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Les dispositions sévères mieux contrôlées par le Conseil constitutionnel

Section 1 : Le droit pénal des majeurs tenu en retrait

B) Les dispositions sévères mieux contrôlées par le Conseil constitutionnel

La nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants permet également de façon certaine d’opérer un meilleur contrôle sur des mesures assez coercitives. Il s’agit là de façon évidente, d’opérer un équilibre entre répression et protection des mineurs délinquants. Il est cependant difficile de prétendre déceler même des grandes lignes dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui se montre tour à tour extrêmement bienveillant avec des mesures très coercitives (1) puis très pointilleux sur l’exécution provisoire des peines fermes (2).

1- Des mesures coercitives bénéficiant d’une bienveillance certaine

De toutes les dispositions qui alarment en droit pénal des mineurs, ce sont celles qui touchent à l’enfermement ou au contrôle des déplacements d’un mineur. Cela conduit nécessairement à prévoir des conditions très restrictives en matière de placement en détention provisoire. En revanche, l’équilibre relatif à une mesure intermédiaire tel que le contrôle judiciaire apparait moins nettement.

Il faut noter qu’« initialement, l'ordonnance de 1945 ne contenait pas de dispositions spécifiques sur le contrôle judiciaire, et son application se faisait donc par référence au droit commun »301. C’est la loi

dite Perben I du 09 septembre 2002 qui remédie à cette situation, en créant l’article 10-2302. Les

299 E. GALLARDO, « Les incohérences du droit pénal des mineurs contemporain », RSC, 2017, p. 713

300 Conseil constitutionnel, n° 2012-272 QPC, 21 septembre 2012 ; obs. P. BONFILS, Droit de la famille, 2013, commentaire

n°21

301C. SULTAN, « La réforme de l'ordonnance de 1945 a-t-elle eu lieu ? », AJ pénal, 2007, p. 215

302 Article 10-2-I de l’ordonnance du 02 février 1945 : « I. -Les mineurs âgés de treize à dix-huit ans peuvent être placés sous

contrôle judiciaire dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent article »

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conditions de placement sous contrôle judiciaire n’appellent pas alors de commentaire particulier, sauf à dire qu’en matière correctionnelle les mineurs de 13 à 16 ans ne pouvaient être placés sous contrôle judiciaire que si la peine pour laquelle ils étaient poursuivis était punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et qu’une mesure éducative, une sanction éducative ou une peine avait déjà été prononcée à leur encontre. Le législateur a estimé que ces conditions étaient trop strictes, il les a donc élargies par deux lois successives, la loi du 05 mars 2007 et la loi du 10 août 2011.

Le Conseil constitutionnel valide cette réforme en affirmant que « eu égard à la gravité des infractions en cause et au rôle que le contrôle judiciaire, tel qu'il est prévu en l'espèce, peut jouer dans le relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants »303.

Il faut cependant remarquer que les auteurs ne sont pas d’accord sur les conséquences de cette décision. Toujours est-il que le Conseil constitutionnel a confronté cette mesure à l’objectif de relèvement éducatif et moral des mineurs, qu’il a trouvé proportionné entre la gravité de l’atteinte à la liberté du mineur, et les conditions prévues par le texte (articles 10-2-II de l’ordonnance du 02 février 1945).

Ce qui ressort tient au fait que le Conseil constitutionnel ne vient pas tant se poser en défenseur absolu des principes qui découlent du PFRLR relatif à la justice des mineurs, dont l’objectif de relèvement éducatif et moral est un pendant. A chaque examen de texte, il opère un contrôle de proportionnalité entre la volonté du législateur et les principes constitutionnellement protégés. D’aucuns critiqueront cette position bienveillante, mais en réalité cela n’empêche pas au Conseil constitutionnel de faire preuve d’une particulière exigence s’agissant de la détention des mineurs.

2- Exigence de souplesse en matière d’exécution provisoire des peines fermes

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2016 d’une QPC qui portait sur la question de savoir si l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement sans sursis prononcée à l'encontre d'un mineur était conforme aux normes constitutionnelles. Il rend sa décision le 09 décembre 2016304, où il

affirme que l’article 22 de l’ordonnance du 02 février 1945 est contraire au PFRLR relatif à la justice des mineurs, dans son aspect d’objectif de relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants. Il relève en effet que la rédaction de l’article qui date de l’ordonnance du 24 décembre 1958 permet au juge des enfants et au tribunal pour enfant d’« ordonner l'exécution provisoire de leur décision, nonobstant opposition ou appel »305.

303 Considérant n° 22 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-553 DC du 03 mars 2007

304 Conseil constitutionnel, n° 2016-601-QPC, 09 décembre 2016 ; obs. E. GALLARDO, « Les incohérences du droit pénal

des mineurs contemporain », RSC, 2017, p. 713

305 Article 22, alinéa 1 de l’ordonnance du 02 février 1945 dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 24 décembre 1958 : « Le

juge des enfants et le tribunal pour enfants pourront, dans tous les cas, ordonner l'exécution provisoire de leur décision, nonobstant opposition ou appel ».

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Le Conseil constitutionnel souligne également que cette disposition s’applique à toutes les mesures possibles sans distinction. Cette observation n’est cependant pas la source de l’inconstitutionnalité. Pour mieux comprendre, le Conseil des Sages procède à une distinction entre les mesures et les sanctions éducatives d’un côté, et les peines de l’autre. S’agissant des mesures et des sanctions éducatives, le Conseil constitutionnel affirme que leur exécution provisoire malgré l’appel ou l’opposition formée par l’une des parties est une bonne chose, car cela « contribue à l'objectif de leur relèvement éducatif et moral » (considérant n° 7).

En revanche, il affirme que l’exécution provisoire des peines d’emprisonnement ferme, malgré le quantum de la peine et malgré l’appel ou l’opposition, prive le mineur de la possibilité de bénéficier d’aménagement de peine, et contrevient de ce simple fait aux exigences constitutionnelles en matière de justice des mineurs (considérant n° 8 et n° 9).

Le Conseil constitutionnel opère donc une balance entre des dispositions ayant valeur constitutionnelle et des dispositions voulues par le législateur. Il faut rappeler que le Conseil constitutionnel n’a aucune légitimité démocratique, et que théoriquement, ce que veut le Parlement, c’est la volonté du peuple français. Face à un très fort sentiment d’insécurité, le législateur tend donc à vouloir sans cesse alourdir le dispositif répressif, ce qui n’épargne pas les mineurs délinquants.

Le Conseil constitutionnel en tant que gardien de la Constitution du 04 octobre 1958 cherche alors à opérer un équilibre entre deux intérêts qui peuvent apparaitre parfois comme très antagonistes. S’il est vrai que les objectifs du droit pénal et ceux du droit pénal des mineurs tels que prévus par l’ordonnance du 02 février 1945 sont presque irréconciliables. La nécessité de préserver la spécificité du droit pénal des mineurs est cependant fondamentale, car elle permet de garder certains principes de droit pénal à distance, dans le but de protéger les mineurs même s’ils sont délinquants. En effet, ceux-ci demeurent des êtres en construction, qui n’ont pas toujours conscience de la gravité des faits, ou plus souvent des conséquences de leurs actes. Il n’est cependant pas impossible de trouver un équilibre entre répression et protection grâce en réalité à une bonne articulation des différentes exigences constitutionnelles.

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Section 2 : Une articulation nécessaire avec les autres exigences de valeur constitutionnelle