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A. DES STRUCTURES INÉDITES DANS LE PAYSAGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS

2. Une réforme guidée par trois objectifs principaux

Rédigé en 2008 par Philippe Ritter, le rapport préparatoire à la création des ARS souligne que les limites du système de santé français, dont les résultats en matière de mortalité évitable et d’inégalités territoriales et sociales ne sont pas à la hauteur du niveau des dépenses engagées, « tiennent pour une large part à des problèmes d’organisation institutionnelle et d’insuffisance d’outils »2. Le cloisonnement et l’éparpillement des compétences et des structures, le manque de lisibilité des actions menées, l’insuffisante articulation entre niveaux national et territorial, la mauvaise intégration entre les politiques de santé et de soins et la maîtrise des dépenses, le déficit de démocratie sanitaire, figurent parmi les principaux défauts du système identifiés par le rapport.

Soulignant la nécessité de mettre en place un pilotage intégré au niveau régional, le rapport donne la définition suivante des ARS : « un pilotage unifié et responsabilisé du système territorial de santé ». Derrière la volonté d’unification apparaît le souci du décloisonnement et derrière la responsabilisation celui de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie, ces objectifs pouvant être atteints au moyen d’une territorialisation adéquate.

a) Garantir davantage d’efficience dans la mise en œuvre des politiques de santé

La création des ARS s’inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la réorganisation de l’administration territoriale de l’Etat (Réate). Cette dernière poursuivait deux objectifs principaux : affirmer le niveau régional dans la mise en œuvre des politiques publiques au détriment des départements ; simplifier les structures à chacun de ces deux niveaux. De fait, les ARS ont été constituées à partir de la réunion de sept services ou organes préexistants. Les ARH et les Urcam ont ainsi été regroupées avec les GRSP et les MRS, structures qui s’étaient déjà vu assigner une mission de coordination entre les services de l’Etat et ceux de l’assurance maladie. S’y est adjointe une partie des services des Ddass et Drass, ainsi que des caisses régionales d’assurance maladie (Cram).

1 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

2 Philippe Ritter, rapport sur la création des ARS présenté à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, janvier 2008.

Ce regroupement a conduit à une réorganisation des services de l’Etat au niveau déconcentré. La part des Ddass et des Drass qui n’a pas rejoint les ARS a été intégrée au sein des directions départementales et régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale nouvellement créées (DDCS et DRJSCS). Plus qu’un décloisonnement total, cette réorganisation de l’administration sur les territoires a davantage conduit à une redéfinition des séparations entre, d’un côté le sanitaire et le médico-social, de l’autre le social. En 2010, la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) est devenue la direction générale de l’offre de soins (DGOS), compétente sur l’ensemble de l’offre de soins. La direction générale de l’action sociale (DGAS) a quant à elle pris le nom de direction générale de la cohésion sociale (DGCS)1. Comme cela sera examiné ultérieurement, ces changements de dénomination sont loin d’avoir entraîné un recentrage des administrations au niveau national vers des missions plus stratégiques.

Au-delà de la simplification du paysage administratif français, la création des ARS vise plus profondément à garantir davantage d’efficience dans la mise en œuvre des politiques de santé. Il s’agit en particulier d’assurer le respect de l’Ondam voté chaque année en loi de financement de la sécurité sociale.

Les missions des ARS

Article L. 1431-1 du code de la santé publique

Dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, une agence régionale de santé a pour mission de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional :

- des objectifs de la politique nationale de santé […] ; - des principes de l’action sociale et médico-sociale […] ; - des principes fondamentaux [de l’assurance maladie].

Les agences régionales de santé contribuent au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

Leurs compétences s’exercent sans préjudice et dans le respect de celles des collectivités territoriales et des établissements et agences mentionnés aux articles L. 1222-1, L. 1313-1, L. 1413-2, L. 1418-1 et L. 5311-1 du présent code ainsi qu’aux articles L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles et L. 161-37 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, dans l’ensemble de la HPST, le souci d’efficience et de rationalisation est indissociable d’une réaffirmation du rôle de l’Etat dans la mise en œuvre des politiques de santé. Plusieurs illustrations peuvent en être trouvées. Les ARS se voient ainsi dotées d’une mission de gestion du

1 Décret n° 2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l’administration centrale des ministères chargés des affaires sociales et portant création d’une direction générale de la cohésion sociale.

risque traditionnellement exercée par l’assurance maladie. Dans le secteur médico-social, la création de la procédure d’appel à projets conduit à la mise en place d’un processus d’allocation des ressources descendant au détriment du système préexistant fondé sur la remontée d’initiatives portées par les acteurs locaux.

