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B. LA GOUVERNANCE DES ARS : LE POIDS DE LA TECHNOSTRUCTURE ET LA

2. Une démocratie sanitaire qui doit encore affirmer sa place

a) La conférence régionale de la santé et de l’autonomie et les conférences de territoire : une évolution majeure prometteuse qui doit être confortée A partir des années 1980, plusieurs crises sanitaires ont vu l’émergence d’associations regroupant des malades et leurs familles et demandant une plus grande transparence dans le fonctionnement du monde médical et une participation à la définition et à l’organisation de la politique de santé. De là est né le concept de démocratie sanitaire qui regroupe deux aspects complémentaires :

- l’approche individuelle : le droit de chaque personne à accéder aux informations la concernant, qui induit le recueil de son consentement ou un droit à la réparation des accidents médicaux ;

- l’approche collective qui concerne la participation des usagers ou des patients dans les instances de santé, tant au niveau de la définition des politiques publiques que de leur mise en œuvre sur le terrain.

Le titre II de la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé1 s’intitule ainsi « Démocratie sanitaire » et regroupe diverses dispositions relatives aux droits de la personne, aux droits et responsabilités des usagers, à la participation des usagers au fonctionnement du système de santé et aux responsabilités des professionnels de santé. Cette loi a également regroupé en un seul conseil régional de santé plusieurs instances consultatives préexistantes mais éparses. De son côté, la loi de 2004 relative à la politique de santé publique2 a redéfini l’organisation et les compétences de ce conseil.

La loi HPST crée les conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA), instances de démocratie sanitaire et lieux privilégiés de la concertation, dont le champ de compétence est élargi pour couvrir l’ensemble des enjeux de santé.

Article L. 1432-4 du code de la santé publique

La conférence régionale de la santé et de l’autonomie est un organisme consultatif composé de plusieurs collèges qui concourt, par ses avis, à la politique régionale de santé.

Sont notamment représentés au sein de ces collèges les collectivités territoriales, les usagers et associations œuvrant dans les domaines de compétence de l’agence régionale de santé, les conférences de territoire, les organisations représentatives des salariés, des employeurs et des professions indépendantes, les professionnels du système de santé, les organismes gestionnaires des établissements et services de santé et médico-sociaux, les organismes de protection sociale.

1 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.

2 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004.

L’agence régionale de santé met à la disposition de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie des moyens de fonctionnement.

La conférence régionale de la santé et de l’autonomie peut faire toute proposition au directeur général de l’agence régionale de santé sur l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique de santé dans la région. Elle émet un avis sur le plan stratégique régional de santé. Elle organise en son sein l’expression des représentants des usagers du système de santé. Elle procède à l’évaluation des conditions dans lesquelles sont appliqués et respectés les droits des personnes malades et des usagers du système de santé, de l’égalité d’accès aux services de santé et de la qualité des prises en charge.

Elle organise le débat public sur les questions de santé de son choix.

Les avis de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie sont rendus publics. […]

L’article D. 1432-28 du code de la santé publique précise la composition de la CRSA qui rassemble « cent membres au plus ayant voix délibérative », regroupés en huit collèges :

- au minimum 10 représentants des collectivités territoriales (3 du conseil régional ; 3 des groupements de communes ; 3 des communes ; tous les présidents de conseil général) ;

- 16 représentants des usagers ;

- 4 représentants des conférences de territoires ; - 10 représentants des partenaires sociaux ;

- 6 acteurs de la cohésion et de la protection sociales (associations et représentants désignés par la Carsat, la Caf et la mutualité française) ;

- 9 acteurs de la prévention et de l’éducation pour la santé ; - 34 représentants des offreurs de soins ;

- 2 personnalités qualifiées.

Ainsi, dans une région comportant trois départements, 93 personnes siègent à la CRSA et, au minimum (dans les régions d’outre-mer puisqu’elles sont monodépartementales), elle regroupe 91 personnes. Cette composition pléthorique est cependant le reflet de la diversité des acteurs intéressés par l’organisation du système de santé et par les questions sanitaires et médico-sociales en général. Elle assure une représentativité étendue de la conférence.

Contrairement au conseil de surveillance, les compétences de la CRSA sont vastes puisqu’elle peut notamment faire toute proposition au directeur général de l’ARS sur l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique de santé dans la région.

