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SECTION II: L’EXERCICE CONDITIONNE DES ACTIONS INTERROGATOIRES : UNE GARANTIE DE SECURITE

B- LES ACTIONS INTERROGATOIRES : UN MECANISME AUX EFFETS CONSOLIDATIFS

CONSOLIDATIFS.

Chaque action interrogatoire porte en elle une sanction spécifique dont l’objet est la consolidation de la situation juridique de son titulaire. Cette sanction a pour cause le silence gardé par l’interrogé jusqu’à l’expiration du délai qui lui est imparti. Elle se manifeste tantôt par une fin de non-recevoir (1), tantôt par une présomption d’habilitation (2)

1- La genèse de fin de non-recevoir

La notion de fin de non-recevoir – La fin de non-recevoir s’entend de « tout moyen qui tend

à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir208 ». Il s’agit donc de ne pas permettre à l’interpellé qui n’aura pas accompli les diligences nécessaires en vue de la réponse demandée, de soulever l’irrégularité de l’acte. Elle présente ici la caractéristique d'empêcher une discussion sur le fond d'un litige avec la précision que cet empêchement n’est pas la conséquence de l'irrégularité d'un acte de procédure ou même d’un incident de l'instance. Cependant cette sanction n’est pas caractéristique de toutes les actions interrogatoires. En effet s’agissant de celle en matière de représentation, l’article 1158 consacre plutôt qu’une fin de non-recevoir, une présomption irréfragable, dès lors que le texte indique qu'à défaut de réponse du représenté, « le représentant est réputé habilité à conclure ». La sanction s’applique dès lors aux seules actions en matière de pacte de préférence et de nullité.

La fin de non-recevoir en matière de nullité – L’article 1183 répute « confirmé » le contrat

du fait de la forclusion qu’il attache au silence du bénéficiaire, laquelle est une fin de non- recevoir. Cependant le doute quant à la réalité de cette sanction peut exister du moment où l’article utilise le terme « réputé » qui laisse la porte ouverte à la présomption. Une telle analyse devrait néanmoins être écartée. C'est qu'en effet, l’usage de ce terme ne doit être considéré que comme une exigence didactique car « si le silence fait que ‘’ le contrat sera réputé confirmé ‘’, l'appel implicite à la notion de présomption par l'emploi du « réputé »

208 Art. 122, CPC, V. en ce sens, HERON J., BARS T. Le, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 5e éd., 2012,

54 ajoute peu, sinon rien, au fait que l'abstention du titulaire de l'action lui en fait perdre le bénéfice »209. Il en est d'autant plus ainsi qu'il est inutile de recourir à la présomption alors que l’abstention au bout d’un délai de six mois rend forclos l’interpellé à critiquer le contrat. La mention de la « forclusion » qui est bien une fin de non-recevoir a pour conséquence que le contrat à l’origine de l’action interrogatoire se retrouve confirmé. Cette sanction parait automatique du fait qu’elle est encourue du seul fait du non-respect du délai de six mois. Ceci est d’autant plus vrai que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion à demander la nullité du contrat est accueillie sans même que l’interpellant ait à justifier d'un grief210. Par ailleurs, peu importe que l’absence de réponse soit le fait de l’interpellé lui-même ou de son représentant. La déchéance frappe l’interpellé qui a pour seul recours l’action en responsabilité contre son mandataire, car il pourrait être reconnu la faute de ce dernier pour avoir omis de fournir la réponse à l’action interrogatoire ou pour s’y être limité sans demander la nullité dans le délai de six mois211.

La fin de non-recevoir en matière de pacte de préférence – Il est à noter par ailleurs que

l’existence d’une fin de non-recevoir n’est pas propre à l’inobservation du délai en matière de nullité. En effet, dans l’interpellation propre au pacte de préférence également, l’écoulement du délai raisonnable imparti à l’interrogé est de nature à faire naitre une fin de non-recevoir, même si l’article 1123 du code civil ne la prévoit pas expressément. En effet lorsqu’un contrat est intervenu en violation d’un pacte de préférence établi, le bénéficiaire peut agir en nullité de celui-ci ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. Il s’agit donc bien là d’un droit d’action qui est reconnu au bénéficiaire du pacte de préférence. Cependant, lorsque le silence s’observe de la part de celui-ci jusqu’à l’expiration du délai que le titulaire de l’action interrogatoire lui a accordé, il ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou sa nullité. En cela l’article 1123 alinéa 4 consacre une perte du droit d’agir qui, aux termes de l’article 122 du code de procédure civile est une fin de non- recevoir. La sanction obéit ainsi aux mêmes règles que dans le cas de nullité. Notons cependant que si le bénéficiaire perd son droit d’action au profit de la sauvegarde des intérêts du tiers interpellant, il conserve néanmoins une action contre le promettant de sorte qu’il n’est pas totalement sans recours. En effet, la fin de non-recevoir laisse subsister la responsabilité du promettant qui, malgré l’effet sécurisant de l’action interrogatoire, a violé le pacte qu’il avait consenti. On peut s’étonner cependant de ce que le bénéficiaire, bien qu’il ait

209 LAGARDE X., « Entre contrat et procédure : les actions interrogatoires », loc.cit., p.715 210 Cass. 2e civ., 11 juill. 1977, Bull. civ. II, n° 182 ; RTD civ. 1978, p. 419, obs. PERROT R. 211

55 indirectement permis la conclusion du contrat avec le tiers pour cause de l’écoulement du délai de réponse de son propre fait, soit en mesure de réclamer des dommages et intérêts au promettant. Mais cela se comprend bien d’après certains auteurs pour qui lorsque le pacte de préférence avait prévu une certaine procédure à suivre, que celle-ci ait été écartée par l’action interrogatoire. Pour eux en effet, « le bénéficiaire doit pouvoir obtenir la sanction auprès du promettant : même si le premier n’a pas répondu à l’action interrogatoire, il n’en demeure pas moins que le pacte de préférence a été violé par le second212 ».

