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2. Des agences administratives ?

2.2 Un revers de fortune

La position subordonnée des municipalités face aux provinces se reflète, à plusieurs égards, dans les rapports intergouvernementaux qu’elles entretiennent dans le cours ordinaire de la vie politique. L’anecdote que racontent Katherine A. Graham et ses collègues, au début d’une analyse consacrée à cet enjeu, illustre parfaitement cette dynamique (1998, 171). Au moment de son entrée en poste en 1992, le nouveau ministre des Affaires municipales de l’Alberta s’étonnait de devoir approuver le nouveau logo choisi par une petite Ville située en banlieue d’Edmonton. Surpris par cette demande, le politicien apprenait aussitôt que la législation en vigueur requérait des corporations locales qu’elles obtiennent l’assentiment du ministre des Affaires municipales avant de changer leurs armoiries ou leurs emblèmes. Au cours de ce mandat, le gouvernement albertain procéda à une réforme du système municipal qui concéda aux gouvernements locaux des pouvoirs d’action accrus. Comme le concluent les auteures de l’ouvrage, cet épisode témoigne de la nature des rapports entre les municipalités et les provinces tels qu’ils s’étaient développés jusqu’alors, ainsi que la nouvelle direction vers laquelle ils s’orientaient.

Plusieurs des politologues qui s’intéressent aux relations entre les municipalités et les provinces les décrivent en reprenant l’expression articulée par J. Stefan Dupré pour les définir, soit des relations « hyperfragmentées » de « quasi-subordination » (1968, 1 ; consulter aussi Andrew 1995, 137 ; Graham, Philips et al. 1998, 172 ; et Turgeon 2006, 405). Cette expression renvoie tout d’abord aux principaux effets politiques de la position constitutionnelle des municipalités exposée dans l’introduction de cette thèse. Ensuite, il se réfère au fait que ces interactions impliquent plusieurs agences administratives, qui relèvent de la corporation municipale ou du gouvernement provincial. Il s’agit par exemple des agences spécialisées chargées d’administrer ou de fournir certains services publics à l’échelle locale ou régionale, des différents ministères, ou encore des commissions municipales.

Envisagée dans une perspective historique, cette position de quasi-subordination apparaît un peu comme un revers de fortune. Au moment de son adoption, le Municipal Corporations Act de 1849 était perçu comme une mesure accordant une autonomie gouvernementale considérable aux collectivités locales du Haut-Canada (Atchison 1949 ; Whebell 1974, 1989). La législation conférait le droit à leurs habitants de « gérer leurs propres affaires », comme on le disait à l’époque, par l’entremise d’une corporation gouvernée par des dirigeants élus démocratiquement. Dans les décennies qui suivront, les provinces du dominion adopteront l’une après l’autre, et parfois dans la controverse35, des lois municipales modelées sur le Baldwin Act, que l’on n’hésitait pas à comparer à la Magna Carta (Anderson 1979, 84).

Les décennies qui ont suivi l’entrée en vigueur du Baldwin Act et des lois qu’il a inspirées sont parfois décrites comme une sorte « d’âge d’or » de l’autonomie locale au Canada36. Cette réforme aurait non seulement imposé la responsabilité des gouvernants devant les gouvernés, mais 37elle serait plus généralement parvenue à augmenter la part du pouvoir consenti aux membres d’une classe moyenne de plus en plus importante, formée de petits propriétaires

35 L’historien Éric Bédard rappelle que les débats provoqués par l’établissement d’un système municipal, dans la

foulée de la publication du Rapport Durham, divisaient les forces politiques réformistes canadiennes-françaises au milieu du dix-neuvième siècle. Comme il l’écrit : « Dans les rangs réformistes, l’enjeu du self-government ne fait pas l’unanimité. [Louis-Hippolyte] Lafontaine et [Auguste-Norbert] Morin semblent moins inquiets que [Pierre-Olivier] Chauveau et [Étienne] Parent de voir le plus grand nombre participer aux décisions politiques. En cela, les premiers font peut-être écho à l’esprit républicain de 1837, alors que les seconds semblent juger que le peuple n’est pas encore prêt à se gouverner lui-même » (2012, 121). D’autres travaux relatent plutôt que les Canadiens français se sont montrés hostiles aux institutions municipales nouvellement implantées dans la colonie puisqu’ils les considéraient comme des « machines à taxer » (consulter plus précisément Dagenais 2009 et L’Heureux 1979). Pour un aperçu général de la structure politique montréalaise et de la vie politique de la métropole durant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, voir notamment Fougères (2012b). Pour un aperçu global de la situation au Québec, Baccigalupo (1990, 14-17).

