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SECTION I : UN CHAMP D’APPLICATION AUX CONTOURS FLOUS

C- LE DOMAINE DE L’ACTION EN MATIERE DE NULLITE

L’action interrogatoire en matière de nullité ne peut être mise en œuvre que si et seulement s’il s’agit d’une nullité relative (1) seule susceptible de confirmation. Cependant il n’est pas certain que son domaine s’aligne sur celui de la confirmation (2)

1- La nullité relative

A l’instar des deux premières actions interrogatoires, celle siégeant à l’article 1183 du code civil vise à mettre fin à une situation d’incertitude. Cela dit, cette dernière action est

126

Voir les délégations de pouvoirs évoquées par le livre II du Code commerce, en droit des sociétés

127 Art. L. 225-66, al. 2, C. com. 128 Art. L. 228-40, C. com., 129 Art. R. 225-29, C. com., 130

34 d’application beaucoup plus large en ce qu’elle concerne le régime des nullités. En effet, selon cet article, « une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion ». Pour ce faire, « La cause de la nullité doit avoir cessé ». La rédaction de l’article pose problème en ce qu’elle ne fait pas apparaitre avec certitude le domaine d’intervention de l’action qu’elle consacre. A première vue il semblerait qu’elle ait le même domaine que celui de la confirmation131. Cependant le doute est permis car le domaine de la conformation n’est pas limité par la condition de la cessation de la cause de nullité. La raison en est que l’action interrogatoire ne concerne que la nullité susceptible de confirmation.

Une nullité susceptible de confirmation – Aux termes de l’article 1178 du code civil, « un

contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul ». Quoi que puisse être la cause de nullité, qu’il s’agisse d’une nullité absolue ou d’une nullité relative132, le titulaire du droit de critique est toujours libre ou non d’exercer son action. L’abstention du titulaire du droit d’invoquer la nullité ne saurait être assimilée à la confirmation de l’acte nul, dès lors que l’abstentionniste peut invoquer son droit tant que le délai de prescription n’est pas dépassé. Au contraire, la confirmation est un acte positif, un acte unilatéral de volonté qui engage son auteur. Elle n’est pas possible dans tous les cas de nullité. En effet, la confirmation n’est possible que pour un acte juridique nul de nullité relative à l’exclusion de tout acte entaché d’une nullité absolue133134. La raison en est que la nullité absolue sanctionne la méconnaissance d’une condition de formation du contrat édictée dans l’intérêt de tous et pas seulement d’une partie au contrat. Ainsi, dès lors que la confirmation est une renonciation au droit de soulever la nullité du contrat, il est légitime qu’elle ne puisse pas être mise en œuvre en matière de nullité absolue car l’acte en cause porte atteinte à des considérations d’intérêt public de sorte que l’action en nullité est ouverte à tout intéressé. Par conséquent, l’action interrogatoire de l’article 1183 du code civil qui a pour effet d’opérer la purge d’un contrat nul ne saurait être mise en œuvre que dans l’éventualité d’une nullité relative. Les raisons qui justifient l’exclusion de la nullité absolue du domaine de l’action interrogatoire ne valent pas pour la nullité relative. Ceci se justifie aisément parce qu’il s’agit ici d’une nullité

131 Art. 1182, C. Civ.

132 Sur la distinction entre les deux types de nullités, FABRE-MAGNAN M., Droit des obligations 1- Contrat et

engagement unilatéral, Puf, 4e éd, 2016, n°445 et s.

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Art. 1180, al. 2, C. Civ.

134 Cette règle peut cependant être nuancée. L’article 931-2 al. 2 rend possible après le décès du donateur la

confirmation ou exécution volontaire d'une donation par les héritiers ou ayant cause du donateur alors qu’il s’agit d’une nullité absolue. V. pour la confirmation des actes nuls de nullité absolue, COUTURIER G. La

35 de protection des particuliers. De ce fait il est admissible que sous l’effet de l’action interrogatoire, le bénéficiaire de cette protection individuelle puisse y renoncer.

Qualification de la nullité relative – La nullité est relative « lorsque la règle violée a pour

seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé135 ». Elle a donc pour but de sanctionner la méconnaissance de règles édictées pour protéger uniquement un intérêt particulier. Cette restriction au seul intérêt privé écarte ainsi la qualification de nullité relative, dès lors que la condition de formation absente avait vocation à protéger, ne serait-ce qu’accessoirement, un intérêt général. Cela a pour conséquence que l’action interrogatoire risquerait de ne pas pouvoir être déclenchée dans les cas fréquents d’une nullité qui protège à la fois un intérêt privé et un intérêt général. C’est le cas d’une nullité sanctionnant des pratiques restrictives de concurrence136, ou encore de la nullité des conventions règlementées en droit des sociétés137. Ainsi pour ces nullités, la purge par l’action interrogatoire ne sera pas possible.

