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d’accompagnement - les agirs mentaux

4.1. Un exercice de réflexivité sur notre exercice de recherche

A l’origine de l’outil d’analyse, qui nous a permis d’approcher les activités mentales telles que nous les avons définies dans la troisième partie, se trouve un exercice réflexif que nous avons mené sur notre première catégorisation. Dans les lignes qui suivent nous avons fait le choix de présenter trois étapes significatives de notre traitement des entretiens de rétrospection. Cet exercice ne vise pas à retracer chronologiquement notre exercice de recherche. Nous avons choisi de présenter ces trois étapes de traitement de notre matériau car elles permettent d’informer le lecteur sur la nature des outils construits pour appréhender les activités mentales des conseillers pédagogiques en situation d’entretien individuel d’accompagnement de direction. En effet, nous ne disposions pas d’outils théoriques suffisamment construits qui puissent remplir une fonction de grille d’analyse des données pertinentes par rapport à notre objet, à savoir, l’étude des activités mentales de conseillers pédagogiques dans une situation d’accompagnement individuel d’une direction.

Nous inscrivant dans une approche constructiviste du savoir (A. Mucchielli & Noy, 2005), nous sommes consciente que le chercheur ne constitue pas un élément extérieur ou neutre à l’objet de sa recherche, il en fait partie au titre d’observateur mais aussi au titre de sujet configurant et construisant une intelligibilité autour d’un phénomène. Les activités mentales auxquelles nous nous intéressons existent par l’intérêt que nous leur portons et prennent la forme et les contours que nous leur attribuons. « On admet désormais que les faits n’existent

pas en soi et que le chercheur construit ses données en interaction avec son milieu d’étude. »

(Jodelet, 2003, p. 148). Nous n’avons pas comme ambition, ni comme posture, d’observer un phénomène qui existerait en dehors de nous ; c’est notre observation qui le fait exister. Dès lors nous avons « exploité la subjectivité inhérente à l’acte d’observation » (Pourtois & Desmet, 2007, p. 102). Nous pouvons dès lors considérer que notre modélisation de l’activité mentale est le produit d’un exercice réflexif réalisé à partir des produits de la première catégorisation destinée à approcher les activités mentales.

Par réflexivité, nous entendons l’exercice d’objectivation dans la construction de l’objet proposé par Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1984) et (Bourdieu, 2001) :

« En effet, pour le chercheur soucieux de ce qu’il fait, le code d’instrument d’analyse, devient objet d’analyse : le produit objectivé du travail de codification, devient sous le regard réflexif, la trace immédiatement lisible de l’opération de construction de l’objet, la grille qui a été mise en œuvre pour construire le donné, le système plus ou moins cohérent des catégories de perception qui ont produit l’objet de l’analyse scientifique,(…) » (Bourdieu, 1984, p. 18)

Comme nous le montrons dans la partie consacrée à l’élaboration des outils d’analyse lors de la deuxième catégorisation, nous avons analysé nos catégories issues du premier traitement de nos données. Nous les avons interrogées en questionnant les cadres qui nous amenaient à le faire sous cette forme. Nous sommes donc devenue, pour nous même, une source de matériau supplémentaire, avec les outils élaborés pour réaliser le premier traitement des entretiens de rétrospection (première catégorisation produite pour approcher les activités mentales), en plus de ces derniers. Nous n’avons pas réalisé cet exercice réflexif a posteriori. Il s’est imposé à nous car notre premier travail ne nous satisfaisait pas. C’est ainsi que nous inscrivons notre démarche dans la proposition de Pierre Bourdieu quand il écrit :

« Pour être en mesure d’appliquer à leur propre pratique les techniques d’objectivation qu’ils appliquent aux autres sciences, les sociologues doivent convertir la réflexivité en une disposition constitutive de leur habitus scientifique, c’est-à-dire une réflexivité réflexe, capable d’agir non ex post, sur l’opus operatum, mais a priori, sur le modus operandi (disposition qui interdira par exemple d’analyser les différences apparentes dans les données statistiques à propos de différentes notions sans interroger les différences cachées entre les catégories d’analyse ou les conditions de collecte des données liées aux différentes traditions nationales qui peuvent être responsables de ces différences ou de leur absence). » (Bourdieu, 2001, p. 174)

Même si notre travail ne peut être classé dans une approche sociologique, nous avons appliqué les principes de la réflexivité-réflexe à notre exercice de recherche ce qui nous a permis d’agir sur l’objet même de notre travail et de construire des outils d’analyses cohérents par rapport à notre objet. Par cet exercice réflexif, nous rencontrons deux principes présentés

169 par Alex Mucchielli et Claire Noy, caractéristiques des approches constructivistes du savoir. D’une part, le savoir est le fruit d’une interaction du sujet producteur de savoir et de l’objet du savoir (les deux auteurs cités ci-dessus ne distinguent pas savoir et connaissance):

« La connaissance exprime l’intelligence de l’expérience du sujet connaissant, et cette interaction du sujet et de l’objet qu’elle représente. Le sujet ne connait pas de « choses en soi », mais il connait l’acte par lequel il perçoit l’interaction entre les choses. » (A. Mucchielli & Noy, 2005, p. 33)

D’autre part, le savoir établi et le processus d’élaboration du savoir qui l’établit se structurent réciproquement :

« Il y a récursivité de ce qui est en train de se construire sur les processus de la construction elle-même. Cette propriété découle du fait que la connaissance est à la fois un processus et un résultat. La connaissance est donc identifiée au processus qui lui donne naissance autant qu’au résultat de ce processus. Elle est un processus actif produisant le résultat. Elle est autant opérateur qu’opérande. »

(A. Mucchielli & Noy, 2005, p. 34)

Dès notre première analyse, nous avons tenté « d’accéder au sens » du vécu mental dans son existence processuelle et nous nous sommes appliquée à « en conceptualiser l’essence, d’en

extraire le sens, d’en proposer une théorisation » (Paillé & Mucchielli, 2003, p. 147). En

d’autres termes, nous avons inscrit notre démarche de recherche dans un exercice de théorisation émergente et relevant d’une approche phénoménologique. C’est ce que nous abordons dans les pages qui suivent.

4.2. Identifier les activités mentales à partir d’un