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d’accompagnement - les agirs mentaux

4.4. Assises théoriques et opérationnalisation des quatre faces de l’activité mentale de CP en situation

4.4.1. Les opérations de liaison

4.4.1.2. Constructions de catégories pour saisir les opérations de liaison

Lors du deuxième traitement, nous nous sommes engagée à nouveau dans une démarche de catégorisation conceptualisante et émergente : nous avons repris l’ensemble de nos unités de sens contenues dans les quatre entretiens et, pour chacune, nous avons repéré la nature de la liaison opérée par le conseiller pédagogique entre les ensembles convoqués, c’est-à-dire, entre les éléments mis en lien. Nous avons aussi repéré les ensembles associés et les sujets auteurs des éléments sur lesquels portaient les liaisons. Le développement qui suit illustre et explique ce travail.

Nous avons tenté d’identifier la nature de la liaison, sans a priori, dans une nouvelle lecture flottante (R. Mucchielli, 1988). Nous sommes arrivée à 22 possibilités de liaisons. Le tableau qui suit synthétise la nature des liaisons utilisées par Pierre.

Nous présentons ce tableau avec une référence supplémentaire aux différentes lignes (verbatims et leur analyse) concernées dans l’annexe 10.a. Pour chaque opération de liaison reprise dans le tableau ci-dessous, nous avons indiqué les lignes de l’analyse qui sont concernées. Cette annexe 10 présente l’ensemble de l’analyse de l’entretien de rétrospection de Pierre réalisée avec les composantes de la deuxième catégorisation. Afin de ne pas surcharger le texte nous le proposons en annexe. Mais les analyses présentées n’occupent pas

187 un statut anecdotique. Elles sont une illustration du travail systématique d’analyse qui est intégralement présenté en annexes et que nous ne pouvons présenter dans le coprs de ce texte, étant limitées par le nombre de pages.

Tableau 4: Nature des liaisons identifiées chez Pierre avec la deuxième catégorisation

Certaines liaisons n’apparaissent qu’une seule fois dans un entretien. C’est le cas de la liaison de « but » ou celle de « concession » ou encore celle de « gradation ». Voici les verbatims illustrant ces liaisons, extraits de l’annexe 10 (Fichier deuxième traitement de l'entretien de Pierre) :

Tableau 5 : Illustration d'objets mis en lien et des natures de liens qui les caractérisent

L’unité de sens, dégagée du verbatim 1 du tableau ci-dessus, semblait traduire une liaison de but entre deux ensembles (Annexe 10- Fichier deuxième traitement Pierre, ligne 64) : le premier ensemble est constitué par les représentations du conseiller sur « son projet d’agir » et le second ensemble est constitué par les représentations du conseiller pédagogique sur les « produits futurs de ce projet d’agir ». Pierre souhaite poser des actes qui présentent des caractéristiques spécifiques (apporter quelque chose à la directrice) dans le but d’arriver à une situation où la directrice se perçoit dans une dynamique productive par rapport à la situation qui lui pose un problème.

L’unité de sens, dégagée à partir du verbatim 2 du tableau ci-dessus, semblerait traduire une liaison de concession entre les deux ensembles suivants (Annexe 10- Fichier deuxième traitement Pierre, ligne 139) : (1) les représentations du CP sur les qualités de la situation d’accompagnement qu’il évalue négativement et (2) les représentations du CP sur son propre agir. Malgré son évaluation négative de la situation d’accompagnement (accompagnateur peu performant - pas assez d’écoute de la directrice selon Pierre-, directrice peu loquace, …), le CP conçoit qu’il peut poursuivre son activité d’accompagnement.

Le lien de concession est entendu « comme l’expression d’une cause qui n’a pas

été suivie de l’effet attendu. Par exemple Sandfeld (1936:370 § 223) écrit que « les propositions concessives marquent un fait qui normalement devrait

empêcher la réalisation d’un autre, mais qui n’a pas ou n’a pas eu cet effet ». » (Le Pesant, 2006, p. 63-64)

189 L’unité de sens, dégagée du verbatim 3 du tableau ci-dessus, traduirait une liaison de gradation entre deux temporalités d’un même ensemble (Annexe 10- Fichier deuxième traitement Pierre, ligne 174), à savoir, les représentations du conseiller pédagogique quant aux qualités de la situation d’accompagnement, qu’il évalue négativement. Plus Pierre avance dans son entretien d’accompagnement plus il se sent vivre de longues périodes « d’égarement » ou de « trouble », selon son témoignage, suite à une évaluation qui se renforce avec le temps quant au caractère sans issue de la situation d’accompagnement.

