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V) Mobiliser le personnel

3) Un nouveau contexte politique et social …

Roger Bourderon, écrit qu’au « lendemain de la Libération, la place de la classe ouvrière dans la Résistance est exaltée par tous. Mais cela se traduira-t-il dans la vie nationale ? »4. Cette question se pose aussi pour les travailleurs des Hauts-Fourneaux de Chasse. Mais on a déjà vu que l’autorité des dirigeants de la Compagnie n’a pas été

1 FREYSSENET Michel, « Division du travail, pratiques ouvrières et pratiques patronales, op. cit., p. 12. 2 WITHOL DE WENDEN Catherine, « Ouverture et fermeture de la France aux étrangers » Un siècle d'évolution », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2002/1, n° 73, p. 27-38, p. 33.

3 AMC, cahiers du personnel étranger n° 12.

102 remise en cause au moment de la Libération. Il n’y a pas d’occupation d’usine et la production se poursuit, comme dans bien des usines de la sidérurgie, seulement gênée par les manques d’énergie, de moyens de transport et de main d’œuvre1. Pourtant, de 1945 à 1947 deux réformes sociales considérables se produisent. Elles concernent d’une part la représentativité des salariés dans l’entreprise et donc, la remise en cause du pouvoir patronal ; et d’autre part la création d’un système d’assurances mettant les salariés à l’abri des aléas de la vie, poursuivant la remise en question des anciennes pratiques sociales paternalistes.

L’ordonnance du 22 février 1945 précise les contours du futur comité d’entreprise, permettant de clore l’expérience des comités animés par des syndicalistes, ouvriers, techniciens et cadres dans les entreprises qui se sont substitués aux directions d’entreprises faillies2. De fait, à la question de Pierre Cholat lors d’une réunion de l’ASMPL portant sur la nécessité de créer des comités patriotiques, la réponse est qu’il n’est plus nécessaire de le faire depuis que l’ordonnance portant sur les comités patriotiques a été promulguée. La discussion porte alors sur la circulaire du 13 mars 1945 qui indique les modalités de mise en place des comités d’entreprises : il est alors décidé de faire en sorte que les représentants des ouvriers soient en nombre équivalent que ceux des autres catégories de personnels ; c’est-à-dire les employés, cadres et techniciens3. Comme le nombre d’ouvriers est généralement supérieur à celle de toutes les autres catégories réunies, on comprend qu’après avoir divisé les salariés en collèges d’électeurs, il s’agit ensuite de noyer celui des ouvriers parmi les autres catégories, sans que cela ne soit trop visible4.

À Chasse, peu de documents nous permettent d’avoir accès aux premiers temps de cette institution importante. Néanmoins, il est possible de dire que les salariés délégués assistent à leur premier conseil d’administration lors de la séance du 28 juin 19465. Bien qu’ils soient seulement deux face aux cinq administrateurs assistés du directeur et de l’ingénieur en chef, ils n’hésitent pas à intervenir et à reposer leurs questions lors des séances suivantes. En cela, ils se montrent aussi actifs que leurs

1 À l’échelle française, dans MIOCHE Philippe, La sidérurgie et l’État en France des années 1940…, op. cit., p. 550.

2 Xavier Vigna parle de « fuite » dans VIGNA Xavier, Histoire des ouvriers en France au XXe siècle, Perrin, Paris, 2012, 405 p., p. 163 sqq.

3 ADR, 34J222, réunion de l’ASMPL du 27 mars 1945.

4 L’attitude du patronat de la Loire rejoint celle du CNPF qui va réagir négativement aux nouvelles prérogatives des CE d’après BOURDERON Roger, « Stratégies pour une renaissance 1944-1946 », op. cit., p. 216.

