet et de Michel Fuchs, Les murs murmurent : Graffitis gallo-romains, op.cit., p. 16.

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déchiffrable pour le passant antique, on remarque des inscriptions sauvages et des graffitis (dessins) sans mots. Mais nous devons distinguer expression métrique et graffitis littéraires aux desseins politiques.

La forme, la langue de l’écriture, de même que les mots et leur police, accompagnant l’image ont tous leur importance. Les graffitis inscrits sont presque tous en lettres latines, avec quelques exceptions intéressantes : un texte entièrement en grec, ou un mélange de lettres grecques et latines indiquant la culture de l’auteur. Les images sont porteuses de messages en elles-mêmes et par le contexte social. C’est-à-dire que le graffiteur va parfois jusqu’à exploiter le cadre peint pour y insérer son message. Nous remarquons que ce geste, contrairement aux tags ou graffs dont la recherche esthétique l’emporte de loin sur le message, est différemment apprécié du public et des autorités. Nous les situons quelque part entre art de la rue et incivilité, entre liberté d’expression et vandalisme. Le geste n’est alors plus aussi spontané. Il est mode d’action. Ces témoignages sont tout ce qui nous reste de l’humeur, de l’écriture et du langage quotidiens des petites gens, pour la plupart de ces inscriptions.

Robecca R. Benefiel confronte le fait que, dans Pompéi, de nombreuses maisons, y compris celles de riches propriétaires, ont ce qui pourrait apparaître à un observateur moderne comme une relation aléatoire sur leurs murs. La présence de quatre styles dans la maison, atteste que l’acte de l’inscription de graffiti est une activité sociale dans les espaces centraux et les plus visibles de la maison. Benefiel montre que l’écriture sur le mur peut être utilisée à des fins pratiques, ou didactiques, et pourrait être le résultat de cette activité sociale en permettant à ces graffitis de raconter un certain nombre d’histoires59. Il participe de la connaissance des

grandes résidences de l’élite locale. Au lieu de se concentrer entièrement sur le contenu écrit de ces graffitis individuels, il est nécessaire d’élargir notre point de vue en abordant ce groupe de graffitis dans son ensemble. Le grand nombre de graffitis inscrits ici et l’unité des messages qu’ils partagent suggèrent que leurs auteurs ont été impliqués dans une conversation continue60.

En examinant les graffitis dans le paysage urbain, sur des sites tels que Pompéi, Dura et Aphrodiasias, nous pouvons constater l’omniprésence de ce type de pratique d’écriture dans les villes anciennes. Hormis des différences de contenu, il faut aussi montrer la disparité de la production, du public et de la signification historique. La corrélation élargie observable à

59 Rebecca R. Benefiel, « Dialogues of Graffiti in the house of the Four Styles at Pompeii (CASa Dei Quattro

Stili, 1.8.17) », éd par J.A. Baird et Claire Taylor, Ancient Graffiti in Contexte, op.cit., p.11 et pp. 21-48.

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Pompéi entre le contenu du texte et la technique – peinture ou inscription – n’existe pas dans les autres villes61. Le graffiti peut être la preuve d’activités qui se déroulent dans des espaces particuliers, telles que les pratiques religieuses dans les tours de fortification, ou comment il peut être utilisé pour examiner la présence et le mouvement des groupes particuliers dans les espaces privés et publics. C’est notamment le cas de l’armée romaine. Nous pouvons aussi voir les tendances linguistiques des communautés particulières, et l’usage du latin dans certains contextes.

Dans d’autres cas, qu’il s’agisse d’une inscription kalos, d’un nom de personne, du dessin d’un phallus ou d’une empreinte, le graffiti crée un lien entre le texte ou l’image et l’individu. La rédaction d’un nom commémore la présence d’une personne dans un certain domaine. Qui plus est, les identités sociales attribuées au nom peuvent être multidimensionnelles et variables. Les lecteurs du graffiti moderne peuvent voir les auteurs de porte-noms comme des vandales, mais les auteurs ne se considèrent pas nécessairement de cette façon. Ecrire son nom est plutôt une manière de communiquer avec les autres au sein d’une culture du signe ou de négocier un statut au sein d’une même communauté. La pratique d’écrire un nom, ainsi que la réception de celui-ci, situe donc à la fois le propriétaire et le lecteur dans une communauté62.

