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service de la « professionnalisation » des enseignants

1.3. Les travaux menés sur l’accompagnement dans le champ scolaire

1.3.1. L’accompagnement : fonction, métier, posture, situation, ou

activité ?

La notion d’accompagnement existe dans une richesse sémantique qui peut convier celui qui l’utilise à ressentir la nécessité de préciser l’usage qu’il fait de ce terme. Une des stratégies possibles consiste à lui adjoindre un autre terme. Dans les lignes qui suivent nous présentons quelques associations que nous avons relevées à partir d’usages issus du quotidien ou de la littérature scientifique.

Le terme d’accompagnement peut être associé avec le terme « fonction ». On obtient alors fonction d’accompagnement. Dans plusieurs nouveaux programmes de formation, il est question de former les personnes de manière à leur permettre d’assumer des « fonctions d’accompagnement » telles qu’identifiées dans les métiers de l’orientation (bilans de compétences, gestion des parcours professionnels, reconnaissance et validation des acquis de l'expérience,…), dans certains métiers de l’enseignement ou de la formation (suivi de stages, médiation scolaire,…) et dans l’animation de démarches d’analyse des pratiques. Maela Paul explique la fonction d’accompagnement comme l’inscription institutionnelle d’une relation (Paul, 2004, p. 118) qui prend une forme particulière.

Parfois c’est le terme « métier » qui sera associé au terme d’accompagnement et les auteurs traiteront alors de métiers d’accompagnement ou de métiers de l’accompagnement. Ainsi, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique en France) recrute toute une série de mécaniciens, de secrétaires, d’informaticiens, de verriers, d’animaliers, de chimistes et bien d’autres encore comme ingénieurs ou techniciens, qu’il définit comme « métiers d’accompagnement de la recherche ». Ces professionnels sont destinés à accompagner les chercheurs dans leurs activités de recherche. « Est-on accompagnateur ou fait-on de

l’accompagnement ? » écrivent Michel Vial et Nicole Mencacci (Vial &

43 On parlera aussi de « dispositif d’accompagnement ». L’accent est alors mis sur l’articulation des ressources conçues et mobilisées pour réaliser l’accompagnement. Dans la même veine, certains auteurs parleront de « processus d’accompagnement ».

Est aussi convoquée la notion de « posture d’accompagnement », quand un professionnel occupe un poste dans lequel se côtoient plusieurs dimensions et qu’il est amené à endosser des rôles variés. Evelyne Charlier, Karine Dejean et Jean Donnay écrivent à propos du chercheur en éducation répondant à des appels d’offre de recherches commanditées par les autorités publiques que « suivant les tâches et les moments, les différentes postures de

chercheur, d’accompagnateur ou d’acteur social peuvent entrer en tension, une position peut prendre le pas sur les autres. » (Charlier, Dejean, & Donnay, 2004, p. 137)

Les usagers du terme en perçoivent toute la richesse car parfois ils se sentent dans l’obligation de préciser l’option paradigmatique de l’accompagnement, comme c’est le cas pour l’accompagnement socioconstructiviste (Lafortune & Deaudelin, 2002) proposé par Louise Lafotune et Colette Daudelain qui distinguent les compétences qu’elles attribuent à tout accompagnement des compétences qu’elles associent à l’accompagnement socioconstructiviste.

Parfois le produit de l’accompagnement est défini quand les auteurs précisent, par exemple : « l’accompagnement des acteurs vers un processus d’auto-questionnement » (Pillonel & Rouiller, 2004) ou encore « l’accompagnement en éducation, un soutien au renouvellement des pratiques des enseignants » (L'Hostie & Boucher, 2004).

Enfin, certains auteurs associent activité à accompagnement et se donnent comme objet d’étude l’accompagnement mais comme une activité (Robin & Vinatier, 2011). Dès lors se pose la question de ce qu’est l’activité d’accompagner ? Comment rendre compte de cette activité ?

Malgré sa polysémie, l’usage et le développement du terme « accompagnement » dans divers champs de l’enseignement et de la formation n’est probablement pas le fruit du hasard. A l’instar d’autres auteurs (Paul, 2004), (Le Bouedec & Pasquier, 2001), (Vial & Caparros-Mencacci, 2007) nous formulons l’hypothèse qu’il témoigne de mutations sociales importantes, que nous associons aux modes contemporains de production des richesses. D’où la nécessaire adaptation des institutions en charge de la formation professionnelle dont les

missions consistent à concevoir et à organiser l’acculturation des travailleurs à ces nouveaux modes de production et aux nouvelles organisations sociales qui en découlent. Le développement d’activités d’accompagnement ne traduirait-il pas l’une des stratégies investies par ces organismes de formation ?

