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B. DES BOULEVERSEMENTS PROFONDS DONT L’ENSEMBLE DES

3. Une gestion des ressources humaines balbutiante

Evoquant la question de la gestion des ressources humaines au sein des ARS, le rapport Ritter soulignait que « l’ambition de cette réforme est aussi de donner aux personnels de l’Etat comme de l’assurance maladie un cadre leur permettant de valoriser pleinement leurs compétences et leur engagement pour le service public de santé ». Il estimait également « impératif que les personnels, de l’Etat comme de l’assurance maladie, trouvent leur compte dans la mise en place des ARS, notamment en matière de mobilité professionnelle ».

1 Appel à candidatures large publié dans la presse ; sélection par un cabinet spécialisé puis par un comité ad hoc au sein des ministères.

Ces objectifs sont encore loin d’être atteints. Vos rapporteurs sont en effet frappés par l’ambivalence des discours relatifs à la gestion des ressources humaines depuis la création des ARS. A l’enthousiasme dont témoignent l’essentiel des personnels de direction pour l’exercice de missions rénovées au sein de structures administratives innovantes répond un sentiment de malaise profond relayé par les représentants des salariés.

a) Des enjeux difficiles dans un contexte d’évolution contrainte des effectifs

(1) Faire travailler ensemble personnels de l’Etat et de l’assurance maladie Le choix fait par la loi HPST a conduit à affecter les agents de l’Etat et de l’assurance maladie depuis leurs structures d’origine vers les ARS lorsque leurs missions correspondaient au champ de compétences des agences nouvellement créées. Il s’agit par conséquent d’un transfert automatique et non de mouvements fondés sur le volontariat qui auraient pris la forme de mises à disposition ou de détachements au sein d’une structure nouvelle disposant d’un statut propre pour ses personnels. La loi HPST autorise également le directeur général de l’ARS à recruter des contractuels de droit public. Il s’agit pour l’essentiel des personnels exerçant des fonctions de direction.

A l’exception des contractuels de droit public, les agents des ARS conservent leur statut d’origine. Ils demeurent régis, soit par le statut de la fonction publique d’Etat, soit par l’une des neuf conventions collectives applicables aux personnels de l’assurance maladie1. En pratique, cela signifie que les principales décisions relatives à leur carrière ne relèvent pas des ARS. Pour les agents de l’Etat, les mutations, avancements de grade ou promotions de corps dépendent de la direction des ressources humaines ministérielle et sont discutés en commission administrative paritaire.

La coexistence de deux statuts est en premier lieu source de lourdeur et de complexité dans la gestion des ressources humaines. S’y ajoutent deux types de difficultés qui se cumulent et s’alimentent. D’une part, des différences de salaires ou d’organisation du temps de travail persistent entre personnels d’origine différente, même lorsqu’ils exercent des missions équivalentes. D’autre part, les marges de manœuvre dont pourraient disposer les ARS pour limiter ces divergences et plus largement mener une politique de ressources humaines autonome sont fortement limitées par les règles qui entourent le statut de la fonction publique et le cadre conventionnel. Les ARS sont en outre contraintes de respecter la répartition initiale des personnels au sein des ARS (83 % de personnels de l’Etat et 17 % de personnels de l’assurance maladie), cette règle ayant été fixée dans les Cpom qu’elles ont conclus avec l’Etat.

1 Trois conventions collectives sont actuellement applicables pour chacun des régimes (régime général, MSA et RSI) : employés et cadres ; praticiens conseils ; agents de direction.

