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Une photo : le déclencheur, l’in-formation de EM

Figure 10. Sunrise over South China Sea. LPI/NASA.

Source : Lunar Planetary Institute/NASA, STS 41-D, 1984. Image #14-32-014.

L’œuvre a été déclenchée par cette photographie prise par des astronautes en 1984, une vue du lever du soleil au-dessus de la mer de Chine méridionale. Être là, dans l’atmosphère au-dessus

de la Terre, et prendre la photo, dans la zone mitoyenne. Être la relation, le vaisseau spatial, l’atmosphère et la caméra. L’image des astronautes engendre un processus de réflexion et de création, au travers de cette zone lumineuse, colorée, chatoyante, changeante.

L’activité de l’atmosphère

L’atmosphère est un anneau gazeux qui traite les rayons électromagnétiques du soleil et les rayons infrarouges venant de la Terre. Elle enveloppe la planète. Elle est indispensable à la vie. (Vidal, 2000)

Le blanc dans cette photo est le soleil, au crépuscule de sa rencontre avec la Terre. Habituellement le soleil est jaune lorsque vu de la Terre, car affecté par l’activité de molécules et de gaz dans l’atmosphère. L’orange correspond aux poussières, à la pollution et aux gaz qui y séjournent. Les nuées bleutées sont les molécules d'air diffusant les ondes courtes de la lumière.

Une sensation horizontale de strates est palpable, par la prise de vue à partir du vaisseau spatial, se déplaçant au-dessus de la Terre. Les différentes enveloppes se déclinent dans la troposphère, située jusqu’à 20 km de la Terre. Zone de changements de pression, de température, d’humidité, et des vents. Enveloppe large, l’air y « tourne », selon turbulences, vapeurs d’eau, brassages. Vient ensuite la stratosphère contenant de l’ozone qui absorbe les rayons UV néfastes. Cette strate, entre 10 et 50 km d’altitude, est relativement stable. La mésosphère, de 50 à 80 km, est plus froide, les vapeurs d’eau et les molécules d’ozone s’y font de plus en plus rares. La thermosphère, de 100 à 200 km d’altitude, voit les gaz, qui sont peu nombreux, s’agiter à une très grande vitesse. Vient ensuite l’exosphère où s’opère la transition de l’atmosphère de la Terre à l’espace interplanétaire. (Urgelli, 2001)

L’atmosphère se déploie au travers de ces zones. Il est même étonnant que la planète soit appelée « terre » quand ce sont des océans qui en occupent la plus grande surface. L’océan est constitué d’eau et de mouvements plus lents. L’atmosphère, elle, est constituée de gaz,

changements globaux sur toute la planète, évoluant sous l’effet de seuils. Ils influent l’une sur l’autre.

Différents gaz et particules provenant d’activités humaines terrestres modifient la composition de l’atmosphère. La pollution atmosphérique est composée principalement de gaz et de matières particulaires, classées selon leur dimension. Les principaux gaz qui contaminent l’air sont l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2), le dioxyde de soufre (SO2) et le monoxyde de

carbone (CO). Les autres contaminants de l’air proviennent, entre autres, de véhicules, d’activités industrielles, du chauffage et de feux. (Information sur la pollution atmosphérique) L’on peut penser aux événements dont nous avons été témoins, à Fort McMurray en Alberta, au printemps 2016. Là, au sol comme dans l’atmosphère, le feu de forêt alimenté par des vents violents, a complètement ravagé la ville. (Globe and Mail, 2016)

Selon une étude menée par des étudiants en collaboration avec le Département des sciences de la Terre de l’UQAM, on remarque également la présence des gaz à effet de serre, venant principalement des activités humaines et ayant la propriété d’absorber des rayons infrarouges émis de la Terre : la vapeur d’eau (H20), le dioxyde carbonique (CO2) venant de l’agriculture

et du déboisage par le feu, et les activités industrielles qui utilisent le pétrole. Le méthane (CH4) provient de la décomposition des végétaux et de la digestion des herbivores. En deux cent ans, la quantité de méthane a doublé. Sa capacité d’absorption du rayonnement infrarouge est vingt fois plus grande que celle d’une molécule d’eau. L’oxyde nitreux (N20) provient des

activités agricoles avec engrais azotés, multipliant l’absorption des rayons infrarouges. (Dauphin-Pierre, Ghannoum, et Sobolewski, 2004)

Par ailleurs, les chlorofluorocarbones (CFC) sont les liquides venant de la réfrigération, des installations contre les incendies, des mousses plastiques, des solvants, des aérosols. Par le passé, ils ont atteint un seuil critique dans l’atmosphère et des accords internationaux les ont interdits. ("La structure cristalline CFC") Afin de réduire les gaz à effet de serre, le gouvernement du Québec a adopté un règlement en 2004. Dorénavant appelés les halocarbures, ces composés incluent maintenant l’halogène (brome, chlore avec ou sans fluor) et le carbone. Il est impossible pour le moment de vérifier si les effets de ces chimies sont

réversibles. Changer les méthodes maintenant n'aura vraisemblablement que peu d’effets, et pas avant de nombreuses décennies ou siècles, voire des millénaires, et possiblement plus. (Les halocarbures. Une réglementation environnementale pour mieux encadrer la gestion des halocarbures, 2004)

Basculement de la tranche

Figure 11. La torsion de l’image de l’atmosphère (Figure 10).

