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La géographe Mélanie Gambino met en garde contre une approche urbano-centrée, qui regrouperait sous l’appellation unique de « ruralité » des « espaces aussi différents que de petites communes faiblement peuplées et éloignées des grandes villes (Roquefixade), des territoires dont un minimum de 40 % des actifs travaillent dans les pôles urbains (Île-de-France) et des pôles de taille réduite mais qui offrent un accès à une série de biens, emplois et services (Vexin et Chambéry »). Jean Ollivro, professeur de géographie à l’université Rennes II, note de même qu’il n’y a pas une mais des ruralités.

des indicateurs qui appréhendent les ruralités sous divers aspects

Plusieurs indicateurs fondés notamment sur l’analyse des densités ou le nombre d’habitant.e.s par commune permettent d’approcher la notion d’espaces ruraux, les divers types d’espaces qu’elle désigne et leur différence avec les villes. Appréhender ce que désigne

77 Rapport 2011 de l’Observatoire des territoires du CGET (ex DATAR), p. 85.

78 INSEE Première n°1605, juin 2016.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES chacun d’entre eux permet d’éviter un discours globalisant et simplificateur sur la ruralité,

pour aborder divers types d’espaces ruraux, qui diffèrent parfois beaucoup en termes d’étendue et de populations79. Les indicateurs connaissent régulièrement des évolutions.

l’approche par la densité de population montre l’importance des espaces ruraux en France.

L’OCDE retient le seuil de densité de 150 habitant.e.s par km² pour apprécier si un canton est rural ou urbain et considère qu’un département est « essentiellement rural » si plus de 50 % de sa population vit dans des communautés rurales. Vu la faible densité moyenne en France métropolitaine, un tiers des départements métropolitains est « essentiellement rural » pour l’OCDE.

L’INSEE distingue les communes rurales des communes urbaines sur la base de la continuité du bâti et d’un seuil de population agglomérée fixé à 2  000  habitant.e.s. Les communes n’entrant pas dans la composition d’une unité urbaine forment par différence le territoire rural, avec dans cette acception 78 % du territoire et 22 % de la population80.

Ces critères fondés sur la densité de population ou sur la continuité du bâti sont dits

« morphologiques ».

D’autres approches traduisent les interactions entre villes et campagnes, ainsi que les échelles auxquelles vivent les populations.

Le zonage en bassin de vie rend compte de la structuration du territoire quant à la répartition des équipements et services du quotidien, ainsi qu’à leur accès. Selon l’INSEE, 1644  bassins de vie structurent en 2012 le territoire en France métropolitaine. les trois quarts d’entre eux sont « ruraux ». ils représentent deux tiers des communes françaises, 78 % de la superficie du pays et 31 % de sa population81.

L’INSEE a défini en 2011 une typologie des espaces urbains, dite « zonage en aires urbaines 2010 » (ZAU), qui traduit l’influence des villes sur les espaces alentour en termes de déplacement domicile travail (critère dit « fonctionnel »). Selon ce zonage, 792 aires urbaines, où résident 85  % de la population, structurent le territoire français, englobant la moitié des communes. 11  000 autres communes, avec 10  % de la population, sont

« multipolarisées ». Selon cette typologie, « 95 % de la population, soit 61 millions de personnes, vivent sous l’influence des villes »82 en France métropolitaine.

79 La description qui suit reprend de manière résumée des éléments tirés de l’avis Comment promouvoir le dynamisme économique des espaces ruraux ?, p.14 à 16 et p. 82 à 96.

80 INSEE première n°1364 « Le découpage en unités urbaines de 2010 : l’espace urbain augmente de 19 % en une décennie », de François Clanché et Odile Rascol (2011).

81 INSEE Première n°1425 « Le nouveau zonage en bassins de vie de 2012. Trois quarts des bassins de vie sont ruraux », Chantal Brutel et David Levy (2013).

82 INSEE Première n°1374  : «  Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010  : 95  % de la population vit sous l’influence des villes », de Chantal Brutel et David Levy (2011).