Les inscriptions étaient très formelles et stylisées, néanmoins elles varient en longueur et en qualité littéraire. Nous pouvons observer un grand nombre des mêmes motivations qui sous- tendent la création de tous ces morceaux de l’écriture. Dans un article récent, K. Milnor interprète le graffiti « littéraire » à Pompéi comme un « acte » plutôt qu’un « texte ». Il explique : « Les graffitis décrivent non seulement les sentiments que (...les) mots expriment, mais la pratique de l’écriture de ces mots sur les murs »63.

Par conséquent, l’association entre le simple texte et l’image inscrite, rayée, ou peinte sur une surface, et le statut social, est complexe. Aux côtés des graffitis à caractère officiel, que nous avons pu observer sur les murs extérieurs des bâtiments, l’intérieur des maisons s’est trouvé être un lieu d’expression très important pour cette forme artistique: en fonction de la hauteur des graffiti sur les murs, il a été possible de les attribuer tantôt aux enfants de la

61 D’après les recherches de Katherine V. Huntley, les graffitis des enfants sont possibles à Pompéi. Mais la

diversité des graffitis à Dura sur l’étude chez J. A. Baird est également évidente. Katherine V. Huntley, « Identifying Children’s Graffiti in Roman Gampania » ; .A. Baird, « The Graffiti of Dura-Europos : A Contextual Approach » cité par Ibid., pp. 49-68 et pp. 69-74.

62 Claire Taylor, « Graffiti and the Epigraphic Habit: Creating Communities and Writing Alternate Histories in

Calssical Attica », cité par Ibid., pp. 94-95.

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maison, tantôt aux esclaves, tantôt aux citoyens eux-mêmes, attestant de leur culture. P. Funari suggère que certains types de graffiti picturaux à Pompéi expriment des aspects de la culture populaire à travers la caricature. Il s’agirait d’une critique des structures de pouvoir existantes d’une volonté de les substituer des récits alternatifs64.

Nous pouvons citer, en outre, une étude d’Alexei V. Zadorojnyi qui considère la complexité des graffitis comme symboles de la dissidence politique dans le discours littéraire de l’élite gréco-romaine. En explorant les techniques utilisées comme une rencontre des idéologies de l’élite du pouvoir et de l’humour, il évalue les attitudes de ces écrivains envers le graffiti dans le contexte de leur éducation culturelle et littéraire. Le graffiti, selon lui, est tenu comme représentant d’une altérité socio-culturelle, mais en même temps il habilite la dissidence politique au sein de l’élite.

Dans cette perspective, nous allons discuter des sources de l’art et montrer les différences de message, personnel et intellectuel, des anonymes, donnant une interprétation consciente et critique des événements historiques et des problèmes socio-politiques de l’époque. Est-il possible de reconstituer les attitudes à l’égard des graffitis parmi l’élite intellectuelle grecque et romaine dont la supériorité culturelle et politique repose sur l’engagement de la paideia littéraire comme une matrice dynamique et compétitive, mais aussi comme un aspect conservateur? Quel risque courrait l’élite impériale à le pratiquer en tant que sujets de la classe supérieure dans un état autocratique ?65

Les graffitis de Pompéi, comme les images de gladiateurs, étaient souvent des images ou des textes à caractère officiel gravés. Mais nous avons découvert que leur fonction essentielle était l’expression de l’opinion politique et offrait des perspectives intéressantes sur le débat politique à travers la surface textuelle. L’attitude critique du graffiti par les anonymes, à l’intérieur de la maison ou dans la rue, est un mode d’expression intellectuel et ne concerne souvent que les personnes éduquées. Les graffitis ont une grande affinité pour les textes et les images peintes qui partagent ces caractéristiques. Certains graffitis actuels sont apparentés à une expression largement contestataire. Leur pratique étant aujourd’hui illicite, il est tentant de chercher dans sa forme ancienne des images qui échappaient aux normes en vigueur et qui bousculaient éventuellement les sensibilités. Or, un renversement complet du questionnement