Qu’arrive-t-il lorsque l’image bascule sur l’axe vertical ? Ce changement d’orientation excite une nouvelle sensation, accentuant la tranche centrale de l’image comme une fente, un intervalle chamarré, sursaturé de coloris orangés, blancs et bleus. Les lisières noires agrémentent sa potentialité. Un rapprochement avec le processus d’individuation accentue le rôle du centre actif. Ce qui est habituellement obscurci par l’hylémorphisme, le centre, se présente ici un chatoyant et séduisant nuancier. Ce sont les termes qui s’obscurcissent pour rehausser l’importance de l’écart différentiel, le processus qui se déplie en zones et intensités multiples. « Le milieu peut d’ailleurs ne pas être simple, homogène, uniforme, mais être originellement traversé par une tension entre deux ordres de grandeur que médiatise l’individu quand il vient à être. » (Simondon, 2005a, p. 25) Le « milieu » de la photo se répercute dans

l’agencement de l’œuvre EM, une tension entre traversées, décalages, structurations, entre Ciel et Terre.

Le perse_plan passe de la « fente » déborbante à « l’intervalle » généreux et il s’en trouve modifié : le trait souligné est doublé et des espaces s’insèrent après le e et avant le p. Il devient le perse __ plan.

Des espaces « entre », des agirs situés. Là où ce qui est « entre » s’additionne. De nouvelles expériences s’ensuivent, plusieurs en même temps, des intercalaires. Plusieurs espaces du milieu simultanés s’agencent. Les centres actifs créent l'intervalle des milieux associés. L’alternance entre vibrations, et plus encore. L’œuvre EM s’engage avec l’image des astronautes : à l’horizontal pour la projection architecturale vue de la rue, et à la verticale, pour le déploiement de l’installation dans la petite galerie de la Fonderie Darling à Montréal. Un chavirage persistant.

Les particules

Les zones de l’atmosphère ont été identifiées de même que les composés chimiques et les gaz qui y circulent. Avec Muriel Combes, j’amorce une réflexion sur les particules, selon la conception renouvelée qu’apporte Simondon.

Là où les atomistes de l’Antiquité définissaient l’atome comme un être substantiel déterminé par une dimension, une masse et une forme fixes, autrement dit comme un être capable de demeurer identique à lui-même à travers le changement, la théorie de la relativité fait dépendre la définition d’une particule de sa relation aux autres particules. Car s’il est vrai que la masse d’une particule varie en fonction de sa vitesse, alors il suffit que la vitesse d’une particule soit modifiée par n’importe quelle rencontre hasardeuse, pour que sa masse elle-même et donc sa « substance » se trouve modifiée. On peut donc dire que « toute modification de la relation d’une particule aux autres est aussi une modification de ses caractères internes » (Simondon, 1964, L’individu et sa genèse physico-biologique, p. 125) de sorte que la consistance individuelle d’une particule est entièrement relative. (Combes, 1999, p. 38-39)

Qu’entend Combes par l’usage du mot « relative » ? Elle précise que la mesure renvoie à une primauté pouvant se déguiser en relation, cette façon de poser la question présume encore des

individus stables, fixes, existants avant leur rencontre, leur relation. Or, c’est la relation qui a le poids ontogénétique. Lorsque l’individu est relatif (en relation, pas relativisé) à un milieu associé qui « naît en même temps » que lui, comme complémentaire, la charge du préindividuel peut continuer à retentir dans l’opération parcellaire d’individuation.

Le milieu associé est alors un « champ », pas externe à l’individu, qui exerce lui aussi une capacité d’affecter et d’être affecté, selon les forces métastables sous tension. La métastabilité indique que les forces n’atteignent jamais un équilibre qui perdure, seulement des individuations partielles qui continuent. Ainsi, une relation devient un acte de connexion qui fait évoluer à la fois le milieu et l’individu. Dans la discussion du Chapitre 1 sur le stylet, l’individu technique est médian, un mixte d’humain et d’environnement. Le stylet a transformé son environnement en milieu associé au fil des millénaires. À chaque structuration partielle, l’environnement est complémentaire de la technologie qui s’y associe. La relation pourrait être nommée « technologie ». Les arts vont à la rencontre des matières résiduelles au travers des seuils des technologies, dans une situation collective sous tension. Les technologies sont « au centre actif » de la relation, contribuant des textures ontogénétiques faisant évoluer son milieu associé.

Le milieu associé n’est donc pas à proprement parler l’environnement. L’individu (humain et technique) et le milieu sont complémentaires, ils continuent à changer, différemment et ensemble. (ArsIndustrialis) Ainsi, le perse __ plan se compose de cette discussion qu’il entame avec les technologies, une expérience esthétique des matières résiduelles, des sensations s’agençant avec les traits soulignés doublés et les espaces entre les lettres.