Rapport

La Commission européenne a mis en place en 2011 la typologie «  degré d’urbanisation  », fondée sur un carroyage et l’étude des densités en leur sein. Celle-ci distingue des communes densément peuplées, des communes de densité intermédiaire et d’autres peu denses. 90 % des communes sont considérées « peu denses » au regard de ces critères.

L’INSEE identifie des zones très peu denses au sein des zones peu denses. Les mailles rurales intermédiaires ainsi formées ont une densité de population au carreau d’au moins 25 habitant.e.s par km² et un minimum de 300 habitant.e.s. Cette « typologie européenne élargie » répartit les communes en quatre catégories : densément peuplées ; de densité intermédiaire ; peu denses ; très peu denses.

les espaces peu denses au sens de la typologie européenne élargie représentent plus de la moitié des communes et près d’un tiers de la population (densité moyenne de 64 hab. au km²). Leur taux de croissance de la population (+ 5,2 %) est en moyenne entre 2006 et 2011 le plus élevé des 4 types d’espaces. La part des territoires agricoles y atteint deux tiers de la superficie.

un tiers des communes, très peu denses, regroupe 4 % de la population avec une densité moyenne de 14 hab. au km². Les sols y sont peu artificialisés, avec 42 % de milieux naturels et une part de l’emploi dans l’agriculture élevée (31 %). Ces espaces présentent aussi

« une population plus âgée et une population aux revenus plus modestes » mais « la population dans les communes très peu denses a augmenté globalement de 3,3 % entre 2006 et 2011 »83.

La Nouvelle typologie des campagnes françaises84du CGET souligne la diversité des territoires ruraux. Elle identifie trois principaux groupes d’espaces ruraux, en prenant en compte toutes les communes qui n’appartiennent pas à une unité urbaine regroupant plus de 10 000 emplois :

83 INSEE, La France et ses territoires, édition 2015, p. 16 à 21.

84 Ce point résume la typologie du CGET dans Territoires en mouvement (2012). Sont seuls présentés ici ces trois principaux groupes, que le CGET subdivise en sept sous-groupes.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Carte : typologie des campagnes françaises

Source : Rapport d’étude sur la Typologie des espaces ruraux et des espaces à enjeux spécifiques (littoral et montagne) par l’UMR CESAER (Inra/AgroSup Dijon), l’UMR ThéMA (Université de Franche-Comté/

CNRS), l’UR DTM (Cemagref) et l’UMR METAFORT (AgroParisTech/Cemagref/Inra/VetAgroSup) pour le compte de la DATAR, novembre 2011.

les campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées présentent une forte croissance résidentielle depuis la fin des années 1970. Elles comptent près de 16 millions d’habitant.e.s et près de 10 500 communes sur 140 355 km². Conditions de vie et économie y sont liées au dynamisme des villes environnantes ;

Rapport

les campagnes agricoles et industrielles comptent 5,5 millions d’habitant.e.s et 10 523 communes sur 140 000 km². Leur densité est faible et la population y est en général jeune grâce à l’excédent des soldes naturel et migratoire. La qualification des actif.ive.s est en général peu élevée, la croissance des emplois faible et le taux de chômage important. Les activités industrielles prédominent, avec une sphère agricole et agroalimentaire affirmée. L’accès aux services et aux commerces est bon ;

les campagnes vieillies et à très faible densité (5,2  millions d’habitant.e.s, 12 884 communes sur plus de 225 000 km²), éloignées de l’influence des grandes agglomérations et peu artificialisées, connaissent un brassage de population et un fort vieillissement. Niveau de revenus et accessibilité des services y sont inférieurs à la moyenne métropolitaine.

le cGet développe actuellement une approche croisant critère morphologique (continuité du bâti ou densité de population) et critère fonctionnel (analyse des données domicile travail) pour qualifier plus finement les espaces, à la fois selon leur degré d’urbanisation (via le critère de densité de l’insee) et leur lien à la ville (part des actifs de la commune travaillant dans un pôle urbain ou à l’étranger). cette démarche amène à classer les communes en neuf catégories, avec des degrés d’urbanité ou de ruralité. L’espace rural est, selon cette classification, considéré comme comprenant les trois catégories de communes les moins denses et les moins liées à la ville. Ces communes sont au nombre de 16 762, soit 46 % des communes métropolitaines. Elles comptent 6,6 millions d’habitant.e.s, soit 10,3 % de la population de France métropolitaine85.

