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A. DES STRUCTURES INÉDITES DANS LE PAYSAGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS

1. Le fruit d’une évolution administrative engagée de longue date

agences régionales de santé (ARS) sont néanmoins le fruit d’une évolution engagée de longue date en matière de planification sanitaire et de territorialisation des politiques de santé, longtemps centrée sur l’offre de soins hospitaliers.

a) La régionalisation progressive des outils de planification et de régulation Les prémisses d’une sectorisation de l’offre de soins apparaissent au cours des années 1960 dans le domaine de la psychiatrie. La loi du 31 décembre 1970, qui crée le service public hospitalier, instaure quant à elle la carte sanitaire de la France. Ce document de planification de l’offre d’équipements hospitaliers est défini par le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale en tenant compte de « l’importance et de la qualité de l’équipement public et privé existant, ainsi que de l’évolution démographique et du progrès des techniques médicales »1. Le territoire est alors divisé en 21 régions et 256 secteurs sanitaires. Les autorisations et agréments délivrés par le préfet doivent respecter l’évaluation des besoins issue de la carte sanitaire.

Ce dispositif de régulation vise à assurer une évolution plus équilibrée et homogène du parc hospitalier après plusieurs années de développement soutenu mais inégalement réparti sur le territoire. Les résultats demeurent cependant mitigés. Comme le souligne une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) publiée en avril 2012, « ce premier outil de planification sanitaire s’avère très quantitatif et rigide. Il vise davantage les principes d’égalité que d’équité. Basé sur l’offre hospitalière existante, la carte sanitaire ne permet pas une réelle restructuration de l’offre de soins hospitalière ni une réduction du trop-plein »2.

La loi du 31 juillet 1991 complète la carte sanitaire par un nouvel outil de planification, le schéma régional d’organisation sanitaire (Sros), défini pour une durée maximale de cinq ans à partir d’une « mesure des besoins de la population et de leur évolution, compte tenu des données démographiques et des progrès des techniques médicales et après une analyse,

1 Article 44 de la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.

2 Irdes, Questions d’économie de la santé : « Le territoire, un outil d’organisation des soins et des politiques de santé ? », n° 175, avril 2012.

quantitative et qualitative, de l’offre de soins existante »1. Cette loi, qui crée également les comités régionaux de l’organisation sanitaire et sociale, fait de la région le territoire de référence de l’organisation du système de santé.

La réforme conduit à la redéfinition des secteurs, dont le nombre est réduit à 152, sur la base de données plus fines que celles utilisées pour la carte sanitaire même si le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) n’est pas encore exploitable. La mise en place de ce dernier en 1997 et l’activité des observatoires régionaux de santé (ORS), créés dans les années 1980, contribuent à une meilleure connaissance, d’une part, de l’activité des établissements sanitaires, d’autre part des inégalités de santé et d’accès aux soins sur les territoires. Trois générations de Sros se sont succédé entre 1994 et 2011 : la première couvre la période 1994-1999, la deuxième s’étend de 1999 à 2004 et la dernière de 2006 à 2011.

En 1998, la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions ajoute aux documents de planification existants les programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins2.

L’ordonnance du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé supprime la carte sanitaire et remplace les secteurs par des territoires de santé3. 159 territoires sont définis sur la base d’instructions ministérielles invitant à dépasser les limites administratives traditionnelles pour mieux prendre en compte les spécificités des territoires. Les objectifs quantifiés de l’offre de soins (Oqos) sont fixés dans ces territoires de santé. Le Sros devient l’unique outil d’une planification : il s’étend au-delà de la seule offre de soins hospitaliers et intègre la psychiatrie. Des conférences sanitaires de territoire doivent contribuer à la mise en œuvre de projets médicaux de territoire.

b) L’affirmation de structures de pilotage et de concertation au niveau régional En 1993, un groupe de travail présidé par Raymond Soubie rédige pour le compte du commissariat général du plan un rapport sur le système de santé à l’horizon 20104. L’objectif est alors de proposer un modèle d’organisation défini par les auteurs eux-mêmes comme « utopique » car s’abstrayant volontairement de certaines pesanteurs historiques relatives à l’organisation du système de santé. Plus que l’applicabilité immédiate des mesures proposées, c’est la définition des conditions de mise en œuvre d’une réforme structurelle permettant de dessiner une vision de long terme de l’organisation du système de santé qui est privilégiée.

1 Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.

2 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.

3 Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d’établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation.

4 Groupe « Prospective du système de santé » présidé par Raymond Soubie, Commissariat général du plan, « Santé 2010 », juin 1993.

