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épistémologiques marquées par le paradigme de l’activité

3.2.1. Une approche qualitative, exploratoire et constructiviste

Etant donné les objectifs qui pilotent cette recherche, nous nous sommes engagée dans l’exercice dans une perspective exploratoire. Nous souhaitons rendre compte des processus mentaux à l’œuvre lors d’entretiens d’accompagnement menés par des conseillers pédagogiques. Nous formulons l’hypothèse que nous pouvons, grâce à une approche par l’activité, accéder à des éléments assez proches des processus mentaux présents dans la pensée des CP durant de telles situations et cela à partir d’une verbalisation de ce dont ils se souviennent avoir pensé aux instants sélectionnés. Par contre, nous n’avons pas formulé d’hypothèses en amont de la recherche. Notre objectif étant, à partir de ce matériau, d’accéder à l’activité mentale des sujets et notre premier enjeu a été d’identifier un outil qui nous permettait de l’approcher sans anticiper les formes qu’elle pouvait prendre.

Nous avons dès lors inscrit notre démarche dans une approche qualitative, répondant aux critères définis par Pierre Paillé et Alex Mucchielli :

« L’analyse qualitative, peut-être définie comme une démarche discursive de reformulation, d’explicitation ou de théorisation d’un témoignage, d’une expérience, d’un phénomène. La logique à l’œuvre participe de la découverte et de la construction de sens. Elle ne nécessite ni comptage, ni quantification pour être valide, généreuse et complète, même si elle n’exclut pas de telles pratiques. Son résultat n’est, dans son essence, ni une proportion ni une quantité, c’est une qualité, une dimension, une extension, une conceptualisation de l’objet. » (Paillé

& Mucchielli, 2003, p. 5)

La démarche discursive à laquelle font référence Pierre Paillé et Alex Mucchielli pour définir la démarche qualitative correspond selon eux à une mise en mots, c’est-à-dire, à une contextualisation sémantique qui utilise la différence pour percevoir « ce qui est significatif

dans des relations à d’autres choses ». Nommer, écrivent ces deux auteurs, « est un acte fondamental dans l’exploration de ce monde, dans l’inventaire et l’expérience du manifeste »

Nous avons vécu cette recherche comme une exploration avec les émotions que cela suppose liées aux multiples incertitudes qu’une approche exploratoire peut générer, tant dans la qualité des matériaux recueillis que dans la nature des produits issus de l’exercice de recherche. Très certainement, comme dans la majorité des recherches, le caractère itératif entre définition de l’objet, matériaux, démarches méthodologiques et références théoriques s’est fortement fait sentir. Cette recherche correspond donc à une rencontre entre un chercheur et un matériau permettant de construire une intelligibilité située d’un phénomène lui-même situé.

« En considérant que le chercheur est cet « être en projet » (intentionnalité de recherche) et qu’il est aussi un être structuré, on peut comprendre que l’essence de l’analyse qualitative est d’abord une émergence. C’est une émergence de sens qui nait de la rencontre de cet être structuré en projet d’avec la multiplicité des données en provenance de la situation problématique faisant l’objet d’une recherche. Il y a double émergence d’ailleurs. D’abord émergence de ces données qualitatives, car le chercheur les provoque en partie puis émergence d’une mise en ordre compréhensive des données, d’un sens explicatif global répondant à la problématique. » (Paillé & Mucchielli, 2003, pp. 26-27)

Nous avons, dès les prémisses de cette recherche, accepté notre implication en tant que sujet/acteur de la recherche. Nous n’avons nullement comme ambition d’offrir une vérité ou un accès au « réel ». Nous ne nous perdrons pas non plus dans une polémique sur la neutralité du chercheur. Nous appartenons à l’environnement de la recherche. Nous en faisons partie, au même titre que l’ensemble des auteurs acteurs - physiquement ou symboliquement présents. Notre présence, n’est certainement pas sans influencer notre objet et notre matériau. Par contre, nous imaginons qu’il est difficile d’impacter la nature de l’influence de notre présence. Précisons que nous ne travaillons pas sur la qualité des représentations des sujets ayant participé à cette recherche. En effet, que Pierre ou Lucien nous disent se souvenir avoir fait les choses de telle ou telle manière ou avoir pensé interagir de cette manière-ci ne nous amène pas à organiser une typologie des actes des agirs de l’accompagnement en en évaluant la qualité. Nous avons tenté d’approcher les processus mentaux à l’œuvre. Nous espérons dès lors que tous les mécanismes de désirabilité sociale, même s’ils ont été enclenchés lors de notre recueil (très probablement), n’interfèrent pas avec la nature des matériaux traités.

115 Par contre, notre personne est devenue un matériau à analyser au service de l’élaboration d’un outil de traitement des matériaux recueillis. Nous préciserons cela ultérieurement.

« L’activité de présence au monde, et a fortiori, l’analyse qualitative, sont donc toujours chargées symboliquement. Ceci signifie qu’il ne saurait y avoir, ni pour les acteurs, ni pour le chercheur, ni éventuellement pour le lecteur, de rapport univoque, direct et objectif, au phénomène étudié. (…) En principe l’analyse induite (par le témoignage de l’acteur), l’analyse construite par le chercheur et l’analyse comprise (par le lecteur) constituent trois univers symboliques différents. Le sens n’est donc pas nécessairement fluide d’un contexte à l’autre et peut donner lieu à des interprétations différentes. » (Paillé & Mucchielli, 2003, p.

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Notre démarche de recherche s’inscrit dans une approche constructiviste. Pour nous, une recherche sans chercheur et sans lecteur n’existe pas. Si nous concevons avec aisance, l’expérience aidant, qu’une recherche rencontre des univers symboliques différents, liés aux types d’acteurs impliqués dans la recherche (acteurs étudiés, acteur chercheur, acteurs lecteurs) concernant les références théoriques, épistémologiques et méthodologiques mais aussi les références linguistiques et les fonctionnements cognitifs et affectifs, et qu’à ce titre l’exercice de communication, que constitue l’écriture d’une thèse, réalise le défi de créer des rencontres « transculturelles », nous y percevons une opportunité créative, non seulement pour l’auteur de ce texte mais aussi pour les lecteurs, qui à leur tour, créeront du sens autour des propos tenus dans ce document, probablement bien différent de celui construit par l’auteure de ces lignes. En effet, si l’exercice de recherche se doit de répondre, évidemment aux normes de la rigueur scientifique, il correspond aussi à un exercice de création.

« Les objets de pensée construits par le chercheur en sciences sociales, afin de saisir la réalité sociale, doivent être fondés sur des objets de pensée construits par le sens commun des hommes vivant quotidiennement dans le monde social. De la sorte, les constructions des sciences sont, pour ainsi dire, des constructions du second degré, c’est-à-dire des constructions de constructions faites par les acteurs sur la scène sociale, dont le chercheur doit observer le comportement et l’expliquer selon les règles procédurales de sa science. L’étude du « fait humain et social » est donc radicalement différente de celle du « fait naturel »

puisqu’elle est réflexion sur un fait signifiant, déjà construit par une collectivité humaine. C’est un construit au second degré. » (Paillé & Mucchielli, 2003, p. 15)

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3.2.2. Une approche phénoménologique et