• Aucun résultat trouvé

SECTION I : UN MECANISME COMBATTU DANS SA LEGITIMITE

B- UN MECANISME PORTEUR D’INSECURITE JURIDIQUE

On redoute qu’on individu mal intentionné puisse avoir recours au mécanisme interpellatoire à des fins nuisibles. Ce risque d’instrumentalisation des actions interrogatoires (1) est de nature à nourrir l’illégitimité du mécanisme. On e demande par ailleurs si le nouveau mécanisme n’est pas de nature à porter atteinte aux principes de l’effet relatif des contrats (2) et d’autonomie de la volonté (3).

1- Le spectre de l’instrumentalisation des actions interrogatoires

Le risque du recours abusif actions interrogatoires – Les actions interrogatoires, si elles

visent la consolidation d’une situation juridique contractuelle qui par nature est née de la rencontre d’au moins deux volontés, ne suivent pas la même logique en vue de leur exercice. En effet, leur mise en œuvre est un acte émanant d’une seule volonté qui plus est, dans la majorité des cas, celle d’un tiers. Cet unilatéralisme combiné aux effets de ces actions interrogatoires qui peuvent aller d’une présomption irréfragable d’acceptation à une

entre un professionnel et un consommateur ne peuvent, même d'un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de celle-ci »

238 MEKKI M., « La réforme du droit des contrats et le monde des affaires : une nouvelle version du

principe comply or explain », loc.cit., n° 1, p. 20.

239

63 déchéance pure et simple d’un droit de critique, ou à tout le moins à la reconnaissance d’un droit, peuvent susciter des intentions malsaines chez ceux qui sont les titulaires des actions interrogatoires. Lorsque la mise en œuvre d’une action interrogatoire rencontre l’abstention de son destinataire, elle permet à l’interpellant de se créer unilatéralement un droit invocable lors d’un procès contre l’interrogé. Concrètement, le prétendu représenté, par exemple, qui ne voudra pas subir les effets d’un contrat conclu en nom et pour son compte sans son accord se verra opposer par le tiers contractant une habilitation reconnue au représentant par l’effet de son abstention. Ainsi le titulaire d’une action interrogatoires, fort conscients de cette hypothèse, pourraient se laisser tenter par une duperie sous couvert de la loi.

Les textes qui introduisent les actions interrogatoires ne contiennent pas de dispositions propres à l’usage frauduleux de celles-ci. Ceci peut sembler bien regrettable encore que la théorie de l’abus de droit n’intègre pas cette nouvelle catégorie d’« action ». On devrait donc craindre une prolifération d’actions interrogatoires sans fondement véritable240 car, le titulaire d’une telle action peut l’exercer dans la seule intention de nuire à son destinataire. Il en ressort que les interpellations interrogatoires sonnent comme un appel à l’abus en raison de la possibilité de se créer unilatéralement un droit contre l’interpellé. En cela ces actions interrogatoires sont lacunaires au regard de leur objectif de sécurité juridique, ce qui nourrit davantage le scepticisme doctrinal quant à leur légitimité.

Fort heureusement, l’abus de droit ne paie pas.

L’application du régime de l’abus de droit – « La théorie de l'abus apparaît comme un

moyen de résoudre les conflits entre les différents usages d'un même droit »241. Il s’agit ici de l’hypothèse où le conflit vient de ce qu'un droit accordé pour la satisfaction de l'intérêt propre de son titulaire, en l’occurrence l’action interrogatoire, est détourné de sa fonction, par l'exercice malveillant qui en est fait au détriment d'autrui. L’abus de droit peut donc servir d’instrument de police contre les excès de l’usage des actions interrogatoires lorsqu’elles sont détournées de la finalité que leur assigne le législateur. Il sera de fait nécessaire de définir la finalité des actions interrogatoires afin de contrôler l'adéquation de leur l'exercice aux intentions de leur titulaire.

240 CHANTEPIE G. et LATINA M., La réforme du droit des obligations, Commentaire théorique et pratique

dans l’ordre du code civil, op.cit., no395

241

64 Lorsque l’abus du droit d’interpellation est caractérisé, il doit être sanctionné. Un simple comportement fautif voire une légèreté blâmable devrait être suffisant à caractériser l’abus242. A l’instar de la sanction première de l’abus de droit, l’abus de l’usage d’une action interrogatoire pourrait se résoudre en l’allocation de dommages et intérêts. En effet, si l’exercice d’une action interrogatoire ne peut ne peut être à lui seul la source de la responsabilité de son titulaire, il est à noter que tout droit exercé dans des circonstances jugées abusives peut donner lieu à des dommages et intérêts243.

Au-delà de ce risque d’abus, l’insécurité que véhiculent les actions interrogatoires peut s’analyser en une atteinte au principe de l’effet relatif des contrats.

2- Une atteinte au principe de l’effet relatif des contrats ?

