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Les territoires ruraux bénéficient de manière générale aujourd’hui d’une perception positive de l’opinion dans son ensemble, et notamment s’agissant des habitant.e.s des grandes villes. Une partie non négligeable de la population déclare même aspirer à y vivre : «  Alors qu’ils sont une grande majorité à vivre en ville (presque 60 % d’entre eux vivent dans des communes de plus de 20 000 habitant.e.s), 65 % des Français préféreraient vivre à la campagne. ( ) Aujourd’hui, 43 % des citadin.e.s habitant dans des agglomérations de plus de 200 000 habitant.e.s, soit près de 11 millions de personnes, expriment un désir de campagne »108. Le repeuplement de la grande majorité des campagnes de France métropolitaine depuis les années 1970 et a fortiori 1990, lié principalement à l’arrivée de populations nouvelles en provenance des villes, atteste qu’il ne s’agit pas seulement de discours. Les travaux de Pierre Pistre analysant les composantes de ces migrations montrent toutefois que, dans leur grande majorité, ces arrivant.e.s ne sont pas des jeunes de 16 à 29 ans : il s’agit surtout de personnes approchant de la retraite ou de retraité.e.s et d’adultes dans la force de l’âge, même si, pendant les années 2000, l’attractivité migratoire des « campagnes des villes » a été la plus forte auprès des 20-35 ans, les autres campagnes attirant davantage, dans le cadre de migrations de longue distance, des groupes plus âgés109.

Une partie de cette migration est le fait de l’installation de jeunes néoruraux.ales, c’est-à-dire de jeunes n’ayant jamais vécu dans le rural mais qui viennent y chercher, entre autres, une meilleure qualité de vie : ce phénomène est peu quantifié mais repris médiatiquement.

Il a cependant contribué à l’émergence d’une nouvelle génération de jeunesse rurale dont l’intégration dans l’espace rural n’est pas toujours facilement assurée.

Qu’en est-il de cette perception s’agissant des jeunes ruraux.ales ? Des travaux émanant d’organismes et d’universitaires montrent que les attitudes à cet égard sont diverses et non dénuées d’ambivalence. Il  semble toutefois qu’il existe chez beaucoup de jeunes ruraux.

ales un attachement prononcé à l’égard des espaces ruraux, et notamment de ceux au sein desquels ils.elles vivent.

107 Audition de Paul Fabre le 5 octobre 2016.

108 IFOP (2009) Vivre et travailler au vert, pour la 5ème foire : « Projets en campagne », BVA (2011), Ville ou campagne, pour le journal 20 minutes, in Le renouveau des campagnes françaises : évolutions démographiques, dynamiques spatiales et recompositions sociales, Pierre Pistre, Université Paris-Diderot Paris VII (2012), p. 1.

109 Pierre Pistre, Renouveau des campagnes françaises  : évolutions démographiques, dynamiques spatiales et recompositions sociales, Université Paris Diderot Paris VII (2012).

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Jonathan Mounal, ancien animateur territorial en Picardie, et Benjamin Aimé, animateur

territorial dans l’Orne, intervenant lors de la journée de travail du CESE avec des jeunes ruraux.ales porteurs.euses de projets, soulignaient ainsi que le souhait de « vivre et travailler au pays » reste vif pour de nombreux jeunes ruraux.ales.

Une étude sur les valeurs des jeunes ruraux.ales menée dans le rural proche des villes montre ainsi que la confiance dans les relations de proximité et dans la famille est plus forte (41 %) chez les jeunes ruraux.ales qu’en ville (35 %). A l’inverse, le degré de confiance en autrui et le fait de se sentir concerné.e.s par le sort des personnes lointaines est plus faible (32 %) chez les jeunes ruraux.ales que chez les jeunes urbain.e.s (49 %)110.  

l’enquête du Mrjc

Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) a mené en 2005 une enquête auprès de 745 jeunes de 17 à 29 ans en France métropolitaine, ayant vécu dans leur enfance au moins cinq ans dans le milieu rural. Une question sur le sentiment d’appartenance de ces jeunes à leur lieu de vie fait apparaître que « 63 % des personnes interrogées se sentent appartenir à leur lieu de vie ». C’est le cas pour les jeunes ruraux.ales qui sont 81 % à se sentir appartenir à leur lieu de vie contre 47 % des jeunes habitant.e.s en ville. Ce résultat peut s’expliquer par la forte proportion d’étudiants dans la population habitant en ville, pour qui le sentiment d’appartenance est relativement faible (42 %) » .

Des handicaps sont toutefois perçus d’après cette enquête comme des freins à l’installation des jeunes en milieu rural  : parmi ces freins à l’installation, on peut citer le manque de commerces pour 31 % des jeunes interrogé.e.s, le manque d’emplois pour 21 %, ainsi que le manque de transports en commun111.

l’enquête de simon Fayolle

Une enquête de Simon Fayolle Les jeunes dans le sud de l’Indre112, combinant une enquête qualitative auprès de jeunes de 15 à 30 ans, une enquête quantitative auprès des élèves de terminale générale, technique et professionnelle de lycées du sud de l’Indre, et une enquête auprès d’employeur.euse.s, permet de compléter et confirme largement ce diagnostic.

110 Une jeunesse différente, Les valeurs des jeunes Français depuis 30  ans, sous la direction d’Olivier Galland er Bernard Roudet, article «Jeunes ruraux : l’inversion des valeurs avec la vile ?» de Jean-Paul Bozonnet, p. 243.

