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L’apport de la détermination d’un seuil

Section 2 : La responsabilité comme notion intéressante mais discutable

A) L’apport de la détermination d’un seuil

La question de la détermination du seuil de responsabilité est de celle que les pénalistes aiment poser pour dire qu’ils ne peuvent rien dire de plus. Pourtant, une telle détermination serait sans doute très bénéfique pour notre droit (1), même si cela provoque une mise à l’écart concomitante de la notion de discernement (2).

1- L’importance de la détermination du seuil

Cette question du seuil est ancienne, qui revient régulièrement, particulièrement lorsque certaines juridictions du premier degré oublient des principes de base du droit pénal en infligeant une peine d’amende à un enfant de 5 ans pour stationnement gênant398.

En Europe, la France fait figure d’exception puisque de nombreux autres pays ont décidé de fixer un seuil d’âge en dessous duquel un mineur ne peut pas engager sa responsabilité pénale. Ce seuil varie beaucoup399 de telle sorte qu’en Grèce et en Suisse, c’est 7 ans. En Grande-Bretagne, c’est 10 ans et en

Belgique, c’est le principe de non-imputabilité pour les mineurs de 16 ans, et l’examen de la personnalité pour déterminer si les mineurs âgés de plus de 16 ans sont pénalement responsables.

La France est d’autant plus isolée que les textes internationaux applicables en la matière font référence à ce seuil. Ainsi l’article 4 des Règles de Beijing prévoit que « dans les systèmes juridiques qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale, celui-ci ne doit pas être fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle ». L’article 40 paragraphe 3.a) est plus explicite, puisqu’il affirme la nécessité de tendre vers la fixation d’un seuil minimal en dessous duquel les mineurs seront présumés « ne pas avoir la capacité d’enfreindre la loi pénale »400.

La force obligatoire de ce texte ayant été reconnue par le législateur français puis par la jurisprudence, il est dès lors possible de s’étonner que des évolutions législatives n’aient pas déjà eu lieu. Cela d’autant plus que les nombreuses commissions ayant proposé des pistes de réforme de la matière ont relevé à de nombreuses reprises la nécessité d’un tel changement401. Il faut cependant signaler que la Cour

européenne des droits de l’homme considère dans l’arrêt T. contre Royaume-Uni (19 décembre 1999)

398 Voir n° 388

399 F. TOURET DE COUCY, op. cit. n°61, n°78

400 Article 40 de la CIDE : « 3. Les États parties s'efforcent de promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place

d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale, et en particulier : a) D'établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale »

401 Commission COSTA, 1975 ; avant-projet de réforme de réforme ARPAILLANGE, 27 juin 1990 ; Commission

VARINARD de propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants, 03 décembre 2008

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qu’en lui-même un seuil de responsabilité bas par comparaison aux autres pays européens, n’est pas contraire à l’article 3 de la Convention qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants.

Le législateur français s’est contenté en 2002 d’inscrire le discernement comme critère d’orientation. A l’inverse, fixer un seuil de détermination de la responsabilité pénale mettrait à l’écart la notion de discernement et clarifierait grandement les choses.

2- La mise à l’écart concomitante de la notion de discernement

L’ordonnance du 02 février 1945 n’a pas pris position sur la question de la fixation d’un seuil à partir duquel les mineurs pourront être responsables pénalement. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a rapidement dû apporter des précisions sur cette question. C’est à l’occasion du célèbre arrêt Laboube402, que la Chambre criminelle précise que « conformément aux principes généraux du droit »,

il est nécessaire que « le mineur dont la participation à l'acte matériel à lui reproché est établie, ait compris et voulu cet acte ; que toute infraction, même non intentionnelle, suppose en effet que son auteur ait agi avec intelligence et volonté ».

Ici, la Cour de cassation fait le constat de l’absence d’élément moral, afin de rejeter la responsabilité du mineur. La situation est presque un cas d’école, puisqu’il s’agit d’un enfant de 6 ans qui commet une infraction non-intentionnelle. En matière d’infraction non-intentionnelle, l’élément moral est la conscience par l’agent d’un comportement imprudent, ou d’une imprévoyance consciente403. La Cour

de cassation en appelle donc aux principes généraux du droit pénal, afin d’influer sur une matière spécifique. De cet arrêt, la doctrine en a déduit l’importance du discernement dans l’ordre juridique crée par l’ordonnance du 02 février 1945.

La fixation d’un seuil minimal de responsabilité pénale viendrait réduire la portée de cette notion de discernement, car en dessous de l’âge fixé par ce seuil, aucune question ne se poserait. Un mineur ne pourrait dans aucun cas être poursuivi, et donc condamné pour une infraction qu’il aurait commise. Cela ne retirerait rien à la compétence du juge des enfants, qui pourrait tout de même s’alarmer qu’un très jeune enfant soit déjà sur le chemin de la délinquance. Il mettrait alors en œuvre une assistance éducative, comme c’est déjà le cas. Pour les autres mineurs, ayant dépassé l’âge requis pas le seuil, le discernement pourrait éventuellement venir au secours de certaines situations.

Ainsi, tout en repoussant le discernement à sa place qui doit être résiduelle, la fixation d’un seuil d’âge de responsabilité pénale viendrait clarifier le droit pénal des mineurs délinquants conformément aux engagements internationaux pris par la France. Cela laisse cependant toujours des questions en suspens qu’il faut alors examiner de façon séparée.

402 Cour de cassation, chambre criminelle, 13 décembre 1956, n° 55-05.772

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B) Les difficultés demeurantes autour de la notion de responsabilité pénale des