36 Par exemple, l’historien John C. Weaver décrit les conséquences politiques du mouvement réformiste (1880-

1920) dans les termes suivants : « The notion that the city constitued a community, a human environment, was pushed further into the background with the rise of overwhelming technical and business concerns. Civic government was moving away from the ideal described by the author of the 1849 Municipal Corporations Act, Robert Baldwin, who had suggested that local government should serve as a school for democracy » (1984, 473). John H. Taylor (1984) interprète aussi le développement du système municipal canadien à partir du début du vingtième siècle comme un mouvement de déclin de l’autonomie locale. L’analyse plus récente d’Andrew reconnaît elle aussi que le Baldwin Act accordait une autonomie considérable aux corporations municipales, qui s’est effritée dans la foulée du mouvement réformiste (1995, 138-147).

37 Jusqu’à l’adoption du Baldwin Act de 1849, les juges de paix se présentaient comme les principales autorités

décisionnelles en matière d’administration des collectivités locales, c’est-à-dire des agents nommés par le Gouverneur de la colonie nord-américaine (Atchison 1949 ; Whebell 1974, 1989).

fonciers, d’hommes d’affaires et de membres des professions libérales, au sein de l’appareil gouvernemental, au détriment du pouvoir que possédait alors l’élite politique coloniale. Les corporations municipales apparaissaient dès lors comme des institutions à l’aide desquelles ces individus faisaient avancer leurs intérêts, en exerçant un contrôle important sur la vie économique et sociale de la localité qu’ils habitaient.

Les auteurs des récits relatant le déclin de l’autonomie locale et la construction de l’État canadien soulignent habituellement que, durant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, une part considérable des responsabilités gouvernementales étaient assumées par les municipalités (Gow 1986, 40-41 ; Hodgetts 1995, 26-27). Ces corps politiques disposaient alors d’un champ d’action très étendu. Ils réglementaient le commerce et le travail, les usages de la propriété foncière et les mœurs des citoyens. Ils administraient également des services tels que le secours aux pauvres ou l’instruction primaire, en plus de veiller au maintien de l’hygiène et de la sécurité publique. Ils pouvaient aussi entreprendre des travaux de construction ou d’entretien d’infrastructures collectives, comme celles des routes, des ponts, ainsi que des réseaux d’égouts et d’aqueducs. Les règles énoncées dans les lois et les chartes municipales étaient alors considérées comme des « habilitations », plutôt que des prescriptions ou des obligations statutaires (consulter également Taylor 1984, 481). Ainsi, elles spécifiaient habituellement que la corporation municipale pouvait adopter tous les règlements qu’elles jugeaient nécessaires à la préservation de la paix, de l’ordre, du bon gouvernement et du bien-être de la collectivité locale. Dans ce contexte, les municipalités apparaissent telles des corps politiques dotés de pouvoirs « quasi résiduaires », qu’elles exerçaient de façon « discrétionnaire », mentionne Taylor.

Paradoxalement, l’urbanisation de la population canadienne au cours du vingtième siècle aurait provoqué le déclin de l’autonomie locale. Les problèmes sociaux et économiques engendrés par ce phénomène auraient effectivement entraîné l’effritement des pouvoirs exercés par les corporations locales, en plus de favoriser le développement de mécanismes de contrôle à l’aide desquels les paliers supérieurs de gouvernement cherchaient à limiter la capacité d’action des municipalités. Au fil de ces changements sociaux et économiques, les collectivités locales se sont donc trouvées dépourvues d’institutions dotées de pouvoirs leur permettant de se

gouverner par elles-mêmes. Dans cette perspective, la construction d’un imposant appareil administratif, relevant directement de l’autorité du cabinet, tant à l’échelle provinciale que fédérale, apparaît comme le résultat d’un processus graduel de dépossession des collectivités locales de leur autonomie politique, qu’elles exerçaient par l’entremise des corporations municipales.