103 collègues des commissions paritaires qui négocient avec le patronat de la Loire dès 1944. Jusqu’en 1946, de très nombreux sujets sont abordés par ces derniers : l’affichage dans les entreprises, les aides aux prisonniers, déportés et aux familles des FFI, les licenciés lors des grèves de 1938, les élections prud’homales, les salaires, les abattements de zone, les classifications, l’apprentissage ou le travail de nuit et le dimanche1. Les demandes des représentants du CE de Chasse le 28 juin 1946 semblent plus locales, mais non moins précises : elles portent sur des aides concernant le ravitaillement et le transport des personnels pour le ravitaillement. Il est rappelé que cette demande a déjà été faite lors de réunions du CE pendant la première moitié de l’année. 20 000 puis 40 000 francs ont été débloqués en janvier et mai de cette année. Ce que souhaitent les représentants du CE, en s’appuyant sur une loi de novembre 1945 qui permet la reconduction des aides portant sur ravitaillement, c’est de les pérenniser : outre l’habilité tactique qui consiste à s’appuyer sur des lois qui sont désormais moins défavorables aux salariés, on a l’impression de voir des militants plutôt expérimentés à la manœuvre. Lors des séances suivantes, les représentants du CE interviennent presque à chaque fois pour porter des revendications du personnel. Elles portent par exemple sur la réorganisation de la cantine. La subvention versée pour le CE lors du second trimestre 1947 est de 439 000 francs. Elle permet les achats et vente de denrées. En outre, pour l’exercice 1946-1947, diverses subventions ont été dépensées pour les besoins suivants : sport, versements complémentaires aux vieux travailleurs ou encore médailles du travail2. Enfin, lors de la séance du conseil d’administration du 8 janvier 1948, un intéressement donné à la fin de l’exercice est réclamé par les représentants du comité d’entreprise.

Ce que l’on peut dire avec certitude sur eux est bien mince : ils s’appellent Borde, Gautier ou Gauthier, Dorel et Bonnard. Comme leurs prénoms ne sont pas indiqués dans les sources et que même l’orthographe de leur nom est imprécise – Dorel est d’abord orthographié Doron, Gautier ou Gauthier est orthographié des deux manières –, il est difficile d’avoir des renseignements très précis sur eux : on risque de les confondre avec des membres de leur familles ou des homonymes. On peut simplement constater que ce sont des hommes, de nationalité française.

1 ADR, 34J222, les premiers sujets sont évoqués à partir de la réunion de l’ASMPL du 22 septembre 1944.

104 L’autre grande réforme de la période est la création de la Sécurité sociale. Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent un organisme unique de Sécurité sociale pour environ quinze millions de salariés. Ces mesures proviennent d’un texte présenté à l’Assemblée consultative en juillet 1945 par le ministre du Travail Alexandre Parodi. La nouveauté principale est que les salariés administrent eux même les caisses dans des conseils composés en majorité de représentants des syndicats ouvriers. Les cotisations sont payées pour moitié par les salariés et pour moitié par les employeurs, mais les allocations familiales et les accidents de travail sont à la charge du patronat. En ce qui concerne les retraites, le principe de capitalisation est abandonné au profit de cotisations patronales et ouvrières1.

À Chasse, cette réforme fondamentale est accompagnée par l’entreprise. Comme l’écrit Henri Hatzfeld à propos de l’attitude du grand patronat face à la création de la Sécurité sociale, ce dernier a surtout eu la « volonté de sauvegarder ses droits gestionnaires »2. Or les Cholat sont déjà engagés dans les œuvres de secours mutuels3, ils sont donc intéressés par la poursuite de la maîtrise d’institutions sociales, même si en raison de la loi leur contrôle ne peut plus en être direct. Comme on l’a vu, on embauche alors une assistante sociale et une secrétaire en 1947. La même année, on fait construire des bureaux pour la Sécurité sociale achevés en octobre4. Ces décisions suivent de quelques mois la création du régime général de la Sécurité social le 1er juillet 1946 ; création dont l’objectif est de « de réformer profondément la législation sociale existante, afin de lui donner une ampleur et une efficacité qu’elle n’avait pas atteintes jusque-là »5.

Cette innovation majeure a cependant laissé peu de trace dans les archives des HFC, encore moins que celle du comité d’entreprise. En revanche, nous avons davantage d’information sur l’évolution des rapports entre patronat et salariés dans le contexte de ces créations.

1 BOURDERON Roger, « Stratégies pour une renaissance 1944-1946 », op. cit., p. 215-216. 2 HATZFELD Henri, Du paupérisme à la sécurité sociale, op. cit., p. 155 sqq.

