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B. LA GOUVERNANCE DES ARS : LE POIDS DE LA TECHNOSTRUCTURE ET LA

1. Le conseil de surveillance : une coquille vide ?

a) Sa composition : une surreprésentation de l’Etat et une présidence de droit par le préfet de région

Article L. 1432-3 du code de la santé publique

I. - Le conseil de surveillance de l’agence régionale de santé est composé : 1° De représentants de l’Etat ;

2° De membres des conseils et conseils d’administration des organismes locaux d’assurance maladie de son ressort dont la caisse nationale désigne les membres du conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. Pour les organismes relevant du régime général, ces membres sont désignés par des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel au sens de l’article L. 2122-9 du code du travail ;

3° De représentants des collectivités territoriales ;

4° De représentants des patients, des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi qu’au moins d’une personnalité choisie à raison de sa qualification dans les domaines de compétence de l’agence.

Des membres du conseil peuvent disposer de plusieurs voix.

Des représentants des personnels de l’agence, ainsi que le directeur général de l’agence, siègent au conseil de surveillance avec voix consultative.

Le conseil de surveillance est présidé par le représentant de l’Etat dans la région.

[…]

Selon l’article D. 1432-15 du code de la santé publique, le conseil de surveillance est composé de 25 membres :

- le préfet de région, président de droit ;

- 3 représentants de l’Etat (le recteur d’académie, le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, le préfet de département) ;

- 10 représentants de l’assurance maladie dont 8 représentants du régime général (5 des organisations de salariés et 3 des organisations patronales), le président de la caisse régionale de mutualité sociale agricole et le président de la caisse de base du régime social des indépendants ;

- 4 représentants des collectivités territoriales dont un conseiller régional, deux conseillers départementaux et un maire ;

- 3 représentants d’associations de patients, de personnes âgées et de personnes handicapées désignés par la CRSA ;

- 4 personnalités qualifiées désignées par les ministres compétents.

Siègent également au conseil de surveillance, avec voix consultative, deux représentants élus du personnel, le directeur général et l’agent comptable de l’agence, le trésorier-payeur général ou le directeur régional des finances publiques et le président de la CRSA.

En Ile-de-France, le Préfet de police de Paris siège au conseil de surveillance qui est donc composé de 26 membres.

Les membres du conseil disposent d’une voix mais le préfet de région et les autres représentants de l’Etat disposent chacun de trois voix : ainsi, les représentants de l’Etat totalisent 12 voix sur 33 (15 voix sur 36 en Ile-de-France), les personnalités qualifiées désignées par l’Etat de 4 voix et les autres membres du conseil de 17 (10 de l’assurance maladie, 4 élus locaux et 3 usagers). En outre, en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Ainsi, la composition actuelle du conseil de surveillance des ARS pose deux questions principales :

- la présidence de droit par le préfet de région.

Une telle présidence de droit pouvait peut-être rassurer les services de l’Etat et le corps préfectoral au moment de la création des agences et les auditions n’ont pas révélé de problème particulier sur ce point. Pour autant, l’intérêt d’un tel organe de délibération réside dans sa capacité à jouer le rôle de « contre-pouvoir » du directeur général, non pas dans le sens de la contestation de ses décisions ou de ses actions mais dans celui d’une délibération collégiale critique. C’est pourquoi il serait préférable de confier la présidence du conseil à un élu local, représentant démocratique des habitants du territoire ;

- la pondération des voix qui en attribue trois aux représentants de l’Etat et une aux autres membres du conseil.

Tout comme la présidence de droit, cette pondération avait fait débat durant l’examen de la loi HPST. Si l’on peut comprendre que l’Etat ait souhaité dégager ainsi une majorité quasi automatique, ce dispositif peut surprendre d’un point de vue démocratique et parait contradictoire avec la fonction délibérative du conseil.

b) Un rôle très limité

Article L. 1432-3 du code de la santé publique […]

Le conseil de surveillance approuve le budget de l’agence, sur proposition du directeur général ; il peut le rejeter par une majorité qualifiée, selon des modalités déterminées par voie réglementaire.

Il émet un avis sur le plan stratégique régional de santé, le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’agence, ainsi qu’au moins une fois par an, sur les résultats de l’action de l’agence.

Il approuve le compte financier.

Chaque année, le directeur général de l’agence transmet au conseil de surveillance un état financier retraçant, pour l’exercice, l’ensemble des charges de l’Etat, des régimes d’assurance maladie et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie relatives à la politique de santé et aux services de soins et médico-sociaux dans le ressort de l’agence régionale de santé concernée.

Il lui transmet également un rapport sur la situation financière des établissements publics de santé placés sous administration provisoire.

[…]

Le rôle du conseil de surveillance a également fait l’objet d’importantes discussions au moment de l’examen de la loi HPST. Il dispose schématiquement de deux compétences principales :

- le domaine financier.

Il « approuve le budget de l’agence » mais en fait il dispose d’une simple faculté de s’opposer à ce budget à la majorité des deux tiers1. Etant donné que les représentants de l’Etat disposent à eux seuls de 36 % des voix au conseil, cette disposition relative à l’approbation du budget n’a en pratique aucune portée et limite même l’intérêt d’un débat au sein du conseil…

Il approuve également le compte financier, sans qu’aucune autre précision ne soit apportée quant à cette compétence.