Nous tenons à préciser que ce ne sont pas nos évaluations, en tant que chercheure, qui sont présentées dans les lignes qui précèdent. Ce sont, à chaque fois, les représentations du conseiller pédagogique qui sont évoquées. Les verbatims, à eux seuls et particulièrement lorsqu’ils sont isolés du texte et du contexte dont ils sont issus, ne permettent pas nécessairement de repérer les contenus commentés par nous. Nous ne nous sommes pas basée sur le discours pour produire ces analyses. Nous avons beaucoup travaillé sur les entretiens de rétrospection filmés, de même que sur les traces de leur activité d’accompagnement, à savoir les entretiens d’accompagnement individuel, menés avec les directions. Pierre Paillé et Alex Mucchielli établissent, à ce propos, une nette différence entre l’analyse du discours et l’analyse basée sur une théorisation émergente :

« L’activité de catégorisation est probablement l’approche d’analyse qualitative qui se prête le mieux à l’étude de tous types de matériaux. A la différence d’une méthode d’analyse du discours, elle n’est pas outre mesure concernée par l’activité linguistique en tant que telle du sujet. Le langage, pour révélateur qu’il soit, n’est pas abordé sous l’angle de sa signifiance mais sous l’angle de sa « relevance », c’est-à-dire en tant qu’il donne accès, même imparfaitement, à l’expérience-dans-le-monde. Une certaine valeur de vérité est accordée au discours, qui est pris comme témoin de l’activité psychique, sociale et culturelle de l’acteur et non comme épiphénomène confiné à l’activité discursive, et révélateur uniquement de formations représentationnelles. » (Paillé & Mucchielli,

Nous reviendrons sur cette question ultérieurement.

Précisons que notre projet consistait, à ce moment-là, à étudier les fréquences de natures de liaisons et se déclinait avec les questions suivantes :

1. les natures de liaisons présentes le plus souvent pour chaque conseiller pédagogique ;

2. les natures de liaisons présentes le moins souvent pour chaque conseiller pédagogique ;

3. les natures de liaisons présentes chez un conseiller pédagogique et absentes chez un autre ;

4. les natures de liaisons identifiées le plus souvent pour chaque étape de l’enquête, 5. les natures de liaisons identifiées le plus souvent par objet d’enquête.

Ainsi, à travers notre exploration nous souhaitons identifier s’il existe une empreinte mentale qui caractérise :

a. les sujets

b. des étapes de l’enquête

c. ou encore les objets sur lesquels portait l’enquête

Parallèlement, nous souhaitions étudier les fréquences d’apparition des objets liés, c’est-à-dire des ensembles constituant les supports aux opérations de liaison. Dès lors, nous formulions les mêmes questions que précédemment, en remplaçant « nature de liaison » par « objet de liaison ».

Nous avons enfin, pour analyser les opérations de liaison mentale, identifié quels étaient, pour chacun des ensembles opérant dans la liaison, les sujets perçus par le conseiller pédagogique comme agissant. Par sujet agissant, nous entendons celui ou celle qui est perçu par le conseiller pédagogique comme auteur de la représentation de l’ensemble concerné. Ce sont les sujets auteurs des représentations sur chaque élément mis en lien.

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Tableau 6 : Illustration des sujets agissants

Pour le premier verbatim (Annexe 10- Fichier deuxième traitement Pierre, ligne 64), le sujet agissant est le même dans la représentation du CP pour les deux éléments de l’opération de liaison de but : c’est-à-dire lui-même. Par contre, pour le deuxième verbatim (Annexe 10- Fichier deuxième traitement Pierre, ligne 168), les éléments associés sont d’une seule et même nature, à savoir, le rapport entretenu aux qualités (caractéristiques) de la situation d’accompagnement. Pour le premier élément composant la liaison le sujet agissant dans les représentations du CP est l’accompagné, alors que, pour le deuxième composant de la liaison, le sujet agissant, toujours selon les représentations du CP, c’est lui-même. La comparaison est opérée par le conseiller pédagogique entre sa représentation de sa perception du rapport qu’entretient l’accompagné avec les qualités de la situation d’accompagnement et sa représentation de son propre rapport aux qualités de la situation d’accompagnement.

De même que pour les « natures de liaisons » et les « objets de liaison », nous souhaitions étudier les fréquences d’apparition des sujets agissants, c’est-à-dire des sujets « auteurs de représentations sur les objets mis en lien » dans les représentations du conseiller pédagogique. Dès lors, nous formulions les mêmes questions de recherche que celles formulées pour les « natures de liaisons », en remplaçant « natures de liaison » par « sujets agissant ».