Le rapport appelle notamment à une clarification des responsabilités respectives de l’Etat et de l’assurance maladie ainsi qu’à une démocratisation du pilotage du système de soins. Il recommande que soient fixés chaque année, après concertation, des objectifs d’évolution des dépenses de soins qui puissent donner lieu à un vote par le Parlement. Ces préoccupations trouveront un premier écho dans la révision constitutionnelle du 22 février 1996 créant les lois de financement de la sécurité sociale. Une agence régionale des services de santé (ARSS) serait

« responsable de la tenue des objectifs définis pour sa région en matière de dépenses au niveau national »1. Les missions de santé publique continueraient d’être exercées par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass), créées en 1977, et par leurs déclinaisons départementales, les Ddass.

Nombre des enjeux relatifs au fonctionnement actuel des ARS sont abordés dans le rapport : les relations entre le conseil d’administration et le directeur de l’agence, nommé par l’Etat sur proposition du président du conseil d’administration ; la façon dont tous deux seraient amenés à rendre compte de leurs actions ; le recentrage des administrations centrales sur des missions de pilotage stratégique ; l’accompagnement et la formation des personnels ; le partage des compétences entre les agences et le préfet de région. Autant d’éléments aujourd’hui centraux pour assurer sur le long terme le succès de la mise en place des nouvelles agences.

Les ordonnances dites « Juppé » du 24 avril 1996 créent les Unions régionales des caisses d’assurance maladie (Urcam), les conférences régionales de santé et les agences régionales de l’hospitalisation (ARH)2. Cette réforme, si elle contribue à affirmer la place de la région dans l’organisation du système de santé, reproduit à cet échelon la dichotomie déjà présente au niveau national entre régulation des soins de ville, compétence de la caisse nationale d’assurance maladie (Cnamts), et régulation du système hospitalier, dont la responsabilité incombe à l’Etat.

Organisées sous la forme de groupements d’intérêt public (GIP), les ARH doivent garantir en leur sein une représentation équilibrée de l’Etat et de l’assurance maladie. Conçues comme des administrations de « mission », les ARH sont des structures légères et souples, davantage dotées d’un rôle d’impulsion et de coordination que d’une réelle capacité de pilotage sur les territoires. De fait, elles disposent en propre d’un nombre limité de personnels et doivent faire appel aux moyens humains de l’Etat et de l’assurance maladie pour exercer leurs missions.

D’autres structures de niveau régional sont créées au fil des années.

En 2002, la loi sur les droits des malades prévoit la mise en place de conseils régionaux de la santé et de commissions régionales de conciliation et

1 Ibid. p. 79.

2 Ordonnances n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l’organisation de la sécurité sociale et n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée.

d’indemnisation1. La loi du 13 août 2004 crée les missions régionales de santé (MRS), constituées entre les ARH et les Urcam afin de leur permettre de traiter en commun un certain nombre de sujets, notamment en matière de gestion du risque ou de démographie médicale2. Sont constitués à la même époque les groupements régionaux de santé publique (GRSP), chargés de mettre en œuvre les programmes de santé contenus dans les programmes régionaux de santé publique3. Ces structures associent l’Etat, les collectivités territoriales et l’assurance maladie autour des enjeux relatifs à la prévention et à la santé publique.

Cette affirmation du niveau régional dans la gouvernance du système de santé n’a en revanche pas conduit à un renforcement des compétences des conseils régionaux dans ce domaine, sans doute en partie en raison du caractère relativement jeune de cet échelon de collectivités territoriales et de la place centrale qu’y occupent les missions relatives à l’emploi et au développement économique. Aujourd’hui encore, les actions des régions en matière de santé demeurent relativement ponctuelles.

Principales compétences des régions dans le domaine de la santé Article L. 4 221-1 du code général des collectivités territoriales

Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région. Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et sur tous les objets d’intérêt régional dont il est saisi. Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire. […]

Article L. 1424-1 du code de la santé publique

Dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, le conseil régional peut définir des objectifs particuliers à la région en matière de santé. Il élabore et met en œuvre les actions régionales correspondantes. Il informe le représentant de l’Etat dans la région et le directeur général de l’agence régionale de santé sur le contenu de ces actions et les moyens qu’il y consacre.

La réflexion sur la création d’un dispositif de pilotage unifié du système de santé au niveau régional a continué de prospérer dans le courant des années 2000. En témoignent deux propositions de loi examinées en 2000 et 2002 par l’Assemblée nationale4 ainsi que la loi du 13 août 2004 qui prévoyait la possibilité de créer à titre expérimental des ARS, dotées des compétences des Urcam et des ARH.

1 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

2 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

3 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

4 Propositions de loi de M. Jean-Luc Préel n° 2657 relative à la régionalisation du système de santé, Assemblée nationale, 18 octobre 2000, et n° 128 tendant à instaurer une régionalisation de la santé, Assemblée nationale, 24 juillet 2002.

L’ensemble de ces évolutions tendait assez naturellement à aboutir à la création d’une structure unique, dotée de compétences larges et transversales et capable d’appréhender l’ensemble du parcours de santé des patients. La loi HPST du 21 juillet 2009 a donc opéré une réforme longuement murie mais d’une toute autre ampleur que les précédentes1.