3 Lucien Cholat a été président de la société de secours mutuels des fonderies, forges et aciéries de Saint-Étienne : Journal officiel du 12 août 1934, p. 8508. Pierre Cholat a été aussi vice-président honoraire de la Société de secours Mutuels des ouvriers et employés de la Compagnie des Hauts-Fourneaux de Chasse : Éric Combaluzier, plusieurs documents dont les statuts de 1938 et la composition de son conseil d’administration en 1937.

4 ADI : 56J59, déclarations de constructions nouvelles.

5 VALAT Bruno, « Le choix de la sécurité sociale », dans DREYFUS Michel, RUFFAT Michèle, VIET Vincent, VOLDMAN Danièle (dir.), Se protéger, être protéger. Une histoire des assurances sociales en France, Presses universitaires de Rennes, 2006, 352 p., p. 259.

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4) … et l’évolution des rapports entre salariés et dirigeants

L’évolution des rapports entre l’entreprise et ses salariés de la Libération à l’après-guerre doit être examinée en tenant compte du nouveau contexte politique économique et social qui est le cadre contraignant dans lequel évoluent ces rapports. Les dirigeants de l’entreprise doivent désormais tenir compte de l’évolution de la législation sociale et du développement d’une certaine démocratie d’entreprise. Les salariés expérimentent les nouveaux droits conquis dans le contexte de la Libération. La période est souvent présentée comme propice aux ouvriers, le tournant ne se produisant qu’en 1947 avec, dans le contexte « des vents violents et glacés » de la guerre froide, une « unité de la gauche [qui] vole en éclat », le mouvement ouvrier déchiré et découragé entamant alors « une longue retraite »1.

Les dirigeants des Hauts-Fourneaux de Chasse ont certes fort à faire : leur entreprise est menacée par les projets de modernisation, ils sont en concurrence avec les autres grands acteurs économiques de la région, les pénuries et les difficultés de transport freinent la relance de l’usine tandis que la reprise en main des filiales est tout sauf facile. La restauration de la légalité républicaine et les réformes sociales remettent en cause une direction « paternaliste et autocratique »2. Fragilisés, devant être présents sur plusieurs fronts, les dirigeants de Chasse ne s’en laissent pas pour autant compter : si ils plient, ils ne rompent pas ; voir ils réagissent et sont à l’offensive.

Les dirigeants de Chasse s’appuient pour cela sur les autres dirigeants de la sidérurgie à travers la Chambre syndicale ou le Syndicat de la métallurgie : les patrons sont rivaux, mais ils savent aussi quand il le faut utiliser leurs réseaux pour défendre leurs intérêts communs. On a vu par exemple, comment ils débattent ensemble de la manière de créer les collèges d’électeurs aux comités d’entreprise afin de diluer le vote ouvrier. Ces échanges peuvent aussi prendre la forme de conseils – par exemple à propos d’échanges de points de vue sur la création des comités patriotiques afin de savoir quelle expérience en ont les autres entreprises –, ou même encore prendre la forme d’une position commune contre le fait qu’un délégué d’un comité patriotique

1 WILLARD Claude, « Les couches populaires urbaines », dans BRAUDEL Fernand et LABROUSSE Ernest (dir.), op. cit., p. 945.

2 MIOCHE Philippe et ROUX jacques, Henri Malcor : un héritier des maîtres de forges, op. cit., p. 307-308.

106 puisse donner son accord à un licenciement dans une entreprise1. Le patronat peut en outre interpeler les autorités politiques ou administratives, ce qu’il fait fréquemment, par exemple en critiquant le fonctionnement du comité de confiscation de profits illicites2. Une attitude commune aux dirigeants est aussi l’atermoiement : face à une situation où ils se savent en position de faiblesse, plutôt que de refuser, ils préfèrent remettre à plus tard sous n’importe quel prétexte. On peut citer comme exemple celui de Castelnau qui demande que l’on consulte les procès verbaux des commissions paritaires pour voir si la question de l’affichage des syndicats dans les usines a été évoquée, puis comme rien n’a été trouvé à la séance suivante, on propose de trouver ensemble une « formule qui évite les abus », sans donner suite à la demande3. On retrouve une attitude semblable chez Pierre Cholat et les administrateurs des HFC qui refusant une demande d’allocation aux représentants du CE, proposent ensuite de les accorder plus tard si « elles sont motivées par les circonstances à venir »4 : de vagues promesses donc.