À l’époque, ces corps politiques s’avéraient parfois mal équipés pour répondre efficacement à certains problèmes sociaux, économiques et techniques engendrés par ces phénomènes historiques38. L’accroissement rapide de la population causait des pénuries de logements dans les villages et les villes, alors que sa concentration dans des espaces restreints, conjuguée au piètre état du réseau édilitaire, facilitait la propagation d’épidémies et de maladies infectieuses. Les fluctuations économiques provoquaient, quant à elles, des épisodes de chômage. De plus, les changements technologiques, combinés à l’expansion territoriale des régions urbaines, exerçaient aussi d’importantes pressions sur les ressources municipales. Il fallait construire des routes afin de relier les nouveaux quartiers au centre-ville, développer le réseau de transport en commun, ainsi qu’étendre le système d’égouts et d’aqueducs vers ces localités périphériques.

À compter de la fin du dix-neuvième siècle, les municipalités ne parvenaient plus à remplir ces fonctions adéquatement. La politique expansionniste (boosterism) alors poursuivie par de nombreux conseils municipaux les plaçait dans une situation financière extrêmement précaire39. Pour stimuler l’activité économique, ils offraient souvent aux industriels et aux commerçants des subventions ou des congés de taxe, en plus d’investir massivement dans la construction d’infrastructures et l’aménagement du territoire, de façon à rendre leur collectivité locale plus attrayante. Ces initiatives étaient surtout financées par le recours au crédit privé. Les

38 Les lignes qui suivent résument les analyses des réponses politiques apportées à ces problèmes, et plus

généralement les actions du mouvement réformiste, qu’on trouve notamment chez : Dagenais (1999) ; Fougères et Shaffer (2012) ; Heaman (2015, 149-151); Germain (1983) ; Guest (1995, 53-54) ; Linteau (1992, 211-228 et 253-265) ; Rutherford (1974 ; 1984) ; Weaver (1977; 1984).

39 Pour un tour d’horizon de la politique d’expansion, voir notamment Artibise (1984) ; Bloomfield (1983);

Linteau (1981 ; 1992, ch. 3-4) ; Rudin (1982) ; Magnusson (1983, 9-13). On trouvera aussi une analyse des dynamiques politiques à l’œuvre à Montréal à cette époque dans l’ouvrage dirigé par Fougères (2012, consulter précisément ch. 9, 10 et 11).

municipalités espéraient alors pouvoir s’acquitter de leurs obligations envers leurs créanciers en tirant profit de l’éventuelle croissance économique, qui devait notamment se traduire par la création d’emplois, et par conséquent l’élargissement de leur base de taxation. Or, sitôt une période de ralentissement ou de stagnation économique arrivée, elles recouraient à de nouveaux emprunts. Plusieurs corporations municipales canadiennes se sont alors trouvées dans l’incapacité de procéder à de nouveaux emprunts, ou de refinancer leurs dettes. Par conséquent, elles ne pouvaient plus assumer les coûts représentés par les biens et services qu’elles devaient pourtant offrir afin de poursuivre leur stratégie de développement ni pourvoir aux principaux besoins de leur population.

C’est dans ce contexte que les gouvernements provinciaux ont graduellement resserré les contrôles sur les administrations municipales. Trois développements témoignent de l’accentuation de leur emprise40. Premièrement, plusieurs réformes ont été apportées à la structure institutionnelle des corporations municipales. Au cours de cette période, des commissions, des corporations ou des trusts ont été formés afin d’assumer des fonctions telles que l’éducation primaire, les services de police et de prévention des incendies, la santé publique, le pavage et l’éclairage des rues, les transports en commun, la construction et l’entretien d’égouts et d’aqueducs, la production et la distribution d’électricité, l’application des règles de zonage et d’urbanisme. Ces corps politiques étaient dirigés par des conseils, composés des titulaires de charges publiques spécifiques, comme les maires ou les chefs de police par exemple, de même que par des représentants nommés par les gouvernements provinciaux ou les municipalités. De plus, ces instances étaient assistées par des bureaucrates et des professionnels, dont l’expertise permettait de planifier et de mettre en œuvre des interventions qui savaient mieux répondre aux besoins des localités dans lesquelles elles étaient implantées. Finalement, les pouvoirs de ces organismes s’étendait à l’échelle du village, de la ville ou même d’une région métropolitaine. Par la création des corps politiques spécialisés, les réformistes espéraient en somme favoriser la réalisation du bien public par le contournement du patronage et du système des quartiers. La stratégie consistait essentiellement à retirer des responsabilités aux conseils

municipaux corrompus, pour les placer entre les mains d’organisations relativement indépendantes.