Elle organise ses travaux au sein de quatre commissions spécialisées obligatoires : prévention ; organisation des soins ; prises en charge et accompagnements médico-sociaux ; droits des usagers du système de santé. Elle peut également constituer des groupes de travail permanents.

Une commission permanente exerce les attributions de la CRSA en dehors des séances plénières.

Par ailleurs, l’article L. 1434-17 prévoit la constitution, dans les territoires de santé définis par les ARS, d’une conférence de territoire aux compétences larges, particulièrement chargée de contribuer à « mettre en cohérence les projets territoriaux sanitaires avec le projet régional de santé et les programmes nationaux de santé publique ». Elle peut faire toute proposition sur l’élaboration, la mise en œuvre, l’évaluation et la révision du projet régional de santé.

Sur le terrain, les pratiques et le fonctionnement des CRSA sont hétérogènes selon les régions et dépendent assez largement de la volonté des équipes des ARS et de l’engagement de leurs membres. Plusieurs difficultés sont apparues :

- la lourdeur des procédures et des documents sur lesquels les CRSA sont amenées à délibérer ;

- le manque de moyens ;

- le déficit de formation, y compris sur la manière de conduire ou animer des réunions ;

- l’intrusion de certaines ARS dans le fonctionnement et les choix des CRSA.

En outre, la diversité de fonctionnement est encore plus grande pour les conférences de territoire, certaines ne se réunissant jamais, d’autres ayant trouvé des sujets d’intérêt complémentaires à ceux des CRSA. Pour autant, on note une quasi-absence d’articulation entre les CRSA et les conférences de territoire et, surtout, une grande mobilisation d’énergie pour un intérêt encore limité. La démocratie sanitaire repose sur des bénévoles dont le temps est naturellement limité, qu’ils soient retraités ou encore dans la vie professionnelle. De ce fait, il faut s’interroger pour savoir si les conférences de territoire doivent rester obligatoires partout. Eviter la dispersion des énergies ne peut que renforcer la démocratie sanitaire.

Toutefois, vos rapporteurs estiment que des conférences équivalentes devraient pouvoir être créées lorsqu’est signé un contrat local de santé (CLS). Dans ce cas, il existe réellement un projet de territoire porté à la fois par l’ARS, les collectivités locales et leurs groupements ; la participation des acteurs de la société civile pourrait utilement compléter la mise en place des CLS.

Durant la mise en place des ARS et des CRSA et au moment de la préparation du PRS, la nouvelle compétence d’organisation de débats publics n’a pu trouver pleinement son application. Ainsi, selon une enquête du CISS, un tiers des ARS ont procédé à des débats publics en 2011-2012. Or, ces débats constituent une innovation forte dont l’intérêt est double, descendant et ascendant : informer le public et diffuser des messages sur la politique sanitaire et médico-sociale ; entendre les réactions de ce même public et faire évoluer la décision politique. Vos rapporteurs estiment donc utile de développer la pratique des débats publics.

Plusieurs personnes auditionnées par la mission ont regretté le faible degré d’implication des collectivités territoriales dans les instances de démocratie sanitaire. Mais on peut noter que les collectivités sont associées aux politiques mises en place par l’agence dans les commissions spécialisées.

Surtout, tant les élus que les fonctionnaires peuvent difficilement participer à de multiples et longues réunions. Une meilleure participation des collectivités territoriales passe donc par une simplification des procédures pour alléger les temps de réunion et par une concentration de l’action des instances.

Enfin, le thème du renforcement de la démocratie sanitaire devra faire l’objet d’une approche globale dans le prochain projet de loi relatif à la stratégie nationale de santé qui est en préparation. Au-delà des seules ARS, la démocratie sanitaire doit en effet être confortée sur le plan national, en particulier via la Conférence nationale de santé, et dans les établissements sanitaires et médico-sociaux. Le rapport remis récemment à la ministre des affaires sociales et de la santé par Claire Compagnon1 servira de base aux recommandations du Gouvernement.

Propositions

• Fournir aux CRSA les moyens d’exercer leurs compétences de manière indépendante :

- assurer la formation de ses membres ;

- attribuer un budget global, géré de manière autonome ; - désigner les représentants au plus près des territoires.

