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Les adaptations « spéciales jeunes »

Section 2 : Une articulation nécessaire avec les autres exigences de valeur constitutionnelle

A) Les adaptations « spéciales jeunes »

L’étude de la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants, fait ressortir tout aussi bien les adaptations issues de la procédure applicable aux majeurs, que des adaptations inhérentes à la jeunesse. Il en est ainsi des informations apportées aux représentants légaux, et au report de la transmission de l’information à cause des nécessités liées à la recherche des auteurs d’infractions (1), qui impacte également dans une autre mesure les contrôles d’identité (2).

1- Le report de l’information des parents

C’est l’article 4, II qui organise l’information donnée aux titulaires de l’autorité parentale dans le cas du placement en garde à vue d’un mineur. Ce texte pose le principe selon lequel « lorsqu'un mineur est placé en garde à vue, l'officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l'information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur ». Le contenu de l’information est organisé par l’article D.15- 6- 1 du Code de procédure pénale323.

Le texte n’est pas équivoque, et impose aux OPJ d’avertir les représentants légaux de la mesure. Si le texte précise que cette information doit être préalable, il faut relever qu’en réalité, l’ordre importe peu dès lors que la transmission de l’information au parquet de la mise en œuvre, que la mesure est faite

322 D. THOMAS-TAILLANDIER, « Le nouveau fichier national des auteurs d'infractions terroristes », AJ pénal, 2015, p. 523 323 Décret n° 2016-1455 du 28 octobre 2016 portant renforcement des garanties de la procédure pénale et relatif à l'application

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sans délai. En effet, la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne souscrit pas à l’hypothèse selon laquelle l’information préalable des représentants légaux pourrait faire grief324.

L’ordonnance prévoit également que cette information délivrée aux représentants légaux peut être différée dans le temps « pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne » 325. Cette précision a été

apportée par la loi du 03 juin 2016326, dont l’objet essentiel est la lutte contre la criminalité organisée et

le terrorisme. Bien que cette disposition ne constitue pas le cœur du texte, il est intéressant de remarquer que le législateur considère les représentants légaux comme des menaces dans la recherche des auteurs d’infractions.

Il est possible d’observer que dans ce cas, le Code de procédure pénale est tout de même organisé pour transmettre l’information, mais ce n’est pour autant pas le cas pour d’autres procédures telles que le contrôle d’identité.

2- Une information bien fragile en cas de contrôle d’identité d’un mineur

En matière de contrôle d’identité, c’est la recherche des auteurs d’infractions qui prime réellement, ce qu’il est possible d’affirmer dans la mesure où c’est le Code de procédure pénale qui organise cette procédure, non pas l’ordonnance du 02 février 1945. En effet, les articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale sont applicables aux mineurs327.

Ainsi, le contrôle d’identité s’adresse à tous, les mineurs y compris, tout comme la retenue de quatre heures (article 78-3, alinéa 1 et 3), lorsque l’intéressé ne peut ou ne veut justifier de son identité. Dans ce cas, le Code prévoit que le mineur doit être assisté de son représentant, « sauf impossibilité » (article 78-3, alinéa 2).

Dès lors, il est possible de constater l’abaissement des exigences du législateur, entrainant par la même un abaissement de la protection des mineurs. En effet, en matière de garde à vue « l'officier de police judiciaire doit […] en informer les parents ». A contrario, en matière de contrôle d’identité, le texte évoque d’abord « l’impossibilité », avant de poser le principe de l’information des parents. De plus, le législateur n’exige pas des officiers de police judiciaire qu’ils justifient des motifs de cette impossibilité.

324 Voir n° 101

325 F. TOURET DE COUCY, op. cit. n° 61, n° 130, p. 85

326 Loi n° 2016-731 du 03 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant

l'efficacité et les garanties de la procédure pénale ; Dossier : « Le volet « procédure pénale » de la loi du 3 juin 2016 », AJ pénal, 2016, p. 457 ; obs. O. CAHN, « Réflexions désabusées sur le chapitre I du titre I de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 », AJ pénal, 2016, p. 408 ; M. HERZOG-EVANS, « Lois du 3 juin et du 21 juillet 2016 et exécution des peines : communication,

(im)précisions, et répression », AJ pénal, 2016, p. 470 ; Myriam QUEMENER, « Les dispositions liées au numérique de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme », Dalloz IP/IT, 2016, p. 431 ; S. FUCINI, « Ce que prévoit la loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme », 14 juin 2016 ; J.-B. PERRIER, « Les garanties de la procédure pénale dans la loi du 3 juin 2016 : entre illusion(s) et désillusion(s) », Dalloz, 2016, p. 2134

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Ainsi, en matière de contrôle d’identité, il n’y a pas forcément d’information des parents, alors même que les textes posent le principe de l’assistance du mineur par son représentant légal. La pratique empêche tout simplement parfois le mineur d’accéder à ses droits en se fondant sur une très vague excuse d’impossibilité.

La nécessité de rechercher les auteurs d’infractions permet au législateur de développer les moyens d’enquête de façon générale. S’il ne fait pas de doute que l’efficacité des enquêtes judiciaires nécessite de pouvoir mettre en place des moyens coercitifs, cela ne signifie pas pour autant que ces procédures doivent se dérouler sans contrôle. Les contrôles d’identité, particulièrement ceux réalisés sur réquisition du procureur sont très décriés pour cette raison. Les nécessités pratiques ne sont pas une justification suffisante pour priver les individus de leurs droits les plus basics, parmi ceux desquels le contact avec sa famille. Si ces mesures de coercition sont faciles à observer, il en est d’autres qui sont plus insidieuses, mais néanmoins dévastatrices pour les individus, c’est la pratique du fichage.