Lors de son audition, Christophe Jacquinet, ancien président du collège des directeurs généraux d’ARS a résumé, de manière diplomatique, les difficultés qu’entraîne cette coexistence : « Cela crée, il est vrai, une complexité juridique et limite l’autonomie dont disposent les ARS pour effectuer des recrutements ou définir les modalités d’évolution des carrières. Faut-il espérer autre chose ? Nous n’avons pas la réponse à cette question. A partir du moment où la loi n’a pas prévu de statut spécifique pour les ARS, il nous appartient de respecter le cadre fixé au plan national. Au-delà de la complexité juridique que crée cette diversité des statuts, il existe également une difficulté en termes de gestion des ressources humaines. Nos agences doivent être capables d’accompagner les évolutions du système de santé telles qu’elles sont définies dans la stratégie nationale de santé. De ce point de vue, le manque de flexibilité dans la gestion des personnels peut rendre plus long l’accompagnement de ces évolutions ».

(2)Exercer des missions élargies dans un contexte de diminution du plafond d’emplois

A ces complexités de gestion s’ajoute le cadre budgétaire particulièrement contraint dans lequel ont été mises en place les ARS. Tout comme l’ensemble des administrations publiques et des opérateurs de l’Etat, les agences participent à l’effort de maîtrise des finances publiques qui se traduit par une diminution de leurs budgets de fonctionnement et par une réduction des effectifs qui leur sont alloués.

Retracé chaque année dans les documents budgétaires annexés à la loi de finances1, le plafond d’emplois des ARS est passé de 9 591 équivalents temps plein (ETP) en 2010 à 9 281 en 2012, soit une diminution de plus de 3 % sur la période. Au 31 décembre 2012, 9 452 personnes travaillaient au sein des ARS représentant un total de 8 897 ETP, le plafond ayant été fixé pour cette année-là à 9 281 ETP. Cette diminution devrait se confirmer en 2013 puis 2014.

Evolution du plafond d’emplois alloué aux ARS sur la période 2010-2014

En ETP 2010 2011 2012 2013 2014

Prévisions en loi de finances initiale 9 591 9 447 9 281 9 038 8 888

Réalisation 8 933 8 954 8 897 _ _

Source : Projets annuels de performances annexés aux PLF 2011 à 2014

1 Programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du budget de l’Etat.

Les ARS, structures nouvelles et installées dans une certaine précipitation, sont ainsi placées dans la situation de devoir déjà faire mieux avec moins de moyens. Elles doivent en outre s’approprier un champ de compétences élargi qui aurait nécessité une réflexion approfondie sur l’adaptation des ressources humaines aux missions exercées. Le programme

« Stars » évoqué précédemment devrait contribuer à alimenter cette réflexion dont on peut estimer qu’elle aurait dû être entamée bien plus en amont compte tenu des changements structurels qu’engendrait la création des ARS.

Dans les réponses écrites qu’il a communiquées à vos rapporteurs, le collège des directeurs généraux d’ARS souligne d’ailleurs l’importance des enjeux relatifs à l’adaptation des moyens humains aux missions exercées : « l’absence de décisions à ce titre risquerait de conduire soit à des difficultés sociales (burn out, mal-être au travail) soit à des défaillances dans la conduite des missions. Il s’agit d’un sujet prioritaire et urgent ».

b) Un sentiment de malaise profond chez les personnels

Dans ce contexte, l’émergence d’une identité professionnelle propre aux ARS est rendue particulièrement difficile. Les cultures professionnelles, les habitudes en termes d’organisation du travail, sont en effet différentes. L’absence d’alignement entre les personnels, notamment en termes de rémunération, est source de frustration car légitimement perçu comme une forme d’inégalité de traitement.De surcroît, certains personnels, en particulier de l’assurance maladie, coupés de leur structure d’origine, peinent à véritablement percevoir leur intégration au sein des ARS comme une opportunité de carrière. Or, selon plusieurs personnes auditionnées, l’union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss) n’assure pas un suivi suffisant et dynamique des personnels affectés au sein des ARS.