Cette évolution a pu déstabiliser les partenaires des ARS, notamment les élus. Alors qu’elle devait s’accompagner d’un renforcement de la subsidiarité dans le pilotage du système de santé, la création des ARS a pu être paradoxalement vécue comme une forme de recentralisation.

b) Renforcer la territorialisation des politiques de santé

Comme les ARH, les 26 agences correspondent au découpage administratif des régions. La loi prévoit également la possibilité de créer par décret des structures interrégionales1.

Dans la majorité des régions, les territoires de santé, qui avaient été créés en 2003, ont été redéfinis sur des bases nouvelles, le souci de transversalité avec le secteur médico-social conduisant plus fréquemment à faire le choix de territoires départementaux ou regroupant plusieurs départements2. Dans huit régions, ce sont les bassins de vie, les zones d’emploi, les pays, les flux hospitaliers ou ambulatoires ou les intercommunalités qui ont servi de base à la définition des territoires de santé. Au final, le nombre de territoires de santé est passé de 159 à 108. C’est à partir de ce découpage qu’ont été créées les conférences de territoire, premiers niveaux de démocratie sanitaire.

Les territoires de santé et les conférences de territoire Article L. 1434-16 du code de la santé publique

L’agence régionale de santé définit les territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d’équipement des établissements de santé, de prise en charge et d’accompagnement médico-social ainsi que pour l’accès aux soins de premier recours. Les territoires de santé peuvent être infrarégionaux, régionaux ou interrégionaux.

Ils sont définis après avis du représentant de l’Etat dans la région, d’une part, de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, d’autre part et, en ce qui concerne les activités relevant de leurs compétences, des présidents des conseils généraux de la région.

Les territoires interrégionaux sont définis conjointement par les agences régionales concernées, après avis du représentant de l’Etat dans chaque région et, en ce qui concerne les activités relevant de leurs compétences, des présidents des conseils généraux compétents sur ces territoires.

1 Article L. 1431-3 du code de la santé publique. L’ARS Océan indien a compétence pour La Réunion et Mayotte.

2 Selon l’étude précitée de l’Irdes, sept régions ont maintenu la définition adoptée pour la troisième génération précédente de Sros. Au final, douze régions ont un découpage départemental, cinq ont un découpage supra-départemental et neuf ont un découpage infra-départemental.

Article L. 1434-17 du code de la santé publique

Dans chacun des territoires mentionnés à l’article L. 1434-9, le directeur général de l’agence régionale de santé constitue une conférence de territoire, composée de représentants des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné, dont les usagers du système de santé.

La conférence de territoire contribue à mettre en cohérence les projets territoriaux sanitaires avec le projet régional de santé et les programmes nationaux de santé publique.

La conférence de territoire peut faire toute proposition au directeur général de l’agence régionale de santé sur l’élaboration, la mise en œuvre, l’évaluation et la révision du projet régional de santé.

La mise en œuvre du projet régional de santé peut faire l’objet de contrats locaux de santé conclus par l’agence, notamment avec les collectivités territoriales et leurs groupements, portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l’accompagnement médico-social.

Un décret détermine la composition et le mode de fonctionnement des conférences de territoire.

Les territoires de santé ne correspondent donc pas nécessairement aux délégations territoriales. Comme le prévoit l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, celles-ci sont créées dans les départements, ce qui apparaît cohérent avec la nature de leurs missions. Les délégations territoriales jouent en effet un rôle d’interface entre les ARS et les acteurs territoriaux, en particulier au niveau du département, qu’il s’agisse des conseils généraux pour la régulation du secteur médico-social ou des préfectures pour les questions de sécurité et de veille sanitaires.

c) Assurer le décloisonnement des prises en charge

Les ARS sont chargées d’assurer un pilotage unifié de quatre secteurs distincts que sont l’hôpital, la médecine de ville, le médico-social et la santé publique, à laquelle sont associées les missions de veille et de sécurité sanitaires. Cet objectif de décloisonnement constitue la pierre angulaire de la réforme des ARS qui doivent prendre en charge de manière transversale et globale des politiques auparavant éparpillées.

Pour ce faire, la loi prévoit notamment la création de deux commissions de coordination chargées d’assurer « la cohérence et la complémentarité » des politiques menées par l’ARS et par ses différents partenaires. Ces commissions doivent associer les services de l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les organismes de sécurité sociale. L’une d’entre elles est compétente dans le secteur médico-social, l’autre sur les sujets de prévention, de santé scolaire, de santé au travail et de protection maternelle et infantile.

3. Un statut adapté à la poursuite de ces trois objectifs