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SECTION I : UN CHAMP D’APPLICATION AUX CONTOURS FLOUS

D- L’EXISTENCE DE CRITERES NON DEFINIS DE DECLENCHEMENT DES ACTIONS INTERROGATOIRES

ACTIONS INTERROGATOIRES

Le législateur a mis en place des critères de déclanchement des actions interrogatoires. Cependant ils ne sont pas bien établis. A la lecture des dispositions interpellatoires, le simple soupçon quant à l’existence d’un pacte de préférence (1), le doute quant à l’étendue des pouvoirs du représentant (2) ou encore, la connaissance d’une cause de nullité (3) suffit à mettre en action l’interpellation. Il faudra ainsi apprécier l’étendu de chacun de ces critères.

1- Le soupçon quant à l’existence d’un pacte de préférence

Un des dangers du pacte de préférence réside dans la difficulté que peut avoir le tiers pour la connaissance de son existence. L’article 1123 du code civil dispose seulement que « le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir ». Le texte n’exige pas la connaissance sure de l’existence du pacte de préférence ce qui laisse à penser que le simple soupçon du tiers suffit à mettre en œuvre la mise en demeure. En effet, le soupçon quant à l’existence d’un pacte de préférence serait un critère suffisant qui permet d’interroger son bénéficiaire supposé sur l’existence du pacte mais également sur son intention de s’en prévaloir. La possibilité d’exécuter l’interpellation sur l’existence de ce seul soupçon ouvre un domaine très large. L’hypothèse vise toute personne qui s’apprête à conclure un contrat et qui soupçonne l’existence d’un pacte de préférence sur le bien, objet du contrat.

149 Art L. 223-14; L. 221-13, C. Com. 150

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La nature du contrat – la nature du contrat projeté peut justifier le soupçon quant à

l’existence d’un pacte de préférence. En effet le pacte de préférence peut à priori s’intégrer dans tout type de contrat. Ceci étant, il est plus fréquent dans les contrats de ventes de meubles ou d’immeubles et les cessions de droits sociaux.

La publicité du pacte – La publicité du pacte de préférence pourrait être un moyen de faire

présumer le tiers son existence. Cependant il ne faut pas trop compter sur la publicité du pacte car celle-ci n’est pas certaine. En effet, il a été décidé à l’occasion d’un revirement de jurisprudence que le pacte de préférence n'était pas soumis à publicité obligatoire. Elle ne fait l’objet que d’une publicité facultative et seulement à titre d'information des tiers151. Et même

lorsque le pacte est inclus dans un contrat ayant pour objet un immeuble, il ne pèse sur le service en charge de la publicité foncière aucune obligation de le publier. Pour que dans cette hypothèse la publication du pacte devienne obligatoire il faut d’une part, une réquisition spéciale du notaire à cette fin, d’autre part, le pacte doit faire l'objet d'un acte distinct par rapport à l'acte portant sur l’immeuble152.

Il apparait au vu de ce qui précède que le soupçon quant à l’existence d’un pacte de préférence n’est pas facile à identifier.

Qu’en est-il du doute quant à l’étendue des pouvoirs du représentant ?

2- L’appréciation du doute quant à l’étendue des pouvoirs du représentant

L’exercice de la mise en demeure en matière de représentation conventionnelle est soumis à une condition assez souple. Il suffit en effet que le contractant du représentant nourrisse un doute quant à l’étendue des pouvoirs de ce dernier pour pouvoir interpeller le représenté. Il en ressort donc que cette action interrogatoire est d’application très large d’autant plus que le législateur n’a pas entendu soumettre l’appréciation du doute à des critères objectifs. Par conséquent l’appréciation du doute est strictement subjective. De fait, le tiers peut recourir à l’interrogation à sa guise et engager le représenté par sa réponse. Cette solution peut être regrettable tant elle a pu susciter quelques réserves153. En effet l’action interrogatoire peut tendre à se créer unilatéralement un droit contre le représenté s’il garde le silence pour une raison quelconque. Fort de ce risque, il aurait sans doute été plus sécurisant pour ce dernier de

151 Cass. 3e civ., 16 mars 1994, JCP N 1994, n° 43, II, p. 310 ; Defrénois 1994, art. 35897, p. 1164, note AYNES

L.

152 CA Bordeaux, 1er oct. 1987, JCP N 1989, II, p. 17, obs. LAFOND J. 153

40 vérifier si le tiers pouvait raisonnablement nourrir un doute quant à l’étendue des pouvoirs du représentant, en prenant en compte le comportement et les déclarations du représentant à l’instar de certains textes européens154.

Pour le déclanchement de la troisième action interrogatoire, il faut avoir connaissance de la cause de nullité.

3- La connaissance de la cause de nullité

L’objet de l’action interrogatoire siégeant à l’article 1183 du code civil est d’assurer la pérennité d’une relation contractuelle. Pour ce faire, elle permet à une partie au contrat de demander à « celle qui pourrait se prévaloir de la nullité » soit de confirmer l’acte, soit d’agir dans un délai de six mois. Cependant le législateur ne définit pas de critère de déclenchement de l’interpellation. Toutefois il nous parait évident que la partie qui introduit la demande doit avoir la connaissance de la cause de nullité, à tout le moins, doit-il s’en douter. En outre il doit avoir l’intention de rendre l’acte valable.

La connaissance de la cause de nullité - La connaissance de la cause de nullité implique

deux choses : d'une part, la connaissance de l'acte nul et, d'autre part, la connaissance de la nullité de l’acte.

La connaissance de l'acte nul – Il s’agit de la connaissance soit, de l'existence de l'acte, soit

de son contenu. La connaissance de l’existence de l’acte ou de son contenu ne pose pas souvent problème dans la mesure où l’article 1183 du code civil vise les parties aux contrats. En effet celles-ci étant présentes lors de la conclusion de l’acte ne peuvent pas en ignorer l’existence. Cependant, cette connaissance ne tombe pas toujours sous le sens. En effet lorsque l’on est dans le cadre d’une représentation légale ou judiciaire, le représenté peut ne connaitre ni l’existence de l’acte ni son contenu car, de lui n’émane pas le pouvoir du représentant.

La connaissance de la nullité de l’acte – Elle passe par la connaissance de la cause de nullité

de l’acte. Cependant on ne saurait exiger une connaissance certaine de la nullité de l’acte car celle-ci « doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un

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41 commun accord155 ». Cette connaissance peut donc être simplement probable et même résulter d’un simple doute.

Au-delà de la détermination du champ d’application des actions interrogatoires, il est à noter l’exercice de celle-ci est encadré dans des conditions assez stricte. Cela se justifie sans doute par la nature « agressive » des effets attachés au nouveau mécanisme.

SECTION II: L’EXERCICE CONDITIONNE DES ACTIONS INTERROGATOIRES :