Dominique Glasman interroge les contextes d’émergence de l’usage de l’expression « accompagnement scolaire » plus « homologuée par les instances financeuses » à l’usage de l’expression « soutien scolaire », c’est-à-dire « ce qui est organisé en dehors de l’Ecole, à sa périphérie, sous un mode non marchand » (Glasman, 2001, p. 2).

Cet auteur écrit qu’il : « correspond à une façon de désigner les relations que le

travail social, rompant avec la logique de l’assistance et du contrôle, entend désormais entretenir avec sa « clientèle ». Le terme d’accompagnement désigne une nouvelle modalité de l’action publique, dans laquelle l’individu aidé est moins un ayant droit impersonnel qu’un cas singulier, et dans laquelle l’individu aidant se trouve plus engagé dans sa personne. » (Glasman, 2001, p. 51)

Euphémisation d’un rapport de force ? La prédilection par les acteurs sociaux de l’usage d’un tel terme peut aussi « indiquer une voie à suivre, choisir un positionnement vis-à-vis de l’autre ou imposer un regard sur l’action » (Glasman, 2001, p. 52).

Que nous disent les écrits sur l’accompagnement ?

L’exploration à laquelle nous nous sommes livrée, de la littérature francophone (le terme ne possède pas d’équivalent anglais) traitant de l’accompagnement dans les champs scolaire et de la formation, ne poursuit pas comme ambition de proposer une définition de l’accompagnement. Par contre, nous nous sommes donné comme objectif d’identifier la manière dont la recherche s’est emparée de cette notion pour en faire un objet de recherche et de situer par là-même notre propre projet.

1.3.2. Natures des écrits

Nous avons rencontré quatre types d’écrits. Les premiers relèvent de témoignages de d’enseignants/formateurs qui peuvent être à la fois chercheurs et qui décrivent, parfois sur un format réflexif, des pratiques d’accompagnement. Les deuxièmes relèvent de présentations et/ou d’analyses de dispositifs, pour lesquels ils ne sont pas nécessairement impliqués ni dans

45 la conception ni dans l’opérationnalisation. Les troisièmes types d’écrits concernent des formalisations de pratiques d’accompagnement et les quatrièmes relèvent de recherches théoriques et/ou empiriques.

1.3.3. Objets traités dans les écrits

Les objets traités dans ces écrits sont eux aussi variés. Nous avons relevé des écrits qui questionnent les enjeux personnels à développer une démarche d’accompagnement comme le fait, par exemple, Mireille Cifali (Cifali, 2010). D’autres écrits traitent des objectifs visés par l’accompagnement individuel. Prenons pour exemple Claudine Blanchard-Laville qui définit l’accompagnement de ses étudiants comme l’opportunité de rendre possible des « élaborations de pensée », « rendre pensantes les pensées », « autoriser profondément l’étudiant à être en train de penser et non à être en train de savoir qu’il pense » mais aussi accompagner les productions « à rencontrer l’univers de la réalité sociale et professionnelle » (Blanchard-Laville, 2010, p. 77). Certains écrits interrogent les facteurs influençant les performances de l’accompagnement comme par exemple les configurations sociales, le rôle des accompagnés, le rôle du ou des accompagnateurs (Blanchard-Laville, 2010) ou encore la culture pédagogique nécessaire à l’accompagnement (Lafortune & Martin, 2004). D’autres encore, interrogent l’usage d’options d’accompagnement marquées par un contexte ou une discipline dans un contexte professionnel d’enseignants : « Je me questionne depuis longtemps sur la possibilité d’un dispositif clinique d’orientation psychanalytique, sur le lieu de travail des participants. » (Pechberty, 2010, p. 105). Nous avons aussi relevé des écrits qui traitaient de la compatibilité des professions exercées par les acteurs assumant une fonction d’accompagnement (enseignant universitaire,…) avec une démarche d’accompagnement (Cifali, Blanchard Laville), (Demailly, 2004) ou encore les apports spécifiques de ces acteurs à l’accompagnement dans des contextes spécifiques :

« Le but de cet ouvrage (…) est d’identifier quels sont les apports et les limites de la recherche et de l’expertise formulée par des chercheurs, notamment lors de l’accompagnement dans la prise de décisions au regard des innovations et des réformes en éducation. » (Pelletier, 2004b, p. 9)

