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Une solution confirmée par la Cour de cassation

L’inapplicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H aux autorités administratives

B. Une inapplicabilité susceptible d’évoluer

2. Une solution confirmée par la Cour de cassation

Dans sa décision du 9 avril 1996, la Cour de cassation reprend à l’identique les motifs énoncés par les juges du second degré, confirmant ainsi la réception des critères européens de la matière pénale. C’est ce que démontrent également les conclusions formulées par l’avocat général. Invoquant explicitement la jurisprudence « Engel », Mme PINIOT souligne : « si l’on applique ces critères aux sanctions

administratives prononcées par la COB, on ne peut que constater, qu’à l’instar des sanctions prononcées par le Conseil de la Concurrence auxquelles s’applique la Convention, nous sommes en présence d’une infraction pour partie dépénalisée, mais qui, pour relever d’une procédure administrative de sanction à la différence de la plupart des autres Etats où elle est uniquement pénale, demeure de nature pénale en raison du caractère général de la norme protégée et du but à la fois préventif et répressif de la sanction ainsi qu’en raison de la gravité des peines encourues et de leur effet dissuasif »436.

Les arrêts qui suivent sont beaucoup plus laconiques quant au raisonnement suivi par la Cour de Cassation pour qualifier les sanctions administratives prononcées par les autorités de régulation d’« accusations en matière pénale » au sens de la

435 Cass. Com., 9 avril 1996, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, J.C.P., éd. gén., no 26, IV, 1996,

p. 169.

Convention. Ainsi dans les décisions « Conso » du 18 juin 1996437 et « Oury » du

1er décembre 1998438, les juges judiciaires se bornent à relever que sont assimilées à

une accusation en matière pénale au sens de l’article 6 § 1 C.E.D.H., « les poursuites

en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d’une punition prononcées par une autorité administrative ».

Il est parfois même arrivé que la Cour de cassation ne prenne pas le soin de justifier la subsomption des sanctions administratives dans la catégorie européenne des « accusations en matière pénale » et ce, au grand dam des commentateurs de la jurisprudence judiciaire439. Tel est le cas dans les arrêts « Oury c/ Agent judiciaire du Trésor» du 5 février 1999440 et « Société Campenon Bernard S.G.E. et autres »441 du 5 octobre 1999 portant sur les sanctions pécuniaires infligées respectivement par la COB et par le Conseil de la Concurrence.

Pour autant, les conclusions prononcées par l’avocat général dans l’affaire « Oury » viennent compenser la brièveté des motifs et du dispositif de l’arrêt. Monsieur Maurice-Antoine LAFORTUNE se réfère expressément à l’interprétation de la Cour de Strasbourg quant à la notion d’« accusation en matière pénale ».

437 Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso c/ COB, Bull. Civ., IV, no 179, p. 155.

438 Cass. Com., 1er décembre 1998, no 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. Civ.,

IV, no 238 ; J.C.P. 1999, II, 10057, note GARAUD Éric.

439 GARAUD Éric, note sur Cass. Com., 1er décembre 1998, no 96-20189, Oury c/ Agent judiciaire

du Trésor, J.C.P., éd. gén., 1999, p. 591 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la CEDH », A.J.D.A., 1999, p. 847, plus précisément p. 848 ; DE CHAISEMARTIN Arnaud, « Les enseignements du contrôle juridictionnel sur les procédures de sanction des autorité de marché », Justice et cassation, Dalloz, 2005, p. 30 et plus précisément p. 33 ; MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions

ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril

2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 70.

440 Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, no 97-16.441, COB c/ Oury, Bull. AP, no 1, p. 1 ; Gaz. Pal. 24

et 25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P. 1999. II. 10060, note MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON- ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999 n° 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note DUCOULOUX-FAVARD Claude.

441 Cass. Com., nos 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673 ,97-15760, 97-15777 97-15805, 97-

15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard S.G.E. et autres, Bull. Civ., IV, no 158, p. 133 ; Gaz. Pal. 1 et 2 décembre 1999, p. 9,

concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; note FLECHEUX Olivier ; J.C.P. 2000, II, 10255, note CADOU Éléonore ; D. 1999.44, obs. NIBOYET Marie-Laure ; L.P.A., 1999, n° 206, p. 4, note DUCOULOUX-FAVARD Claude.

En outre, la rédaction des arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris est dépourvue de toute ambiguïté quant à la nature pénale au sens de la Convention, des sanctions pécuniaires prononcées par la Commission. Par exemple, dans un arrêt « Debus »442 du 2 juillet 1999, les juges du fond, après avoir visé l’article 6 C.E.D.H.,

énoncent clairement qu’« au sens de ce texte sont assimilées à une accusation en

matière pénale les poursuites engagées en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d’une punition prononcée par une autorité administrative, telles celles que peut infliger la COB ». Précisons, à toutes fins utiles, que la Cour de cassation a

approuvé cette motivation.

Il ne fait donc guère de doute que pour le juge judiciaire, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. au titre de la matière pénale ne dépend pas de la seule qualification juridique en droit interne de la décision litigieuse. Au contraire, la nature « pénale » au sens de la Convention d’une sanction doit être appréciée au regard des critères dégagés par les juges européens.

En ce sens, la jurisprudence judiciaire est conforme au corpus prétorien strasbourgeois. Et il en est de même à propos de la lecture matérielle de l’article 6 C.E.D.H.

B. L’adoption d’une lecture matérielle des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Ayant reconnu la nature pénale au sens de la Convention des sanctions prononcées par la Commission des opérations de bourse et le Conseil de la concurrence, il restait aux juridictions judiciaires de déterminer si cet élément matériel était suffisant, à lui seul, à déclencher l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Si une décision du 28 janvier 1991443 a pu laisser présager, pendant un temps,

de la prévalence accordée par le juge judiciaire au critère d’applicabilité organique et

442 CA Paris, 2 juillet 1999, no RG 1998/17861, Debus, L.P.A., 15 octobre 1999, p. 7, note

DUCOULOUX-FAVARD Claude.

443 Cass. Crim., 28 janvier 1991, no 90-81526, Lavignes, Bull. Crim., 1991, no 44; Dr. fisc., 1991,

ce, à rebours de la lecture matérielle strasbourgeoise (1), la jurisprudence ultérieure a cependant clairement démenti cette hypothèse (2).

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