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Une limite à la pénalisation pour le législateur

Section 1 : Le droit pénal des majeurs tenu en retrait

A) Une limite à la pénalisation pour le législateur

Anne PONSEILLE affirme que le principe d’atténuation de responsabilité « joue comme un modulateur de la peine d’enfermement pouvant être prononcée à l’encontre des mineurs ayant au moins treize ans »273. Le législateur est donc obligé de respecter une ligne protectrice de diminution légale (1), ce qui

a posé beaucoup de questions lors du débat relatif aux peines planchers (2).

271 Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines

dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur ; JO n° 0298, 23 décembre

1992, p. 17568

272 Article 252 - A l'avant-dernier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, les mots : « de

l'excuse atténuante de minorité » sont remplacés par les mots : « de la diminution de peine prévue à l'article 20-2 »

273 A. PONSEILLE, « De l'évolution de l'atténuation légale de la peine applicable aux mineurs », Archives de politique

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1- Diminution légale de peine

C’est l’article 20-2 de l’ordonnance qui prévoit que « le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue ». Ce n’est que par exception que la juridiction peut décider de ne pas en faire application, mais dans ce cas, elle doit le faire par une motivation spéciale. Le principe est donc très explicite, très clair, et présent depuis la rédaction de l’ordonnance. Pourtant, celui-ci passe mal parfois, car il peut être interprété comme une forme de complaisance accordée aux jeunes délinquants. C’est sans doute la raison pour laquelle la loi du 10 août 2007274 opère un virage

sécuritaire majeur. Celle-ci permet en effet d’écarter la diminution, en fonction d’une liste de critère dont certains ne font plus aucun cas d’un caractère exceptionnel, ni de la personnalité du mineur. Plus grave encore, le législateur a décidé d’inverser totalement le principe pour les mineurs de 16 à 18 ans, commettant des faits de violences « une nouvelle fois en état de récidive légale ». Ainsi, la diminution était écartée par principe, applicable par exception sur motivation de la juridiction275.

La doctrine a très vivement critiqué ces dispositions276. Anne PONSEILLE l’illustre d’une façon très

intéressante en affirmant qu’ « auparavant, la motivation intervenait pour justifier une décision empreinte de sévérité ; elle devient nécessaire pour fonder une décision de clémence. Il s’agit là d’un bouleversement dans la manière de juger »277. Cette critique était d’autant plus vive que le Conseil

constitutionnel l’a validée dans sa décision du 09 août 2007278. Ce dernier relève que la diminution légale

de peine pourra trouver à s’appliquer sur décision motivée de la juridiction, et d’autre part que le législateur n’a pas entendu priver les juridictions du bénéfice de prononcer des mesures éducatives ou des sanctions éducatives.

Puis, le temps a passé, un autre gouvernement a accédé au pouvoir et cette modification, pour ne pas dire altération, de l’ordonnance a été abrogée. Le droit positif est donc le principe de la diminution légale de peine, combiné à la possibilité de son exclusion par la juridiction. Sous couvert de prévention, cette même loi du 10 août 2007 a non seulement augmenté le plafond des peines pour les mineurs délinquants, comme cela vient d’être évoqué, mais elle a également voulu solidifier le plancher en instaurant les fameuses « peines planchers ».

274 Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs

275 Article 20-2, alinéa 4, dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2007 : « L'atténuation de la peine prévue au premier

alinéa ne s'applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque les infractions mentionnées aux 2° et 3° ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois, la cour d'assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée »

276 Voir C. LAZERGES, « Les limites de la constitutionnalisation du droit pénal des mineurs », Arch. pol. crim., 2008 ; A.