Il est également informé par le directeur général de l’ensemble des charges de l’Etat, de l’assurance maladie et de la CNSA relatives au champ de compétences de l’agence, ainsi que de la situation financière des établissements publics de santé placés sous administration provisoire.

1 L’article R. 1432-56 prévoit que « le budget de l’agence régionale de santé est approuvé par le conseil de surveillance de l’agence, sauf vote contraire à la majorité des deux tiers des voix des membres présents ou représentés. Lorsque le budget n’a pas été approuvé, le directeur général de l’agence soumet à nouveau au conseil de surveillance un projet de budget modifié dans un délai de quinze jours suivant la délibération de rejet. A l’expiration de ce délai, ou en cas de nouveau rejet, le budget est arrêté par décision conjointe des ministres chargés de la santé, de l’assurance maladie, des personnes âgées, des personnes handicapées et du budget. »

- la politique menée par l’agence.

Il émet un avis sur le plan stratégique régional de santé qui fixe les orientations et objectifs de santé pour la région mais ne représente que l’une des trois composantes du projet régional de santé. Ce dernier comporte en effet deux autres types de documents : des schémas régionaux (prévention, organisation des soins et organisation médico-sociale) ; des programmes spécifiques dont au minimum un pour l’accès aux soins des personnes les plus démunies et un autre relatif à la télémédecine.

Il émet également un avis sur le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’agence et, au moins une fois par an, sur les résultats de l’action de l’agence.

On le voit, le rôle du conseil de surveillance de l’agence est circonscrit dans les textes, tant dans son champ que dans ses conséquences, puisqu’il émet uniquement des avis sur la politique menée par l’agence. Les auditions ont cependant montré que les conseils de surveillance se sont saisis de sujets plus larges, allant ainsi au-delà de la seule lettre de la loi.

Pour autant, si la lettre de la loi ne suffisait pas, la partie réglementaire du code de la santé publique va plus loin : les ministres peuvent s’opposer aux délibérations du conseil ; dans ce cas, celui-ci délibère à nouveau dans le sens voulu par les ministres et s’il n’approuve pas la nouvelle délibération dans le délai d’un mois, elle est rendue exécutoire par les ministres1

La conjonction de l’ensemble de ces dispositions est peu prometteuse : le conseil ne peut que rejeter à la majorité des deux tiers le budget de l’agence, ce qui est d’ailleurs impossible dans sa composition actuelle ; les ministres peuvent s’opposer à toutes les délibérations qu’il prend, demander leur réforme et, si le conseil n’approuve pas la délibération modifiée, la rendre quand même exécutoire.

Si l’on peut comprendre que le conseil ne détienne pas le pouvoir

« exécutif » de l’agence qui reste une administration sous la responsabilité de l’Etat et non une autorité indépendante comme peut l’être la Haute Autorité de santé, ses compétences sont particulièrement restreintes. Or, face à un directeur général nommé en Conseil des ministres et disposant de pouvoirs étendus, il est indispensable d’établir de réels contre-pouvoirs, sans pour autant qu’ils puissent constituer une capacité d’obstruction.

1 Article D. 1432-26 : « I. - Les délibérations du conseil de surveillance sont exécutoires quinze jours après leur réception par les ministres chargés de la santé, de l’assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées, sauf opposition motivée des ministres dans ce délai. En cas d’opposition des ministres, le président du conseil de surveillance soumet à un nouvel examen du conseil la délibération modifiée pour tenir compte des motifs invoqués par les ministres. A défaut d’approbation par le conseil dans le délai d’un mois, la délibération modifiée peut être rendue exécutoire par décision conjointe des ministres chargés de la santé, de l’assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées. »

Il ne revient donc pas au conseil de gérer l’agence, donc de devenir un conseil « d’administration », mais il doit exercer des compétences réelles à même d’établir un véritable dialogue avec le directeur général. Si l’administration est naturellement réticente à accorder un réel pouvoir au conseil, vos rapporteurs estiment cependant légitime, après ces premières années de mise en place des agences, de faire confiance aux acteurs locaux.

Cette obligation démocratique passe à la fois par un rééquilibrage dans la composition du conseil de surveillance et par un élargissement de ses compétences.

Propositions

• Démocratiser le conseil de surveillance :

- le conseil devrait être composé de quatre collèges comportant un nombre égal de membres :

Etat ;

assurance maladie (régime général, mutualité sociale agricole et régime social des indépendants) ;

collectivités territoriales (région, départements, communes et intercommunalités) ;

usagers et personnalités qualifiées ;

- chaque membre ne disposerait que d’une voix ;

- sa présidence devrait être assurée par un membre du collège des collectivités territoriales, élu au sein du conseil.

• Elargir les missions du conseil de surveillance, sans bloquer le fonctionnement de l’agence :

- le conseil devrait émettre un avis sur l’ensemble du projet régional de santé et les documents qui le composent ;

- le conseil devrait pouvoir se saisir de tout sujet entrant dans le champ de compétence de l’agence ;

- le conseil devrait approuver, à la majorité simple, le budget et les documents financiers de l’agence, tout en prévoyant une procédure de mise en œuvre exceptionnelle par le ministre en cas de blocage persistant.