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Introduction

Les collaborations de recherche entre chercheurs et praticiens du monde de l’éducation existent depuis longtemps (Boilevin, 2013). Ces recherches collaboratives apparaissent dans la littérature sous des termes variés, selon les objectifs poursuivis et l’implication des acteurs : recherche-action ingénierie didactique, ingénierie collaborative, ingénierie coopérative, De-sign-based research, etc. Concernant le champ des recherches en didactique, elles s’inscrivent souvent dans la mouvance des recherches en éducation ayant une visée de transformation et d’amélioration des pratiques d’enseignement et des conditions d’apprentissage des élèves. C’est par exemple le cas des travaux menés dans le cadre de la TACD qui s’appuie sur des ingénieries coopératives.

Pourquoi un développement de ce type de recherche en didactique ? Il semblerait qu’il s’agisse d’une réponse aux difficultés de transfert des résultats de la recherche (en didactique) vers les décideurs politiques et vers les enseignants. Par exemple, Bécu-Robinault (2015) voit dans cette orientation une réaction à la non-pertinence des transpositions de la recherche vers la pratique qui ne prennent pas en compte la complexité des situations éducatives.

Un panorama des recherches collaboratives

L’enjeu essentiel des recherches collaboratives est de réduire la distance entres les savoirs théoriques (recherche) et les savoirs en acte (expérience professionnelle des enseignants). Ainsi, Desgagné (2012) les définit autour de trois critères : la co-construction d’un objet de connaissance entre un chercheur et des praticiens ; des activités de production de connaissances et de développement professionnel, contribution des différents acteurs sur la base de leur expertise ; une médiation entre communauté de recherche et communauté de pratique (inter-compréhension). De leur côté, Sanchez et Monod-Ansaldi (2015) propose un diagramme phylogénétique amenant à distinguer différents courants de recherche collaboratives selon une perspective historique. Le panorama que nous proposons ci-dessous s’appuie sur ce diagramme mais nous y ajoutons une modalité très développée depuis quelques années au CREAD, l’ingénierie coopérative (Sensevy, 2011).

Recherche-action

La paternité de ce type de recherche est attribuée à Lewin. Ce courant méthodologique,

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plutôt hétérogène, repose sur un double enjeu pragmatique et théorique : le dépassement d’une difficulté pour les praticiens de manière à améliorer leur activité professionnelle ; une contribution à l’avancement du savoir pour les chercheurs. L’objectif affiché est de transformer la réalité étudiée en développant des connaissances scientifiques sur celle-ci. Mais le rôle ambigu des partenaires (chercheur, praticiens) qui évolue au cours du processus a souvent été mis en avant pour discuter de la pertinence de ce courant de recherche. Ainsi, en France, l’engagement de l’INRP (actuellement IFE) et des IREM dans ce type de recherches a été parfois sévèrement critiqué, ses détracteurs lui reprochant un caractère trop contextualisé et doutant de sa reproductibilité.

Ingénierie didactique

Cette méthodologie est apparue au sein des recherches en didactique des mathématiques.

Selon Artigue (2002) elle s’appuie sur quatre phases : une analyse préalable ; une analyse a priori ; une expérimentation ; une analyse a posteriori. On peut parler ici d’une expérimentation contrôlée dans des conditions écologiques. Le chercheur peut être considéré comme un ingénieur articulant théorie et pratique. Cependant, le travail collaboratif entre chercheur et les enseignants semble limité puisque l’ensemble du dispositif est sous le contrôle du chercheur.

Design-based reaserch (DBR) ou recherche orientée par la conception (RoC) Comme l’indique une méta-analyse réalisée par Anderson et Shattuck (2012), cette méthodologie de recherche pratique est très développée aux USA et elle vise à dépasser les limites de la recherche-action, trop centrée sur le contexte de l’étude. Pour Sanchez et Monod-Ansaldi (2015), les recherches orientées par la conception (RoC) permettent de concevoir des dispositifs techno-pédagogiques et des modèles théoriques. Dans le cadre des recherches en didactique, l’enjeu des DBR est de mobiliser la recherche pour élaborer des outils au service des pratiques quotidiennes des enseignants et de développer des connaissances scientifiques sur la base de l’analyse des outils produits (Bécu-Robinault, 2015). Il s’agit de méthodes à la fois flexibles mais systémiques permettant d'éprouver et de raffiner les modèles de la recherche dans un processus itératif (Amiel & Reeves, 2008). Ce type de dispositif permet également la formation des praticiens impliqués.

Design-Based Research selon Amiel & Reeves (2008) Ingénierie (didactique) coopérative

Développée en particulier au sein du CREAD à l’initiative de Sensevy (2011), l’ingénierie coopérative, parfois dénommée ingénierie didactique coopérative, constitue en fait une forme de DBR. Elle a donnée lieux à 5 thèses depuis 2013 et à plusieurs publications (par exemple, Sensevy, Forest, Quilio & Morales-Ibarra, 2013 ; Joffredo-Le Brun, Morellato, Sensevy & Quilio, 2018). Ce type d’ingénierie prend une forme de travail itératif. Il s’agit pour un collectif (professeurs et chercheurs) de concevoir ensemble une séquence de classe, de la mettre en œuvre, de l’analyser ensemble, de reconcevoir, de remettre en œuvre, d’analyser de nouveau, etc. Une ingénierie coopérative repose sur une série de principes : la recherche de symétrie, la division du travail classique étant dissoute ; les différences de pratique entre participants comme motrices du dialogue d’ingénierie ; la posture de l’ingénieur qui « réunit » professeur et chercheur/formateur ; une coresponsabilité assumée dans l’accomplissement du travail ; l’usage de Systèmes Hybrides Texte-Image-Son (SHTIS) pour l’organisation de l’étude des séquences, et la conservation de la mémoire de l’ingénierie.

De ce point de vue, ACE (Arithmétique et Compréhension à l’Ecole élémentaire) constitue un exemple emblématique d’ingénierie coopérative. Cette recherche, soutenue par l’Institution (Ministères, etc.) repose sur une coopération entre psychologues du développement et didacticiens. Elle aboutit à une progression complète pour enseigner la notion de nombre du CP et du CE1 (http://blog.espe-bretagne.fr/ace/?page_id=1457).

Une variante d’ingénierie coopérative est constituée par le travail collectif professeurs-formateurs-chercheurs mené au sein des Lieux d’éducation associés (LéA :

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lyon.fr/lea). Selon Gruson (2016), ces dispositifs permettent de passer d’une visée analytique des pratiques à une conception de la recherche où comprendre et transformer sont à penser en constante dialectique. Pour cette auteure, les LéA proposent une manière de rapprocher la recherche du terrain et le terrain de la recherche. Ils constituent ainsi un levier de développement professionnel pour tous les acteurs, un instrument puissant pour modifier les pratiques de tous les acteurs et une façon de favoriser la diffusion des résultats de la recherche.