Durant la même période, la structure des conseils municipaux a aussi subi des modifications. Dans le but de limiter les pouvoirs des conseils, les modes de désignation des maires ont fait l’objet de réformes (Tindal, Tindal, Stewart et Smith 2017,49-53). Plutôt que de laisser aux conseillers les soins de choisir un maire parmi eux, les lois municipales provinciales ont progressivement instauré l’élection du maire par l’ensemble des électeurs éligibles qui habitaient le territoire délimité par les frontières de la municipalité. La fragmentation de la vie politique locale, qu’induisait le « système des quartiers », serait ainsi contrée par l’élection d’un exécutant qui agirait au nom de la ville dans son ensemble et qui serait désormais doté de pouvoirs généraux lui permettant de veiller à la bonne gestion des affaires municipales. Parallèlement à ces réformes, au tournant du vingtième siècle, plusieurs des fonctions assumées auparavant par les conseils ont été transférées à des « commissions de contrôle ». Parmi ces fonctions, les historiens recensent notamment l’élaboration du budget, la nomination des directeurs des départements et des hauts fonctionnaires des corporations locales, de même que l’attribution des contrats publics. Ces comités auraient donc assuré des fonctions que les théories constitutionnelles associent habituellement au « pouvoir exécutif ». À l’origine, les personnes qui siégeaient à la table de ces comités exécutifs étaient sélectionnées parmi les membres du conseil municipal. Peu à peu, à l’image des maires, les conseillers ont été remplacés par des dirigeants élus directement par les habitants du territoire de la municipalité. C’est aussi au cours de cette période que les corporations locales ont amorcé un processus de bureaucratisation, qui répondait d’une même volonté d’éliminer le patronage et de gouverner les affaires locales au moyen de l’expertise.

Deuxièmement, les gouvernements provinciaux ont tour à tour institué des organismes dont le principal mandat consistait à encadrer l’administration des affaires municipales en général et à réguler leur gestion financière en particulier (Crawford 1954, 346-355 ; Taylor 1984). Des postes de commissaires provinciaux aux Affaires municipales, qui se transformeront dans plusieurs cas en ministères, seront établis afin de surveiller les pratiques des dirigeants locaux. Désormais, les municipalités devaient obtenir l’autorisation de ces agents, qui relevaient

du cabinet provincial, afin de contracter des emprunts auprès d’institutions financières, ou encore de présenter des budgets déficitaires. Les commissaires municipaux disposaient souvent de pouvoirs d’enquête, qui leur permettaient d’examiner la conduite des élus locaux et de les sanctionner au besoin. Avec le temps, ces organismes ont été dotés de pouvoirs leur permettant de veiller au respect des règles encadrant la pratique du zonage, d’édicter dans les législations municipales provinciales, et même de réguler la perception des taxes municipales. Les décisions rendues par les régulateurs ne pouvaient pas faire l’objet de contestation judiciaire. Au cours des premières décennies du vingtième siècle, les gouvernements provinciaux créèrent aussi des ministères des Affaires municipales, dont les fonctionnaires devaient assister les administrations municipales dans l’exercice de leurs principales fonctions.

Troisièmement, les provinces mirent sur pied de nouveaux mécanismes de financement de municipalités (Crawford 1954 ; Taylor 1984, 485-487; Gow 1986, 175-179 ;Tindal, Tindal, Stewart et al. 150). Elles limitèrent leurs sources de revenus à la taxe foncière, de même qu’aux subventions et aux prêts « conditionnels ». Dans un contexte où elles éprouvaient des difficultés financières, les cabinets provinciaux proposèrent des montants d’argent aux municipalités afin qu’elles entreprennent la construction d’infrastructures publiques, qu’elles encadrent le développement de leur territoire, ou qu’elles veillent à l’administration de services sociaux ou de soins de santé. En d’autres mots, les provinces se servirent de ces mécanismes financiers afin de gouverner les collectivités locales « à distance », pour le dire comme Engin F. Isin (1992). Si les dirigeants à la tête des municipalités demeuraient élus par la population locale, ils étaient dorénavant contraints d’exercer les fonctions de plus en plus spécifiques que leur déléguaient les gouvernements provinciaux.

