• Aucun résultat trouvé

2. L’APH DANS LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE

2.2 Les finalités

2.2.4 Une finalité socio-politique: l'acquisition de valeurs démocratiques

Cette finalité exprime l’ancrage du projet éducatif dans un projet politique qui, dans le cadre de nos institutions, est celui de la démocratie parlementaire. Une démocratie attachée à des valeurs démocratiques fondamentales (Martineau, 2010) faisant l’objet d’un consensus relativement fort dans la documentation scientifique sur la pensée historique. L’APH est relié à cette finalité considérant que l’histoire, comme discipline scolaire, est réputée contribuer au « bien commun », en vue d’une participation active de tous à la vie publique dans un esprit démocratique (Barton et Levstik, 2004; Lévesque, 2003, 2008; Martineau, 1997; Martineau et Laville, 1998; Peck et Seixas, 2008; Seixas, 1998a; Westhoff et Polman, 2007-2008). Elle s’articule, d’une part, aux valeurs démocratiques (respect, ouverture, tolérance, etc.): « Or la

démocratie, pour en arriver à celle que nous connaissons aujourd’hui, a coûté cher. Pour que ces valeurs fondent […] nos rapports sociaux et nos institutions, il leur en a coûté des sacrifices à ces générations qui, dans le passé, ont lutté pour en obtenir la reconnaissance! » (Martineau et Laville, 1998, p.35) Elle s’appuie, d’autre part, sur les savoirs relatifs à cet « itinéraire de la démocratie » (Idem.), considérés nécessaires à la participation et à la délibération démocratiques :

Au citoyen-sujet était enseigné le récit fondateur de la nation et les normes de l’ordre social en place. Ce qui était attendu, c’était d’y faire adhérer. Au citoyen-participant, on cherche plutôt à faire acquérir les savoirs et les savoir-faire nécessaires pour participer à la vie collective. L’éducation du citoyen demeure et elle repose encore sur l’enseignement de l’histoire. Mais c’est moins sur des contenus historiques ordonnés en un récit fermé, et plus sur l’histoire vue comme un mode de construction de savoirs sur le social. (Dagenais et Laville, 2007a, p.536)

Pour Lévesque (2008), la pensée historique représente un apport important dans l’instauration d’une « citoyenneté démocratique », car elle permet par la « pratique de l’histoire » de maîtriser les savoirs nécessaires à l’exercice de la citoyenneté. Comme l’expliquent Barton et Levstik (2004) : « From our perspective, history’s place in the curriculum must be justified in terms of its contribution to democratic citizenship – citizenship that is participatory, pluralist, and deliberative – and its practices must be structured to achieve that end » (p.40). La documentation scientifique reconnait donc généralement l’importance de l’APH au regard de cette finalité. Elle s’accorde autour du principe que la pensée historique permet de prendre part de manière plus responsable et éclairée au processus de délibération démocratique.

2.2.5 En résumé

Ce tour d’horizon de quatre finalités attribuées à l’enseignement des disciplines au secondaire a permis de circonscrire le cadre de notre réflexion. Au

regard de la finalité culturelle, nous avons pu constater des manières différentes de poser la question des savoirs nécessaires à l’exercice de la pensée historique. Une première approche, défendue dans la documentation francophone par Martineau (1997, 2010) et par Dagenais et Laville (2007a) consiste à concevoir l’histoire comme un langage composé de faits, de concepts et de modèles théoriques. Une deuxième approche, se retrouvant essentiellement dans la documentation anglophone en lien avec la seconde école britannique, illustre le rôle des concepts disciplinaires dans le développement d’une connaissance de la discipline historique. Finalement, de tradition nord-américaine, les savoirs procéduraux posent la question de cette connaissance sous l’angle de procédures spécifiques de la démarche historique.

La finalité psychologique associée à l’APH est établie de façon plus ou moins consensuelle dans la documentation scientifique en lien avec le développement d’une pensée critique. Une pensée qui repose sur la capacité à réaliser une prise de distance à l’égard des valeurs, des souvenirs et des préjugés partagés au sein d’une société d’appartenance. Nous avons constaté, cependant, que les construits mobilisés pour traduire ces croyances et ces savoirs intégrés par socialisation sont variables, selon qu’il est question de mémoire collective, de mémoire historique ou de conscience historique. En outre, la signification de ces construits diverge d’un chercheur à l’autre. Certains reconnaissent davantage le poids des pratiques sociales (commémoration), tandis que d’autres ciblent spécifiquement les événements et les faits de la mémoire.

La finalité de socialisation concerne l’acquisition de l’attitude et d’une intention d’agir historiques (Laville, 1979 ; Martineau, 1997). Ces dernières expriment la valeur de la démarche de l’APH et la pertinence sociale des comportements associés à la pensée historique. Le rôle de l’attitude est reconnu à travers l’interrelation de ses composantes cognitive et affective, favorables à la réalisation d’une démarche d’analyse de nature scientifique. Cependant, nous avons constaté que l’intention d’agir relative à cette attitude historique donne lieu à

différentes définitions dans la documentation scientifique : distanciation à l’égard des récits exprimant une mémoire collective, mise en œuvre de la démarche de l’historien, mobilisation de sa méthode et de ses concepts, participation aux délibérations de la vie collective, etc. Par ailleurs, ces définitions apparaissent pour la plupart en porte-à-faux des attentes sociales. Finalement, nous avons constaté un consensus à l’égard de la finalité socio-politique, visant la formation d’un citoyen éclairé par l’acquisition des valeurs fondant sa participation à la délibération démocratique.

Hormis cette finalité de nature socio-politique, nous retenons donc des avenues différentes pour définir les finalités culturelles, psychologiques et de socialisation relatives à l’APH. Il reste à savoir si – et de quelle manière – cette diversité est reconduite dans la documentation scientifique lorsqu’il est question du processus d’apprentissage. Un processus d’apprentissage qui est « l’objectif unique » de l’instruction scolaire, et qui est au fondement de la création des disciplines scolaires (Chervel, 1998). Cet apprentissage fait l’objet de la prochaine sous-section, consacrée à la médiation cognitive établie par l’APH.