Le malaise est particulièrement prononcé chez certaines catégories de personnels pour qui l’intégration dans les ARS est également synonyme d’une évolution profonde de la façon dont ils doivent exercer leurs missions. C’est en particulier le cas des médecins et des pharmaciens inspecteurs de santé publique. Alors qu’ils avaient pris l’habitude de développer de façon relativement autonome une expertise propre dans un domaine déterminé, ils sont aujourd’hui amenés à devoir exercer des missions beaucoup plus transversales de conduite de projets. Ils passent alors d’un statut d’expert à celui de manager sans avoir été en mesure d’anticiper correctement ce changement.

Tous les métiers des ARS sont touchés à un degré plus ou moins fort par cette évolution qui ne fait en réalité que refléter la logique même qui a présidé à la création des agences. Une mutation profonde est en cours dans la manière d’exercer les missions et les métiers. Ainsi que l’a souligné l’ancien secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, Denis Piveteau, lors de son audition, « il s’agit de concevoir de nouveaux métiers au sein de l’administration : organiser un parcours, entrer en dialogue avec des collectivités territoriales et des professionnels de santé ou encore animer des

créations de projets ». Or pour que cette évolution soit pleinement intégrée, il aurait fallu que les personnels, déjà affectés par le changement de structure, soient suffisamment préparés et accompagnés en ce sens.

Une enquête a été lancée en 2011 pour mesurer le degré d’exposition des personnels aux risques psychosociaux1. Ses résultats, dont les

Principaux résultats de l’enquête réalisée pour le ministère des affaires sociales et de la santé sur les risques psychosociaux

Indicateurs de risques

Source : Annexe à la circulaire du 6 mai 2013

1 Enquête lancée en 2011 par la direction des ressources humaines du ministère des affaires sociales et de la santé auprès des personnes travaillant en administration centrale, dans les DRJSCS et les DDCS, dans les ARS et leurs délégations territoriales ainsi que dans les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (Creps). Elle est fondée sur les réponses fournies à trois types de questionnaires : le questionnaire Karasek (évaluation du niveau de stress professionnel), le questionnaire de Siegrist (appréciation de l’opinion que se fait un agent du niveau de reconnaissance qu’il obtient compte tenu de son investissement au travail), le questionnaire « hospital anxiety depression scale » (évaluation du niveau d’anxiété et de dépression). Le taux de participation s’est élevé à 46,2 %.

La publication, le 6 mai 2013, d’une circulaire sur les conditions de travail traduit certes une prise de conscience de la part du ministère : « les enseignements de l’enquête sur le vécu au travail confirment bien une situation parfois critique dans les établissements qui, faute de politique de prévention adaptée, pourrait entraîner des conséquences très dommageables pour le bien-être au travail des agents et pour le bon fonctionnement du service public »1. La circulaire se borne cependant à rappeler les obligations législatives et réglementaires qui pèsent sur les directeurs généraux sans dégager de ligne forte quant à la mise en place d’une véritable stratégie de prévention et de prise en charge des risques psycho-sociaux.

Or vos rapporteurs estiment que répondre au mal-être voire à la perte de repères à laquelle sont confrontés les personnels doit aujourd’hui constituer une priorité pour les ARS et les acteurs du pilotage national.

Dans son rapport publié en 2012, la Cour des comptes a clairement posé la question de la création d’un statut propre aux ARS : « si elle pouvait se justifier au moment de la création des ARS, la question de la pérennité d’une situation caractérisée par la coexistence de statuts différents se pose non seulement en termes de climat interne et de lourdeur de gestion, mais d’évolution des profils nécessaires à l’exercice des missions ». Si la création d’un statut propre aux ARS pourrait à long terme apparaître comme la solution la plus rationnelle, vos rapporteurs considèrent qu’elle risque, dans l’immédiat, de déstabiliser encore davantage des personnels qui demeurent très attachés à leurs structures d’origine.