L’usage des actions interrogatoires aboutit à la naissance d’un droit au respect d’une situation juridique créée au profit de tiers. Il s’agit là de celles en matière d’acte préférence et en matière de représentation conventionnelle dont la titularité est offerte à un tiers. Or, les contrats sont censés n’avoir d’effet qu’entre les parties, c’est à dire celles qui ont effectivement donné leur accord à l’acte. Elles ne peuvent ainsi point nuire aux tiers ni leur profiter244. En effet cette règle qui résulte du principe de la relativité des contrats ou des conventions245 interdit à ce que les tiers soient tenus des obligations découlant du contrat. Réciproquement ils ne peuvent en principe être titulaires d’un quelconque droit en vertu du contrat auquel ils sont étrangers, de sorte qu’ils ne peuvent demander son exécution.

Cela dit cette règle de la relativité des conventions qui va de la sécurité juridique dans les rapports de droit ne peut pas être prise dans son sens plein. En effet, on peut être étranger à un contrat sans pour autant méconnaitre celui-ci. En ce sens les personnes qui ne sont pas à l’origine de la formation du contrat doivent néanmoins tenir compte de l’existence de celui-ci, ce qui justifie entre autres que la violation du pacte de préférence soit sanctionnée.

En tout état de cause, on pourrait penser que les articles 1123 et 1158 véhiculent une certaine insécurité en ce qu’elles attentent au principe d’exclusion des tiers, en leur permettant d’être en mesure de faire naitre par simple interpellation une obligation à la charge d’une partie. Cependant une telle interprétation en notre sens ne tiendrait pas au moins pour deux raisons :

242

Civ. 2e, 10 janv. 1985, Gaz. Pal. 1985. 113.

243 Civ.1re, 9 avril 2015, n° 14-11.853

244Art 1165 ancien, C.Civ ; Art. 1199 nouveau, C.Civ.

245Voir au sujet de l’effet relatif des conventions, BENABENT A., Droit des obligations, LGDJ, 15e éd. N°253 et

65

L’origine du droit du tiers – la première raison tient à l’origine du droit du tiers. En effet si

au titre de l’effet relatif des contrats, l’interdit consiste à ne faire naitre aucun droit au profit des tiers en vertu du contrat, il est à noter que le droit du tiers qui découle des actions interrogatoires ne ressort pas de ce contrat. En effet, le droit du tiers découle ici d’une sanction légale que le législateur attache au comportent de la partie qui a fait l’objet de l’interpellation. Ainsi donc, c’est le comportement de l’interpellé qui est le facteur déterminant du droit du tiers de se prévaloir de la déchéance du bénéficiaire du pacte de préférence ou du représenté à dénoncer l’irrégularité de l’acte pris en méconnaissance leur droit.

La nature du droit du tiers – la deuxième raison tient à la nature du droit du tiers. En effet

l’observation de la relativité des conventions interdit que les tiers puissent invoquer une obligation contractuelle ou une prestation à leur égard. Ce droit peut s’analyser en un droit substantiel. Or le droit que confèrent les actions interrogatoires au tiers en matière de représentation conventionnelle ou de pacte de préférence est un droit procédural. En ce sens il ne peut être soulevé qu’à l’occasion d’une instance au cours de laquelle celui à qui il est opposé voudrait le droit duquel il est déchu. Il s’agit ainsi d’un droit défensif par lequel le tiers pourra s’opposer à la contestation émise par le bénéficiaire du pacte de préférence ou du représenté. Qui souhaite écarter les conséquences de l’acte juridique conclu à son égard. Fort de ces observations il y a lieu de ne pas envisager une éventuelle faille de sécurité relativement au principe de l’effet relatif des conventions.

3- Une atteinte au principe de l’autonomie de la volonté

L’exercice d’une action interrogatoire met à la charge de l’interpellé une obligation dont il doit s’acquitter envers le titulaire de l’action. Cette obligation, qui s’acquitte par la production d’une réponse dans le délai fixé, est susceptible d’aller à l’encontre du principe de l’autonomie de la volonté. La problématique vise les trois mises en demeure en même temps. Car voilà dans les trois hypothèses une personne qui est tenue envers une autre, alors même qu’aucun contrat ou engagement unilatéral ne prédétermine son obligation. Or le principe de l’autonomie de la volonté veut que l’existence d’une obligation soit originaire de concessions réciproques qui sont la manifestation de la volonté des contractants. C’est dire qu’il ne saurait y avoir d’obligation sans volonté. Cependant les actions interrogatoires ne respectent pas cette logique. Donc cela se conçoit bien en notre sens, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire mention à ce stade d’une atteinte au principe d’autonomie de la volonté. En effet à l’instar du droit du

66 tiers interpellant à se prévaloir de la déchéance, l’obligation de réponse à la charge de l’interpellé ne découle pas d’un contrat ; aussi vrai que le principe d’autonomie de la volonté ne soit pas toujours inhérent au contrat246. L’obligation en question émane d’une prescription légale qui est la résultante de l’exercice d’une prérogative reconnue à l’interpellant. Cette prérogative s’analyse en un droit qui existe indépendamment de tout contrat existant qui le justifie. En conséquence l’obligation de réponse n’est pas une entorse à l’autonomie de la volonté.

En tout état de cause nous pensons que la légitimité du nouveau mécanisme ne fait pas défaut.