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épistémologiques marquées par le paradigme de l’activité

3.2.4. Une approche par l’activité

3.3.4.2. Le sujet se manifeste et se construit dans l’activité

L’unité de la réaction, selon Mikhaïl I. Basov, « n’est pas la réaction mais l’acte qui traduit le lien entre le stimulus et la réaction ; par stimulus, on entend non seulement les réactions extérieures, mais encore les conditions intérieures, plus précisément psychologiques, de la vie de l’homme, notamment ses besoins et son expérience. L’activité est un ensemble d’actes obéissant à un but, c’est-à-dire au

résultat prévu par l’individu. » (Barabanchtchikov, 2007, pp. 43-44)

L’extrait qui précède promet une approche systémique de l’activité dans laquelle le sujet ne présente pas les caractéristiques d’un sujet générique, bien au contraire.

Ce qui est important dans le processus d’activité, écrira Vladimir Barabanchtchikov, c’est que ce qui change n’est pas seulement l’objet mais aussi la nature du sujet. Nous en déduisons qu’en agissant, le sujet non seulement transforme son environnement mais il se transforme

125 lui-même ou il agit sur lui-même. Il devient dès lors, lui aussi, une composante de l’environnement.

« L’action accomplie par l’homme n’est pas totalement isolée de l’acte : elle fait partie d’un tout plus vaste, celui de l’activité d’une personne donnée, et ne peut se comprendre qu’en relation avec elle. » (Rubinstein, 2007, p. 141)

Dès lors, dans une approche de l’activité, la connaissance n’existe pas en dehors du sujet connaissant, ce qui relève d’un autre paradigme des options cognitivistes que nous avons rencontrées.

« L’exigence qui veut que le connaissable en tant qu’objet soit indépendant de la conscience du sujet – si on la prend au sens strict – sous-entend obligatoirement que l’objet connaissable est indépendant de l’acte ou du processus de connaissance. » (Sergueï Leonidovitch Rubinstein, 2007, p. 246)

Contrairement aux approches traditionnellement inscrites en psychologie cognitive, dans une approche de l’activité, le connaissable en tant qu’objet est dépendant de la conscience du sujet et donc l’objet connaissable est dépendant du processus de connaissance. Le sujet connaissant, dans notre recherche, n’est autre que le conseiller pédagogique à qui nous demandons, alors qu’il est confronté aux traces de son activité, de verbaliser ce dont il se souvient avoir pensé.

« Prendre conscience des phénomènes et des évènements veut dire les inclure mentalement dans la relation au monde objectif, les voir et les percevoir dans cette relation. » (Sergueï Leonidovitch Rubinstein, 2007, p. 247)

« La conscience est non seulement le reflet du monde environnant, mais aussi le rapport de l’homme à ce monde. » (Sergueï Leonidovitch Rubinstein, 2007, p.

248)

Notre approche des processus mentaux nous amène à considérer les contenus des verbalisations des conseillers pédagogiques comme autant d’accès aux rapports au « monde objectif » des sujets. Finalement, que le sujet construise son souvenir au moment où il le verbalise n’est pas en soi un obstacle à l’étude des processus mentaux du sujet pendant l’entretien d’accompagnement, puisque nous nous inscrivons dans une approche où nous

avons besoin d’un accès au sujet connaissant et à son rapport à l’objet à connaitre ou à « conscientiser » pour accéder au connaissable.

Avec cette approche du sujet connaissant, ce sont les prémisses mêmes et la manière de poser les jalons de la recherche qui sont remis en question en regard d’une approche cognitiviste.

« Le fait que la conscientisation et donc la connaissance de quelque chose supposent une relation de sujet et d’objet crée de prime abord des difficultés insurmontables pour la connaissance du sujet, en ce sens qu’il s’agirait de transformer le sujet en objet. » (Sergueï Leonidovitch Rubinstein, 2007, p. 250)

Pour Sergueï L. Rubinstein, la manière de dépasser cette difficulté consiste à ne pas raisonner sur le sujet et l’objet de la connaissance « en général », « en tant qu’essences métaphysiques

quelconques par rapport auxquelles toute réalité est définitivement rattachée, mais bien sur des actes concrets de connaissance (ou de conscientisation) et leur objet. » (Sergueï

Leonidovitch Rubinstein, 2007, p. 251).

« En s’articulant sur une série d’actes concrets, le processus de conscientisation, peut prendre une à une, les différentes propriétés du sujet comme objet de conscientisation.

L’objet de la conscientisation et de la connaissance de soi n’est pas « pure conscience » - une conscience coupée de l’être matériel, réel de l’homme – mais l’homme lui-même dans l’intégrité indissoluble de son existence. Cela apparaît nettement dans la connaissance psychologique de soi où l’introspection, qui ne peut donner des résultats fiables que si elle procède à une comparaison des données de l’introspection et des données du comportement objectif extérieur et à leur interprétation en partant des relations réelles du sujet au monde environnant » (Sergueï Leonidovitch Rubinstein, 2007, p. 251)

Nous avons certes confronté le sujet aux traces de son activité (nous le développons ultérieurement dans le quatrième chapitre de cette troisième partie). Traces, qui selon le vocabulaire de Sergueï L. Rubinstein, peuvent être considérés comme les traces du comportement objectif. Nous avons aussi comparé les données des entretiens de rétrospection (ils seront décrits dans le quatrième chapitre de cette troisième partie) aux données issues des

127 traces d’activité. En cela, nous pouvons nous affilier à une approche par l’activité. Nous tenons cependant à préciser, que la confrontation et la comparaison des deux sources de données ne vise pas à accéder à un réel « objectif », car nous prolongeons les options postulées par Sergueï Leonidovitch Rubinstein et l’accès aux connaissances ne peut se faire que par une médiation humaine. Médiation, qui par essence est subjective. Le chercheur, dans sa lecture des évènements présents dans les traces d’activité et dans l’interprétation qu’il peut en faire n’est pas plus « fiable » que le sujet étudié ni plus objectif. Il nous semble cependant que la richesse d'une approche de l’activité réside dans le croisement opéré entre différentes sources de données.