111 MRJC, Cahiers de l’action n°10 Accueillir les jeunes en milieu rural : Pour des territoires solidaires (2007), p. 29 et 30.

112 Simon Fayolle, Les jeunes dans le sud de l’Indre, Comité de bassin d’emploi de Brenne Boischaut sud (2004).

L’étude combine une enquête qualitative auprès de jeunes de 15 à 30 ans, une enquête quantitative auprès des élèves de terminale générale, technique et professionnelle des quatre lycées publics du Blanc, de la Châtre et d’Argenton sur Creuse, ainsi qu’une enquête auprès d’employeurs.

Rapport

Cette étude montre qu’environ la moitié des élèves de terminale ayant répondu se déclare attachée au territoire, l’autre moitié tenant des discours plus négatifs. L’auteur observe que l’opinion sur le territoire évolue entre 15 et 25 ans, ce rejet étant selon l’auteur pour partie lié à l’adolescence, l’opinion évoluant ensuite jusqu’à 25 ans. Le rejet du territoire aurait selon l’étude partie liée avec la position sociale, les élèves de la filière professionnelle se déclarant moins souvent attaché.e.s au territoire que les élèves de terminale générale, alors même qu’elles.ils pensent davantage rester y vivre. Outre l’image positive de la campagne, un vrai attachement au territoire, allant du village à la région, est toutefois ressenti. Il semble souvent dû aux racines, au lien social et familial sur le territoire. Les jeunes qui habitent les plus petites communes témoignent d’un plus fort attachement au territoire que celles et ceux des petites villes113.

des travaux sur des jeunes des territoires ruraux très peu denses

Mélanie Gambino, dont les travaux ont déjà été évoqués, a mené une enquête qualitative auprès d’une centaine de jeunes dans des territoires (Périgord notamment) très peu denses selon la typologie européenne enrichie par l’INSEE. Ses travaux visent à prendre en compte, d’une part les discours tenus par ces jeunes ruraux.ales, qui véhiculent les représentations sociales du territoire, et d’autre part leurs pratiques (habitudes, comportements, actes, usages…), ainsi que les rapports au territoire (demeurer, travailler, circuler, vivre ensemble) qu’elles.ils entretiennent avec les lieux où ils.elles vivent.

113 Simon Fayolle Les jeunes dans le sud de l’Indre, op. cit .p. 45 à 55.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Mélanie Gambino distingue trois liens entre jeunesses et ruralités :

ruralités et jeunesses « vécues sur le mode du piège  »  : les discours mettent l’accent sur des éléments tels que « le caractère agricole, le manque, la litanie du rien,, l’interconnaissance subie, un espace dévalorisant », « les pratiques révèlent l’intensité de la sociabilité, beaucoup d’amis, de relations et des sorties ; (elles) tournent autour du travail ou de la recherche d’emploi » ; la mise en œuvre de la mobilité utilise la logique de la proximité (parce que c’est à côté et également parce que cela permet (au jeune) de se rapprocher du marché de l’emploi » ; fait territoire pour ces jeunes « un mode d’habiter banal au sein d’un territoire local dense, un rapport banal au territoire et la captivité plus ou moins bien vécue » ; le moteur de la participation est « la force du quotidien, être resté, avec une préoccupation très forte pour l’insertion professionnelle locale, immédiate, qui occupe le temps, l’esprit, l’énergie » ;

ruralités et jeunesses « vécues sur le mode du refuge » : les discours mettent en avant « un espace attractif, la nature, la qualité de vie et de l’éducation, un espace protecteur » ; les pratiques révèlent « les loisirs, les amis et surtout la sphère privée » ; fait territoire pour ces jeunes « un mode d’habiter discret au sein de territoires articulés (le lien à la ville grande ou petite leur permet de se construire une secondarité urbaine) » ; « les modalités de mise en œuvre de la mobilité sont sur une logique d’alternance d’un lieu à l’autre ; un rapport au territoire discret malgré un sentiment d’appartenance prononcé, mis en avant ; le moteur de la participation est la famille, le monde associatif » ;

ruralités et jeunesses « vécues comme un cadre de vie, un espace des possibles » : les discours mettent en avant « l’habitude de ses réalités physiques ; il ouvre des opportunités, on va chercher ailleurs ce qu’on n’y trouve pas (et on le ramène) et, autre opportunité, il permet de fonder une famille ; il a des spécificités immatérielles ; une éducation ; un signe distinctif » ; les pratiques révèlent « un projet de vie, le travail, la vie de couple, une sociabilité sélective, des loisirs culturels » ; « fait territoire pour ces jeunes un mode d’habiter privilégiant l’ancrage rural au sein d’un réseau de lieux, un rapport au territoire existentiel » ; la mise en œuvre de la mobilité est « une logique d’ancrage : la mobilité est mise au profit d’une installation et d’une forte appropriation du lieu parce qu’il est rural » ; le moteur de la participation dans ces territoires est alors « le fait de s’y installer, la culture généralement ; cet ancrage peut aussi être vu comme une réponse à une intégration impossible ailleurs »114.

114

114 Audition de Mélanie Gambino par la section ADT le 21/10/2016.

Rapport

Jonathan Mounal115 souligne l’absence de réalité du conflit entre ville et campagne et invite à ne pas surestimer les différences entre jeunes ruraux.ales et jeunes urbain.e.s, les problématiques auxquelles ils.elles sont confronté.e.s n’étant guère différentes, la densité en moins et parfois l’isolement en plus.

Bixente Etcheçaharreta notait aussi : « Ce qui est grave, c’est que les jeunes perdent le lien au territoire »116.

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