Pourtant, la stratégie des dirigeants des HFC ne se limite pas à une attitude hostile, d’opposition, voire de combat face aux salariés. Ils peuvent satisfaire leurs revendications et même les prévenir : outre des motifs politiques ou moraux, ce qui compte pour eux est de donner l’apparence qu’ils sont encore les maîtres de la situation ; qu’ils ont le pouvoir. Les pratiques sociales qui concernent la santé en sont un excellent exemple. La création de la Sécurité sociale n’entraine pas la disparition de toutes les mesures sociales prises pour protéger la santé des travailleurs : par exemple, la mutualité est maintenue. De plus, un infirmier est recruté en juin 1946 : il vient s’ajouter au médecin qui continue à recevoir des honoraires5 de la part de l’entreprise pour les visites qu’il effectue chez ses salariés. Ce recrutement s’effectue dans un contexte où la législation évolue6. Enfin, l’installation des bureaux de la Sécurité sociale

1 ADR, 34J222, réunion de la chambre syndicale du 30 janvier et réunion du comité de direction de l’ASMPL du 10 février 1945.

2 Ibidem, réunion du 10 février 1945

3 Ibidem, conseil de direction de l’ASMPL du 22 septembre 1944, puis commission exécutive du 28 septembre 1944.

4 ADI, 56J12, conseil d’administration du 28 juin 1946.

5 ADI, 56J60 et 56J61. Les honoraires et vacations du docteur Bal seront versés jusqu’à la fermeture de l’usine en 1966.

6 La loi du 11 octobre 1946 organise les services médicaux du travail et les rend obligatoire dans les entreprises. Les CHS créés en août 1947 vont ensuite travailler avec ces services.

107 parmi les bâtiments de l’usine est tout un symbole de l’appropriation de cette réforme ouvrière par le patronat des HFC : même le personnel est salarié par l’entreprise1.

Les ouvriers sont à l’offensive pendant la période. Ils bénéficient de mesures légales qui soutiennent leur action : par exemple, la restauration de la légalité républicaine par ordonnance le 9 août 1944 redonne aux syndicats une liberté d’action. Des institutions ouvrières, les comités patriotiques les défendent au sein des entreprises dans lesquelles les patrons ne sont plus tous puissants. Même la justice en pratiquant l’épuration, parait un temps les soutenir.

À Chasse, les revendications rejoignent celles de leurs camarades des autres usines concernant la vie chère : un cahier de revendications déposé aux Aciéries Marrel de Rive de Gier à la fin de l’année 1945 reprend cette thématique2. Outre leurs syndicats, les ouvriers peuvent compter sur une presse qui leur est moins hostile : c’est au tour du patronat de se plaindre des campagnes de presse dont il fait l’objet3. Toutefois, leurs actions paraissent inégalement coordonnées. D’une part, on trouve dans le cahier des charges de Rive de Gier toutes les revendications que l’on retrouve au niveau du bassin stéphanois : « contrôle des embauchages et des licenciements, institution d’un délégué [du comité patriotique] permanent, création d’une Commission paritaire, […], demande que les licenciés de 1938 soient réembauchés »4 ; or ce n’est pas le cas de Chasse, même si on peut néanmoins se demander dans quelle mesure ce n’est pas une lacune des sources. Ensuite, le 23 mai 1945, les usines du bassin de Rive de Gier sont en grève5, sans que l’on ne retrouve trace d’un tel mouvement dans les archives des HFC. Le 2 juin 1947, les travailleurs des Aciéries de Saint-Étienne entament une grève perlée : ils rejoignent ceux des aciéries de Saint-Chamond et Marrel. À Chasse, une réduction de production a été votée, malgré une offre d’une prime importante de production6. Puis à la fin de l’année, une seconde grève touche l’usine pendant une dizaine de jours à partir du 21 novembre7. Mais si des aides aux grévistes sont votées par le conseil municipal de Givors, il n’y a pas trace de cela à Chasse au même moment, ce qui semble indiquer une moindre ampleur de la grève dans

1 Témoignage de Simonne Arcondara du 11/03/2013. Elle a été employée au bureau de la Sécurité sociale des HFC de 1948 à 1966, date à laquelle elle a du partir pour Givors où un bureau a été créé suite à la fermeture de l’usine.