PONSEILLE, « De l'évolution de l'atténuation légale de la peine applicable aux mineurs », Arch. pol. crim., 2008 ; Ph. BONFILS, « La réforme de l'ordonnance de 1945 par la loi prévention de la délinquance », AJ Pénal, 2007 ; L. LETURMY, « L'effritement des principes directeurs énoncés par l'article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945 », Arch. pol. crim., 2008

277 A. PONSEILLE, op. cit. n° 276

278 Décision n° 2007-554 DC du 09 août 2007 relative à la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ;

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2- La rigidification du droit des mineurs du fait des peines planchers

Le mécanisme dit des « peines planchers » vient d’une idée assez simple qui consiste à dire qu’en cas de récidive légale, la peine prévue pour le délinquant ne pourra être inférieure à un certain seuil, ou comme le dit Jean PRADEL, « il a reçu de la justice un avertissement solennel à ne plus commettre d'infractions sous peine d'une possible aggravation de peine »279. Le Professeur PRADEL signe ici un

article très fort, où il affirme que ce dispositif est une bonne chose, pour les mineurs comme pour les majeurs.

C’est la loi du 10 août 2007 qui introduit le dispositif dans le code pénal et l’ordonnance du 02 février 1945. La procédure législative est celle de l’urgence, les débats ont donc été menés promptement, en se basant toujours sur cette même idée que la récidive connaitrait une explosion, particulièrement chez les mineurs, dont certains feraient « de la délinquance un mode de vie »280. Le

Professeur Jacques-Henri ROBERT, lui aussi assez favorable au dispositif, indique par ailleurs à ce titre que la Commission de suivi de la délinquance créée par l’ancien Garde des Sceaux Pascal CLÉMENT, n’y est même pas associée.

Cette loi crée un système assez complexe, qui dépend du terme de la récidive (deuxième ou troisième), de la qualité de la personne poursuivie (majeure ou mineure), le tout encadré par une certaine liberté de la juridiction de prononcer une peine inférieure281. Pour les mineurs, le système est encore plus

complexe, car afin de ne pas être trop sévère, le législateur affirme que des mesures éducatives ne constituent par le premier terme de la récidive. D’autre part, il faut distinguer entre les mineurs âgés de plus de 16 ans et ceux âgés de moins de 16 ans. En fonction de l’âge, la peine minimale est fonction de la diminution légale de peine et du terme de la récidive, pour les mineurs âgés de moins de 16 ans. Le Professeur Laurence LETURMY affirme à cet égard que « la rupture est évidente : à la priorité donnée aux mesures éducatives, quels que soient l’âge et la qualité - délinquant primaire, récidiviste ou multirécidiviste – du mineur, proclamée par l’article 2 de l’ordonnance, se substitue ici, sans autre alternative possible, la peine d’emprisonnement. Avec elle, les exigences liées à la motivation disparaissent en partie »282.

Là encore, le Conseil constitutionnel valide ce dispositif pour les mineurs délinquants, dans sa décision du 09 août 2007 en soulignant le fait que les juridictions conservent le choix de prononcer une autre mesure lorsque le mineur « présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ». La tentative du législateur d’étendre le dispositif des peines planchers aux mineurs primo-délinquants ayant

279 J. PRADEL, « Enfin des lignes directrices pour sanctionner les délinquants récidivistes », Dalloz, 2007, p. 2247

280 J.-H. ROBERT, « Le plancher et le thérapeute. Commentaire de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte

contre la récidive des majeurs et des mineurs », Droit pénal, Octobre 2007

281 Op. cit. n° 276 pour le décryptage

282 L. LETURMY, « L'effritement des principes directeurs énoncés par l'article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945 », Archives

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commis un délit de violences aggravées, est cependant stoppée net. Il faut souligner que la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 04 mars 2011283 est la première qui sanctionne une disposition

législative sur le fondement du PFRLR relatif à la justice des mineurs dégagé le 29 août 2002. Ainsi, il est possible de déduire des considérants n° 26 et n° 27, le fait que des peines automatiques sont en contradiction avec l’objectif de recherche du relèvement moral et éducatif des mineurs par des mesures appropriées. Le fait de leur imposer un seuil de responsabilité pénale trop strict n’est donc pas adapté aux mineurs délinquants.

Sur cet état du droit, la doctrine est extrêmement divisée, mais là encore, un nouveau gouvernement, et par l’effet de la loi du 15 août 2014, le dispositif est supprimé. L’atténuation de la responsabilité et la possibilité pour le juge d’adapter la mesure prononcée, sont redevenues les règles, et c’est heureux.