Il est par conséquent nécessaire d’agir dès à présent à partir de l’existant : travailler de façon poussée à l’harmonisation des conditions de travail, engager une véritable politique de prévention des risques psychosociaux, renforcer la formation des personnels et améliorer la fluidité des parcours. De telles évolutions sont indispensables pour faire véritablement des ARS des « maisons communes » dans lesquelles l’ensemble des personnels puissent se sentir valorisés et correctement intégrés.

c) Affirmer la place des institutions représentatives du personnel

Si les ARS ne disposent que de marges de manœuvre limitées pour engager des négociations avec le personnel, le bon fonctionnement des instances représentatives du personnel est d’autant plus important.

La mise en place des instances chargées d’assurer le dialogue social a été fréquemment jugée trop tardive. Elles semblent cependant aujourd’hui fonctionner de façon satisfaisante et se réunissent à un rythme régulier.

1 Circulaire DRH/DRH2D n° 2013-199 du 6 mai 2013 portant actualisation des orientations ministérielles en matière d’amélioration des conditions de travail.

Les institutions représentatives du personnel au sein des ARS

Le comité d’agence exerce les missions de type « comité d’entreprise », connaît des questions relatives à l’organisation et aux conditions générales de fonctionnement de l’agence ainsi qu’aux activités économiques et professionnelles de l’agence, assure, contrôle et participe à la gestion de toute activité sociale et culturelle.

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) contribue à la protection de la santé et de la sécurité notamment des travailleurs de l’établissement et à l’amélioration des conditions de travail.

Des délégués syndicaux sont désignés par les organisations syndicales représentatives.

Les délégués du personnel représentent les agents de droit privé régis par les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale.

Le comité national de concertation (CNC) permet de faire vivre le dialogue social au niveau central. Il est présidé par les ministres chargés de la santé, de l’assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées ou, à défaut, par le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales. Il est composé de dix-sept représentants des personnels des ARS, de deux directeurs généraux, du directeur des ressources humaines du ministère de la santé, du directeur de l’Ucanss et de celui de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam). Selon le bilan social des ARS réalisé pour l’année 2012, le CNC s’est réuni six fois en 2012 contre cinq en 2011.

Ses pouvoirs demeurent cependant limités puisque l’article R. 1432-125 du code de la santé publique le définit comme « une instance d’information et de débat ». En particulier, il : « 1° Débat de la politique et de la gestion des ressources humaines ainsi que des conditions d’exercice du dialogue social dans les agences régionales de santé ; 2° Est informé des orientations pluriannuelles des politiques menées par les agences, de leurs objectifs avec les indicateurs associés et de leurs moyens de fonctionnement ; 3° Est destinataire, chaque année, d’un rapport d’activité et d’un bilan social du réseau des agences régionales de santé ». Ces attributions ne lui permettent donc pas de jouer un véritable rôle d’impulsion et d’orientation en matière de gestion des ressources humaines au sein des ARS. Vos rapporteurs jugent nécessaire d’agir sur ce point en modifiant en ce sens les missions confiées au comité national de concertation.

Propositions

• Faire vivre pleinement les instances représentatives du personnel dans les ARS et donner un rôle plus actif au comité national de concertation.

• Utiliser les marges de manœuvre dont disposent les ARS dans les négociations collectives pour aller plus loin dans l’harmonisation des statuts des agents.

• Inciter l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss) à mieux prendre en compte ses agents affectés dans les ARS et envisager la possibilité de mettre en place une convention collective unique en remplacement des neuf existantes.

• Améliorer la fluidité des parcours professionnels entre les ARS et les structures d’origine pour que les agences soit véritablement perçues comme une opportunité dans la carrière.

• Engager une véritable politique de prévention des risques psycho-sociaux pour contrer le sentiment de mal-être exprimé par un grand nombre d’agents.

• Renforcer les politiques de formation et d’accompagnement des personnels dans l’évolution de leurs métiers.

• Evaluer précisément l’intérêt de créer un statut unique pour les agents des ARS.

UN PILOTAGE ET UNE GOUVERNANCE NETTEMENT PERFECTIBLES

II. UN DISPOSITIF DE PILOTAGE NATIONAL ET DE GOUVERNANCE NETTEMENT PERFECTIBLE