2 ADR, 34J222, réunion du conseil de direction de l’ASMPL du 4 décembre 1945. 3 Ibidem, réunion du conseil de direction de l’ASMPL du 27 mars et du 29 mai 1945. 4 Ibidem, réunion du conseil de direction de l’ASMPL du 4 décembre 1945.

5 Ibidem, réunion du conseil de direction de l’ASMPL du 29 mai 1945. 6 ADL, 117J8, conseil d’administration du 12 juin 1947.

108 la commune de l’Isère : les ateliers de l’usine sont à l’arrêt, mais pas ses hauts-fourneaux1. Or en décembre 1947, les secours sont votés à Givors en raison de « la prolongation de la grève qui est quasi générale »2 : cela relativise encore – mais cette fois-ci dans la durée – la participation du personnel des HFC à un mouvement massif et long. Les primes ont-elles finalement eu un impact ? Ou s’agit-il plutôt de la menace, par ailleurs bien réelle, du bouchage d’un des deux hauts-fourneaux à la même époque3

? Les sources ne nous apportent pas de réponse sur ce point. D’une manière plus générale, elles nous montrent cependant bien des ouvriers, dont la solidarité de classe est fluctuante dans le temps : cette dernière peut reculer, en fonction des circonstances, devant le rapport de force ou la coopération au niveau local. La réciproque est valable au niveau du patronat, comme le prouve cet exemple : alors que la consigne de ne pas reprendre de salariés licenciés en 1938 est en train d’être passée, certains patrons invoquent des mesures d’apaisement ou l’ignorance pour justifier qu’ils aient déjà effectué des réembauches, d’autres plus nuancés disent qu’il est possible de faire un choix parmi les licenciés de 19384.

Mais si les « pratiques sociales des entrepreneurs sont constantes et inévitables », elles ne peuvent pas empêcher les luttes sociales, malgré les « contrats tacites mais croisés des fidélités »5. Néanmoins, on relèvera deux grands absents dans cette histoire : les femmes et les travailleurs étrangers. Les premières n’ont pas d’élues au comité d’entreprise ou de représentants dans les syndicats des HFC. À l’échelle du bassin industriel, aucune revendication ne les concerne spécifiquement, bien que, par exemple, la question des salaires – en leur défaveur –, soit posée : un abattement maximum de 20% est applicable à partir du 1er novembre 1944, qu’elles soient ou non employées à la production, mais aucune femme n’est présente lors de ces négociations6. Elles représentent cependant une partie non négligeable des personnels, et même de la main d’œuvre ouvrière. Cela va dans le sens de ce qu’écrit Françoise Thébaud : « si les Françaises obtiennent des droits politiques par l’ordonnance du 21 avril 1944, elles ne deviennent pas pour autant, ni dans les têtes, ni dans les faits – il y a peu d’élues –, des

1 ADI, 56J12, conseil d’administration du 8 janvier 1948. 2 AMG, 1D27, conseil municipal du 2 décembre 1947. 3 ADI, 56J22, compte-rendu du CA à l’AG du 28 juin 1949.

4 ADR, 34J222, conseil de direction de l’ASMPL du 22 septembre 1944. 5 SCHWEITZER Sylvie, « Paternalismes ou pratiques sociales ? », op. cit. p. 14. 6 ADR, 34J222, commission paritaire du 19 octobre 1944.

109 citoyennes à part entière, et cette mutation politique ne s’accompagne pas d’une mutation plus générale des droits féminins qui lui aurait donné tout son sens »1.

Les seconds représentent la plus grande part des embauches des HFC : de 1945 au milieu de l’année 1947, il y a 437 embauches, mais en même temps 200 d’entre eux partent alors que la plupart sont arrivés dans la période. Ce fort turnover est observable