La possibilité d’écarter la fin de non-recevoir – les articles 1123 alinéa 4 et 1183 alinéa 1

établissent des fins de non-recevoir qui s’analysent en des forclusions du fait de l’écoulement des délais impartis. Cependant il arrive que des circonstances permettent de ne pas tenir compte de l’expiration des délais, faisant ainsi obstacle à la sanction prévue. Il s’agit du relevé de forclusion par laquelle le juge pourrait permettre au destinataire de l’action interrogatoire de se prononcer sur la préférence ou d’introduire une action en nullité et ce, après l'expiration du délai. En principe, le relevé de forclusion n’intervient que dans les situations prévues par la loi et se manifeste à travers des moratoires. Cependant de tels moratoires ne sont pas prévus par le législateur en ce qui concerne les actions interrogatoires. Néanmoins on pourrait se retourner vers la jurisprudence, la jurisprudence qui reconnait qu’une personne puisse échapper à la déchéance lorsque son inaction dans le délai indiqué est due à un événement de force majeure213. En ce cas, l’interpellé devra justifier qu’il était dans l’impossibilité totale d'agir, en raison d'un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable.

Toutefois la genèse de fins de non-recevoir n’est pas la seule sanction possible. L’interpellation en matière de représentation donne lieu à une présomption d’habilitation.

2- L’existence d’une présomption d’habilitation

Lorsqu’il est effectué dans le strict respect des pouvoirs qui sont accordés au représentant, l’acte conclu par ce dernier produit ses pleins effets dans le patrimoine du représenté. Pour s’en assurer, le tiers contractant dispose de l’action interrogatoire qui lui permet d’enjoindre le représenté de confirmer les pouvoirs de son contractant dont il doute de la réalité. Seulement, à la différence des actions interrogatoires des articles 1123 et 1183, celle en matière de représentation n’instaure une fin de non-recevoir que dans le cas où l’interpellé laisserait

212 DESHAYES O., GENICON T. et LAITHIER Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de

la preuve des obligations, Commentaire article par article, op.cit, p.148

213

56 s’écouler le délai raisonnable imparti sans s’acquitter de son obligation de réponse. En effet la fin de non-recevoir n’est ouverte que là où une action est ouverte. Or, en matière de représentation conventionnelle, aucune action n’est ouverte au représenté lorsque le reprenant à agi dans la méconnaissance des limites de son habilitation. En pareil cas, l’acte « est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté214 ». Sans avoir donc un droit d’agir, il peut ignorer l’existence de l’acte quand bien même celui continuerait à produire ses effets entre le tiers et le représentant. On balancerait ainsi donc vers une autre sanction qui s’analyserait en une présomption irréfragable d’habilitation.

Une présomption d’habilitation – Lorsque l’article 1158 alinéa 2 du code civil mentionne « qu'à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte »,

on ne peut que penser que le législateur a entendu induire une habilitation tacite du silence du représenté. Ceci est d’autant plus concevable que l’article ne fait pas mention d’une autre sanction à l’instar de l’interpellation en matière de nullité qui prévoit explicitement la forclusion. Certain auteur y voit une présomption de nature irréfragable qui rend ainsi impossible l’offre d’administrer la preuve contraire215. Cette analyse est cependant critiquable dans la mesure où retenir la présomption irréfragable reviendrait à considérer le délai raisonnable impartie comme un délai préfixé de sorte qu’on y verrait une fin de non-recevoir. En effet la présomption irréfragable tout comme la fin de non-recevoir ont en commun d’empêcher toute discussion quant aux intentions du destinataire de l’action interrogatoire. La fin de non-recevoir empêche l’examen au fond tout comme la présomption irréfragable « ne souffre pas d’être renversée216 ». Il serait donc préférable de ne pas y voir une présomption irréfragable. L’idée n’y est pas cependant de permettre au représenté, qui aura laissé couler le délai raisonnable sans produire sa réponse, de prouver ultérieurement le dépassement de pouvoir du représentant. Cela reviendrait à rendre l’action interrogatoire en matière de représentation conventionnelle sans réel impact et inapte à stabiliser la situation du tiers contractant. L’idée est en revanche de permettre, comme le préconise certains auteurs, « de

214 Art. 1156 al. 1, C.Civ.

215 LAGARDE X. « Entre contrat et procédure », loc.cit. 216

57 prouver à la lumière de diverses circonstances qu’il établira, que son silence ne pouvait raisonnablement pas être interprété comme valant reconnaissance de l’habilitation217 »

En toute hypothèse et en dépit de l’ambiguïté du nouveau mécanisme quant à son champ d’application, les actions interrogatoires paraissent être un outil porteur de sécurité à la fois pour l’interrogeant et l’interrogé en raison de ses conditions et de ses effets.

Toutefois, la légitimité du nouveau mécanisme est un sujet qui divise, raison pour laquelle est douteuse.

CHAPITRE II : LES ACTIONS INTERROGATOIRES : UN MECANISME A LA