• Aucun résultat trouvé

Une solution déclenchée par l’arrêt « J.B contre Suisse »

L’applicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H à certaines catégories d’autorités administratives décidant en matière pénale et

B. Une solution inspirée de la jurisprudence strasbourgeoise

1. Une solution déclenchée par l’arrêt « J.B contre Suisse »

Selon les quelques commentaires doctrinaux publiés à la suite des arrêts

« Krempff », « Pessey », « S.A. Martell and co » et « Société Norelec », cette

jurisprudence aurait été quasiment contrainte par la Cour européenne des droits de l'homme. Depuis quelques années, la Cour de Strasbourg s’intéresse, effectivement, à l’établissement des pénalités fiscales dans la mesure où certains comportements de l’administration peuvent faire irrémédiablement perdre au contribuable toute chance d’obtenir gain de cause devant le juge. De ce fait, elle a imposé à l’administration fiscale le respect des principes de la présomption d’innocence, du droit de garder le silence et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

D’ailleurs, l’influence de la jurisprudence européenne des droits de l’homme ressort clairement de la lecture des conclusions des rapporteurs publics.

Ainsi, dans ses conclusions sur l’affaire « SA Martell and Co »612, M.

VALLÉE dénonçait l’excessive fragilité de la jurisprudence « SARL Auto-Industrie Méric » au regard du corpus prétorien européen, et plus précisément des arrêts « E.L., R.L. et J.O. –L. contre Suisse »613 du 29 août 1997 et « Janosevic contre Suède »614 du 23 juillet 2002. La Cour de Strasbourg y avait reconnu une violation de l’article 6 C.E.D.H., résultant de l’inobservation de la présomption d’innocence par l’administration, dans le cadre du prononcé de sanctions fiscales constitutives d’ « accusations en matière pénale ». Le commissaire du gouvernement invitait alors la formation de jugement à renoncer à sa jurisprudence traditionnelle, compte tenu de la position européenne.

Dans le cadre de l’arrêt « Pessey » précité615, le commissaire du

gouvernement, Mme Marie-Hélène MITJAVILE, estimait que les juges du second degré avaient commis une erreur de droit en jugeant que « les stipulations de l’article

6 § 1 C.E.D.H. (…) ne seraient pas applicables aux procédures administratives ». Le

612 CE, 24 mars 2006, SA Martell and Co, précité.

613 CEDH, 29 août 1997, no 20919/92, E.L., R.L. et J.O.-L. c/ Suisse. 614 CEDH, 23 juillet 2002, no 34619/97, Janosevic c/ Suède.

raisonnement suivi pour parvenir à une telle solution mérite d’être cité en ce qu’il paraît lénifier complètement la jurisprudence traditionnelle de la haute juridiction administrative sur l’inapplicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives. Le commissaire du gouvernement rappelle à la formation de jugement : « Si dans un premier temps, vous aviez jugé que l’article 6 § 1 ne

s’appliquait pas à la phase administrative de la procédure conduisant au prononcé de sanctions fiscales mais uniquement à la phase contentieuse (CE Section, 31 mars 1995, Ministre du Budget c/ SARL Auto-Méric), vous avez abandonné ce raisonnement opposant phase administrative et phase contentieuse après la décision de la C.E.D.H. admettant l’applicabilité de l’article 6-1 à la procédure suivie devant la commission des infractions fiscales (C.E.D.H., 26 septembre 1996, Miailhe c/ France) ; et c’est ainsi que vous avez jugé que l’article 6-1 est applicable à la procédure suivie en matière disciplinaire devant une autorité administrative, telle que le Conseil des marchés financiers (CE, Assemblée, 3 décembre 1999, Didier). Et dans le même sens vous avez jugé applicables à la procédure administrative des pénalités fiscales les stipulations de l’article 6-2 (CE 24 mars 2006, SA Martell), comme les stipulations de l’article 6-1 (CE 27 février 2006, Krempff). Le vrai partage n’est pas entre procédure administrative, qui échapperait aux stipulations de l’article 6-1, et procédure juridictionnelle qui y serait soumise, mais entre matières relevant ou ne relevant pas du champ d’application de cet article : vous admettez l’application de l’article 6-1 aux procédures administratives lorsqu’il s’agit de procédures débouchant sur des sanctions, ou de procédures disciplinaires. Il est vrai en revanche que vous jugez de manière constante que l’article 6-1 inapplicable dans le contentieux de l’assiette de l’impôt (CE 26 novembre 1999, Guénoun …). Sur ce point, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé votre jurisprudence en jugeant que le contentieux de l’assiette en matière fiscale échappe au champ des droits et obligations de caractère civil (C.E.D.H., 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie) … Bref contrairement à ce qu’affirme l’arrêt de la cour les stipulations de l’article 6 ne sont nullement inapplicables aux procédures administratives ».

Si ces conclusions s’inscrivent dans le sens d’une lecture matérielle européenne des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., elles ne reflètent toutefois pas le paysage jurisprudentiel administratif, et notamment l’emploi traditionnel du critère juridictionnel par la haute juridiction administrative.

À cet égard, les conclusions rendues par le commissaire du gouvernement François SÉNERS, sur l’arrêt « Norelec » précité, s’en démarquent nettement. Ce dernier rappelle que « La grille d’application de l’article 6 aux procédures

administratives est celle qui a été fixée par l’arrêt d’assemblée Didier : les garanties de l’article 6 ne sont pas applicables, en principe, en amont de la procédure juridictionnelle ». Selon lui, l’évolution dont témoignent les arrêts « Krempff »,

« Pessey », et « Société Martell and Co » a été déclenchée par un arrêt de la Cour de Strasbourg du 3 mai 2001, « J.B. contre Suisse »616.

En l’espèce, les juges européens avaient admis la contrariété d’une pénalité fiscale infligée par les autorités helvétiques à l’article 6 C.E.D.H., en raison de graves pressions exercées par ces dernières contre le contribuable au cours de la procédure administrative, pressions qui ont été regardées comme contraires au droit au procès équitable et plus précisément aux droits de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse » du 24 novembre 1993, qui reconnaît l’application de certaines garanties du procès équitable dès la phase antérieure à la procédure de jugement, dans la mesure où leur méconnaissance ab initio est de nature à compromettre gravement le caractère équitable de la procédure appréciée dans son ensemble.

2. Une solution procédant de la même logique que la jurisprudence

Outline

Documents relatifs