Ainsi, comme noté par Guillaume de Russé en audition, la réalité des espaces ruraux change selon les critères retenus  : les campagnes françaises concernent pour la

« typologie européenne élargie » 33 000 communes où résident 22,6 millions d’habitant.e.s, mais 34 000 communes et 27 millions d’habitant.e.s d’après la typologie 2012 du CGET86, ordre de grandeur repris par les Assises de la Ruralité87. des espaces peu denses, dont certains situés en périphérie des villes, sont par ailleurs à distinguer des espaces très peu denses. ils représentent 13 000 communes, 36 % de la superficie et 2,6 millions d’habitant.e.s selon la typologie européenne enrichie par l’insee.

85 Entretien de Brigitte Baccaïni, sous-directrice de l’observation et des analyses statistiques au CGET, avec les rapporteur.e.s et article de Brigitte Baccaïni dans Pouvoirs locaux n°108 (2016), intitulé « Les différentes approches du rural », p. 65 à 71.

86 CGET, Nouvelle typologie des campagnes françaises, Territoires en mouvement (2012).

87 Nos ruralités, une chance pour la France, Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, p. 5.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Tableau : Part des communes, de la superficie et de la population selon les

différents types d’espaces ruraux

cam-pagnes françaises 1 95 % 97 % 40 %

INSEE Zonage en bassin de

vie2 66 % 78 % 31 %

INSEE Communes rurales

(-2 000 habitant.e.s)3 80 % 78 % 22 %

Commission

1 CGET : Territoires en mouvement : globalisation des 3 groupes et des 7 sous-groupes constituant les campagnes françaises (2012).

2 INSEE Première n°1364 (2010).

3 France métropolitaine et DOM : INSEE Première n°1425 (2013).

4 La France et ses territoires, édition 2015, INSEE : Champ : France métropolitaine, La Réunion et la Martinique.

5 Idem.

Dans un autre registre, les populations elles-mêmes, qui se déclarent habiter dans les territoires ruraux, perçoivent ceux-ci et leurs caractéristiques de façon subjective, avec souvent une mise en avant de leur sentiment d’appartenance. Selon Mélanie Gambino,

« les travaux sur les modes de vie montrent que des espaces sont majoritairement représentés et vécus comme ruraux. Dans les pratiques, on constate également une mise à distance de la ville »88.

Ces différences et celles existant entre espaces de faible et de très faible densité montrent l’importance, pour étudier la place des jeunes en leur sein, d’indiquer avec précision la ruralité dont il est question. L’enjeu est notamment de ne pas attribuer à l’ensemble des espaces ruraux, où réside de l’ordre du tiers de la population française, des caractéristiques correspondant aux seuls espaces ruraux de très faible densité, qui en représentent de l’ordre de 4 %, et une part encore moindre des jeunes.

C. Des jeunes divers dans les zones rurales

Analyser la situation des jeunes dans les espaces ruraux est rendu difficile à la fois par la diversité de la jeunesse, par l’ampleur du champ recouvert par la notion de ruralité et par la diversité des territoires concernés. Des études existent mais portent souvent sur une région

88 Audition de Mélanie Gambino lors de la table-ronde du 21 septembre 2016.

Rapport

ou un département où certains territoires ne sont pas ruraux, ou sur un type seulement de territoires ruraux (espaces de très faible densité par exemple), ou constituent des monographies d’un espace rural donné (quelques cantons ou communes) dont les résultats ne sont pas nécessairement représentatifs de l’ensemble des espaces ruraux.

L’analyse de la situation des jeunes dans les espaces ruraux proposés par ce rapport s’appuie, faute de travaux statistiques globaux, sur la combinaison de plusieurs niveaux d’études et d’échelles.

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