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Les difficultés demeurantes autour de la notion de responsabilité pénale des mineurs

Section 2 : La responsabilité comme notion intéressante mais discutable

B) Les difficultés demeurantes autour de la notion de responsabilité pénale des mineurs

La fixation d’un seuil de responsabilité pénale pour les mineurs ne fait pas tout, et des questions demeurent car cette notion est en lien avec les éléments constitutifs de l’infraction, ce qui en fait un instrument parfaitement manipulable pour de la politique criminelle (1). Il faut également faire le constat de la nécessité d’opérer une différenciation entre seuil de responsabilité pénale et seuil de réponse pénale (2).

1- Un élément constitutif de l’infraction manipulable pour de la politique criminelle

La fixation d’un seuil de responsabilité pénale aurait pour conséquence de dissocier la commission d’un acte prohibé de l’imputabilité de celui-ci au délinquant. Le très jeune âge deviendrait donc une cause de non-imputabilité de l’infraction. En effet, le principe en droit pénal général c’est qu’une faute doit être reliée à quelqu’un en particulier qui l’aurait voulu404. C’est la raison pour laquelle il n’existe pas de

responsabilité collective pour la commission d’un seul fait.

La fixation d’un seuil doit permettre de clarifier les réponses à apporter aux actes de délinquances commis par les mineurs. Pour cela, il doit s’agir d’un élément identifiable et compréhensible, fixé en considération du critère de protection du mineur. Ici, il faut relever que la commission VARINARD avait retenu un seuil ambitieux de 12 ans « comme étant le plus pertinent au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile » (proposition n° 8). Pourtant, il semblerait que tous les intervenants, et les médecins en premier, ne s’entendaient pas sur ce seuil.

Une telle réforme devrait donc veiller à fixer un seuil solide, et ne pas en profiter pour abaisser encore celui à partir duquel des mesures éducatives peuvent être prises. La seule réponse doit relever de l’assistance éducative afin d’aider des familles en difficulté ou de repérer une difficulté propre au mineur.

Il est également très important de dissocier le seuil de responsabilité du seuil d’application des réponses pénales aux infractions commises.

2 Une différenciation nécessaire entre seuil de responsabilité et seuil de réponse pénale

En l’absence d’indication légale, la doctrine a construit un édifice instable fait de déduction de l’arrêt Laboube et des éléments fournis par l’ordonnance. D’un côté, elle en déduit le recours au discernement pour distinguer les mineurs. Elle le confirme par l’observation des seuils fixés pour la mise en œuvre

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des différentes réponses pénales à l’encontre des mineurs. Il s’agit ici d’une grave confusion opérée entre la responsabilité et la réponse pénale appropriée.

La fixation d’un seuil de responsabilité pénale permettrait de mieux distinguer ces deux éléments, qui sont indubitablement liés, mais qui demeurent différents. En effet, la responsabilité et son pendant l’irresponsabilité tiennent à une qualité de la personne ayant commis une infraction ou à une circonstance très particulière l’ayant poussée à la commettre. C’est un a priori, qui conditionne la suite de la procédure alors que la peine est l’aboutissement de cette procédure, et elle suppose que la personne poursuivie soit responsable.

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Conclusion

François TOURET DE COUCY indique que dans le compte-rendu des débats de l’Assemblée nationale relatifs à la loi du 11 avril 1908, tendant à dépénaliser la prostitution des mineurs, qu’il est possible de lire cette interrogation : « L'intérêt de l'enfant, mais où est-il véritablement et comment peut-on raisonnablement soutenir qu'il réside dans une mesure prise pour son amendement et non dans son arrestation ! »405.

Cette interrogation n’a cependant jamais réellement disparue. Après la guerre, dans un pays à reconstruire complètement, le gouvernement affirme courageusement qu’il y a mieux à espérer pour les mineurs que des sanctions aveugles. Par une formule demeurée célèbre, ce texte affirme alors que le pays a la charge de prendre soin de sa jeunesse. C’est cette optique qui marque un tournant dans la façon dont le législateur va prévoir le régime applicable aux mineurs délinquants. Par un effet boomerang, bientôt ce sont ces adaptations qui viendront influencer les mesures applicables aux mineurs victimes, et même aux autres délinquants.

Le droit international intervient également en posant des principes ayant un caractère universel, au premier rang desquels l’intérêt supérieur de l’enfant. Son rôle de « parapluie » pour paraphraser Jean ZERMATTEN, influe sur tous les autres, imposant ainsi aux états de placer cet intérêt au centre de toutes les considérations qui touchent les mineurs.

En droit interne, les réforment se succèdent également très rapidement. La préoccupation du législateur n’est cependant plus autant relative aux mineurs. Néanmoins, la question de savoir si l’intérêt supérieur de l’enfant peut primer en droit pénal français peut se poser.

Il est possible de dire que ce n’est pas le cas, car le droit pénal des mineurs prend déjà en compte et depuis très longtemps, l’intérêt de l’enfant dans la procédure applicable. Cela en fait un droit remarquablement bien adapté et articulé (I), mais également un droit évolutif et ancré dans la pratique (II).

I. Un droit remarquablement bien adapté

Si l’ordonnance du 02 février 1945 est toujours d’actualité c’est sans doute parce que les principes qu’elle prévoit illustrent une conception très moderne de l’enfant (A), ce qui est permis par une articulation optimum des différents principes fondamentaux du droit pénal au sens large (B).

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