• Conforter leur mission d’organisation de débats publics, notamment en élargissant le champ des débats à l’ensemble des compétences des ARS (y compris le médico-social)

• Alléger les obligations réglementaires des CRSA pour qu’elles s’organisent plus librement et plus simplement

1 « Pour l’an II de la démocratie sanitaire », 14 février 2014.

• Fixer des délais minimums d’examen et de consultation pour les avis qu’elles doivent rendre

• Evaluer l’intérêt des conférences de territoire :

- conduire une évaluation précise sur le rapport coût / bénéfice de ces structures, notamment en termes de temps passé par les acteurs locaux ;

- rendre leur constitution facultative mais prévoir d’organiser une telle conférence sur les territoires où existent des contrats locaux de santé tout en articulant mieux leurs travaux avec ceux des CRSA.

b) Les unions régionales des professionnels de santé : des instances fragiles

Article L. 4031-1 du code de la santé publique

Dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, une union régionale des professionnels de santé rassemble, pour chaque profession, les représentants des professionnels de santé exerçant à titre libéral. Ces unions régionales des professionnels de santé sont regroupées en une fédération régionale des professionnels de santé libéraux.

Les unions régionales des professionnels de santé et leurs fédérations sont des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Leurs statuts sont conformes à des statuts-types fixés par décret en Conseil d’Etat.

[…]

Article L. 4031-3

Les unions régionales des professionnels de santé et leurs fédérations contribuent à l’organisation et à l’évolution de l’offre de santé au niveau régional, notamment à la préparation du projet régional de santé et à sa mise en œuvre. Les unions régionales des professionnels de santé peuvent conclure des contrats avec l’agence régionale de santé et assurer des missions particulières impliquant les professionnels de santé libéraux dans les domaines de compétence de l’agence.

La loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professionnels de santé et l’assurance maladie avaient créé les URML, unions régionales des médecins libéraux. Les URML devaient contribuer à l’amélioration de la gestion du système de santé, ainsi qu’à la promotion de la qualité des soins. Elles avaient pour mission de participer à l’analyse du système de santé, de la médecine libérale, de l’épidémiologie et des besoins médicaux, à l’évaluation des comportements et des pratiques, à l’organisation et la régulation du système de santé, à la prévention et aux actions de santé publique, à la coordination avec les autres professionnels de santé, ainsi qu’à l’information et à la formation des médecins et usagers.

La loi HPST a élargi aux autres professionnels de santé libéraux cette organisation en créant les URPS, unions régionales de professionnels de santé. Les URPS contribuent à l’organisation de l’offre de santé régionale et participent notamment à la préparation et à la mise en œuvre du projet régional de santé, à l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins, à l’organisation de l’exercice professionnel, à des actions dans le domaine des soins, de la prévention, de la veille sanitaire, de la gestion des crises sanitaires, de la promotion de la santé et de l’éducation thérapeutique ou encore à la mise en œuvre du développement professionnel continu.

Les professions concernées sont les médecins, les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les chirurgiens-dentistes, les orthophonistes, les pédicures-podologues, les orthoptistes et les biologistes responsables.

Lors de leur déplacement en Corse, vos rapporteurs ont pu tenir une réunion de travail très intéressante avec les URPS de cette région. Ces instances peuvent constituer un interlocuteur utile de l’ARS pour le secteur des soins de ville mais certaines professions sont peu nombreuses en termes démographiques ce qui fait peser sur quelques personnes le poids du fonctionnement des Unions. Le bilan était plutôt « en demi-teinte » : l’URPS Infirmiers de Corse a par exemple eu le « sentiment d’avoir été spectateur d’une programmation chronométrée où la concertation était fictive » et a ressenti une

« très grande lourdeur administrative »

En outre, comme pour les CRSA ou les conférences de territoire, ces instances sont particulièrement chronophages tant pour préparer utilement les réunions de travail que pour y assister, surtout pour des professionnels libéraux en activité.

On peut espérer qu’une fois la phase de démarrage et d’adoption du PRS passée, les URPS pourront trouver une place dans l’organisation sanitaire régionale. Toutefois, cette question est intimement liée aux compétences et marges de manœuvre, aujourd’hui très réduites, des ARS en ce qui concerne les soins ambulatoires.

DES QUESTIONS DE PRINCIPE QUI RESTENT À RÉSOUDRE

III. DES QUESTIONS DE PRINCIPE QUI RESTENT À RÉSOUDRE