Au cours de la même période, avec le développement de l’État-providence, plusieurs des services auparavant administrés ou supervisés par les corporations municipales, tels que les pensions aux mères nécessiteuses ou la sécurité du revenu, ont été confiés à des agences relevant des provinces ou du gouvernement fédéral. La grande dépression avait exposé les limites du

système de sécurité sociale résiduel administré principalement par les municipalités41. Ces dernières ne parvenaient tout simplement pas à assurer un revenu minimal qui permettrait à leurs habitants de combler leurs besoins primaires en temps de crise. La création en 1940 de programmes nationaux d’assurance-chômage et de pensions de vieillesse administrés par le gouvernement fédéral s’explique notamment par le fait que les municipalités ne disposaient ni des ressources humaines ni des ressources financières, afin d’assurer la prestation de ces biens publics. En retour, les autres services sociaux, dont ceux qui visaient les chômeurs non employables, les mères dans le besoin, l’aide à l’enfance et les pensions aux accidentés du travail demeureraient sous l’autorité des gouvernements provinciaux, et par conséquent des municipalités. Libérées du fardeau que leur imposaient les secours aux chômeurs et aux vieillards, ces dernières auraient disposé de ressources financières à l’aide desquelles ils pouvaient offrir une aide à ces populations spécifiques.

À compter des années quarante, les gouvernements provinciaux se servirent de plus en plus des subventions conditionnelles pour financer les municipalités (Andrew 1995, 139-143 ; Dupré 1968 ; Tindal, Tindal, Stewart et Smith 2017, 150 ; Taylor 1984). En effet, la pénurie d’investissements privés durant la crise, conjuguée à la précarité financière des corporations municipales et à la nécessité d’apporter une aide aux plus démunis ont effectivement provoqué le ralentissement de la construction de logements et d’infrastructures. Le développement de l’environnement bâti des localités a cependant été retardé en raison de l’éclatement du conflit

41 À ce sujet, consulter surtout Fecteau et Harvey (2012), Taschereau (2012), Guest (1995), Haddow (2002).

Certaines citations tirées des discours des premiers ministres canadiens que rapporte Guest dans son ouvrage témoignent de cette réalité. Par exemple, pour répondre à la pénurie de travail conséquente au ralentissement économique de 1921, le gouvernement Borden autorisa des subventions à l’aide desquelles les gouvernements provinciaux financeraient des travaux publics, de même que des secours aux pauvres. Bien que les fonds étaient transférés directement aux Provinces, il était entendu que l’argent serait administré par les municipalités. Comme le déclarait le premier ministre : « les secours au chômage ont toujours été, et doivent nécessairement continuer d’être, en premier lieu, du ressort des municipalités, et en deuxième lieu, de la province » (cité par Guest 1995, 106). La conception résiduelle de la sécurité sociale s’est d’ailleurs perpétuée malgré la défaite électorale des conservateurs en 1921, aux mains d’un parti libéral aux sensibilités réformistes dirigé par Mackenzie King. Pour lutter contre le chômage, le nouveau cabinet dirigé par le premier ministre proposait de poursuivre la stratégie engagée par son prédécesseur. « Le ministère adhère à cette idée selon laquelle les secours de chômage restent fondamentalement du ressort des provinces et des municipalités ; seules les conditions économiques et industrielles anormales qui prévalent actuellement, et qui sont en grande partie attribuables à la fin de la guerre, permettent de justifier l’action des autorités fédérales » (cité par Guest 1995, 107).

en Europe, l’effort de guerre mobilisant la plupart des ressources humaines et matérielles alors disponibles. Dès lors, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs collectivités locales se trouvaient aux prises avec un manque critique de logements et de services sociaux, alors qu’elles connaissaient une autre période de croissance démographique. Pour rattraper ces retards et répondre aux besoins des populations des collectivités locales, les gouvernements provinciaux ont dû apporter des soutiens financiers considérables aux municipalités, puisque ces dernières constituaient toujours l’une des principales organisations administrant des services publics à l’échelle locale.

2.3 Les réformes des structures de gouvernement métropolitain