D’aucuns interrogent l’articulation de l’intervention d’acteurs différents dont certains sont définis ou se définissent comme accompagnateurs (Pillonel & Rouiller, 2004). Dans certains

écrits nous avons relevé que l’objet principal consistait à la présentation de la formalisation de gestes professionnels déployés par les acteurs assumant une forme particulière d’accompagnement (Gélinas, 2004). Certains travaux s’offrent à identifier les dynamiques relationnelles entre l’accompagnateur et l’accompagné. Certains écrits traitent des effets de l’accompagnement proposé par des chercheurs à des enseignants (Dionne, 2004), d’autres traitent des effets de l’accompagnement sur les enseignants en souffrance dans leur rapport identitaire aux élèves (Giust-Desprairies, 2010). Il peut s’agir aussi de repérer des questionnements forts qui traversent la vie professionnelle d’accompagnateurs (Gaté & Charrier, 2011). Enfin, certains écrits vont adopter un angle plus macro et interroger l’usage social ou scientifique du terme d’accompagnement (Glasman, 2001).

1.3.4. « Ce qui » ou « celui ou celle qui » est accompagné(e)

Les sujets accompagnés sont les plus variés. Il sera bien sur question d’accompagner des personnes comme les enseignants, les stagiaires, les étudiants, les novices (Simon, 2004), les conseillers pédagogiques mais il sera aussi question d’accompagner des productions (Blanchard-Laville, 2010), un processus de création (Chaîné, 2010, p. 57) ou encore une innovation (Pillonel & Rouiller, 2004). Selon les sujets de l’accompagnement, il se décline, nous semble-t-il, des conceptions diverses de ce qu’est accompagner. En effet, la focale n’est pas la même si on accompagne des personnes (focale subjective), des productions (focale normative), un processus (focale pédagogique et/ou didactique) ou encore une innovation (focale performative).

1.3.5. Fonctions des productions sur l’accompagnement

Les différentes productions sur l’accompagnement poursuivent des fonctions variées. Une première fonction vise à cerner, comprendre, définir l’accompagnement. C’est le cas, par exemple, de Maela Paul qui propose une clarification conceptuelle et un étayage du sens de la notion d’accompagnement (Paul, 2004). C’est le cas aussi de Michel Vial et de Nicole Caparros-Mencacci qui déplient la relation qu’entretiennent les milieux professionnels à la notion d’accompagnement (Vial & Caparros-Mencacci, 2007). Certains travaux abordent des angles très spécifiques pour tenter de saisir l’accompagnement. C’est le cas, par exemple, de travaux qui tentent de préciser les dimensions éthiques (Bourassa & Théberge, 2010, p. 55) ou encore ceux qui abordent les questions des dimensions maitrisées par l’accompagnateur

47 (Pechberty, 2010, p. 99). Certains auteurs utiliseront l’analyse de leur propre expérience d’accompagnateur pour tenter de cerner l’accompagnement (Bourassa & Théberge, 2010, p. 41).

Une deuxième fonction que nous avons identifiée n’est autre que la promotion de dispositifs d’accompagnement ou de certaines formes prises par l’accompagnement (Lafortune & Deaudelin, 2002). Certains écrits poursuivent plusieurs fonctions à la fois, comprendre l’accompagnement (ou une de ses dimensions) tout en réalisant la promotion d’un certain type de dispositif par exemple (Chaussecourte, 2010).

La troisième fonction que nous avons identifiée est celle de proposer des guides pour l’action. C’est le cas par exemple avec Guy Pelletier et ses huit constats (Pelletier, 2004a, pp. 33-34). Ce rapide tour d’horizon d’écrits sur l’accompagnement nous permet de préciser le projet de notre recherche. Nous pouvons dire que nous emboitons le pas aux travaux qui étudient l’accompagnement comme une activité. C’est, en effet, l’activité d’accompagnement qui nous intéresse et cela dans un contexte bien particulier qui est celui du conseil pédagogique. Souhaitant nous inscrire dans la lignée des travaux qui tentent de développer une intelligibilité autour de ce phénomène, nous choisissons une porte d’entrée bien spécifique, à savoir comprendre une situation d’accompagnement du point de vue des activités mentales. Dans notre exploration des travaux menés sur l’accompagnement, nous n’en n’avons pas rencontré qui s’y intéressent du point de vue des processus mentaux. Il nous faut donc nous engager dans une voie, à notre connaissance, peu ou pas encore explorée.

1.4. L’activité mentale : un processus à saisir dans sa