Se pose par ailleurs le problème de la qualification de la nullité sanctionnant une règle de formation édictée ni dans un intérêt privé ni dans un intérêt général mais dans un intérêt collectif. Ainsi la nullité des actes accomplis par une société en état de cessation des paiements dite « nullité de la période suspecte138 » et qui a pour objectif la protection des créanciers, pourrait donner lieu à des hésitations quant à sa qualification. C’est le cas également de la nullité en raison des actes de disposition portant sur le logement familial sans le consentement de l’époux, laquelle nullité vise la sauvegarde des intérêts collectifs de la famille. Néanmoins ces nullités devraient être vues comme ayant une nature privée. Toutefois, l’action interrogatoire de l’article 1183 ne saurait être déclenchée par une partie au contrat, à tout le moins dans les hypothèses précitées. En effet, d’une part, les nullités de la période suspecte font obstacle à la confirmation des actes en cause. Ceci les tendrait plus vers une qualification de nullité absolue quand bien même le droit de critique serait réservé à des personnes limitativement désignées139. D’autre part, étant donné que l’action interrogatoire est limitée aux parties au contrat, on peut légitimement considérer que, du fait du pouvoir de l’époux non consulté et tiers au contrat à demander la nullité, l’interpellation ne saurait être

135 Art. 1179, al. 2, C. Civ. 136 Art. L. 442-6, 1, 2o C.Com. 137

DESHAYES O., GENICON T. et LAITHIER Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de

la preuve des obligations, Commentaire article par article, op.cit., p. 330, cette nullité est qualifiée d’absolue

alors que ces auteurs y verraient d’avantage une nullité relation en raison de la protection d’intérêt privé. Voir en ce sens, Cass. Ch. Mixte, 10 juill. 1981, Bull. civ. 1981, ch. Mixte, no7

138

Art. L. 621-107., L. 621-108, C. Com.

139 DESHAYES O., GENICON T. et LAITHIER Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de

36 mise en action. Ceci pour la simple raison que la confirmation à laquelle aboutirait l’action interrogatoire n’engagerait pas l’époux non consulté car, lorsque « l'action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche pas les autres d'agir140 ».

Mais le domaine de la présente action interrogatoire s’aligne-t-il sur celui de la confirmation ?

2- L’alignement sur le domaine de la confirmation ?

La cessation de la cause de nullité – « La cause de nullité », c’est le caractère de l’acte qui

justifie la nullité. C’est la cause pour laquelle l’acte doit être déclarée inefficace. Ainsi, un contrat étant nul en raison de l’illicéité de l’objet, la cause de nullité peut résider dans l’exclusion de l’objet du contrat du commerce. Une vente étant nulle pour absence de pouvoir, la cause de nullité réside dans ce que le représentant n’avait pas l’habilitation nécessaire pour effectuer des actes de disposition…

La notion de « cessation de la cause de nullité » est critiquable dans la mesure où elle est toujours contemporaine à la naissance de l’acte. En outre, parce que la nullité est une sanction d’une règle de formation de l’acte, on recherchera toujours si les conditions de formation sont toutes présentes au moment de la conclusion dudit acte. Ainsi exiger que la cause de nullité doive cesser au moment de l’exercice de l’action interrogatoire reviendrait à la soumettre à un préalable inutile141. De fait, la fin de l’incapacité, la cessation de la violence ne feront pas que la cause de nullité n’ait pas été réelle au moment de la formation du contrat et toujours susceptible de provoquer l’anéantissement de celui-ci après sa découverte. En réalité, l’exigence de la cessation de la cause de nullité signifie que le vice ayant conduit à la nullité de l’acte ne doit pas conduire à la nullité de l’action interrogatoire visant la confirmation dudit acte. C’est dire qu’une personne en état de minorité ne peut pas confirmer un acte nul tant qu’elle n’est pas majeure car, l’acte confirmatif serait nul à l’instar de celui dont il vise la purge.

Le domaine de la confirmation – A l’ occasion de l’exercice de l’action interrogatoire

propre aux nullités, le contrat est réputé confirmé lorsque le titulaire de l’action ne l’exerce pas dans le délai de six mois. Tout porte à croire que le domaine de l’action interrogatoire et celui de la confirmation sont identiques. Néanmoins, l’exigence de la cessation de la cause de nullité semble restreindre le domaine de l’interpellation. En effet cette limite n’apparait pas en matière de confirmation. Tout au plus, l’article 1182 du code civil ne la prévoit en son alinéa

140 Art. 1181 al. 3, C. Civ. 141

37 3 qu’en ce qui concerne le vice de violence142. Cependant, dans les cas de dol ou d’erreur, « la condition tenant à la connaissance du vice nécessaire pour toute confirmation peut être assimilée à sa cessation dans la mesure où la personne n’est alors plus dans l’erreur »143. De même la confirmation d’un acte nul pour cause d’incapacité suppose que le vice ait cessé car l’interpellation ne peut être faite qu’à une personne capable. Par conséquent pour ces causes de nullité, l’exigence de la cessation du vice semble être sans conséquence. Par contre s’agissant du cas spécifique de la vente immobilière lésionnaire, la condition de la cessation de la cause de nullité rend le domaine de l’action interrogatoire moins important que celui de la confirmation. La raison en est que, même si le déséquilibre de la prestation n’a pas cessé, l’acte confirmatif du contrat peut intervenir cependant que l’action interrogatoire ne sera pas ouverte144. Toutefois rien n’est certain à l’heure actuelle car pensons-nous, comme le souligne un auteur, cette exigence « ne devrait pas se voir reconnaitre un rôle plus important que celui qui a toujours été le sien en matière de confirmation, à savoir : éviter que l’acte confirmatif ne soit atteint du même vice que celui qui affectait le contrat145. Sans doute faudra-t-il attendre que le juge se prononce.

Critique de la limitation inter partes de la mise en demeure - La mise en demeure en

matière de nullité est réservée à la seule partie au contrat qui pourrait intenter l’action. Une telle limitation est regrettable car les personnes qui sont en droit d’invoquer la nullité du contrat auquel manque une condition de formation édictée dans un intérêt privé peuvent être des tiers146. Il en est ainsi lorsque la nullité atteint une décision collective telle une délibération d'assemblée147. Il en est de même dans tous les cas où le tiers devait consentir à un acte étranger susceptible de nuire à ses intérêts148 notamment dans les régimes matrimoniaux. Dans le même sens, la nullité est ouverte au tiers bénéficiaire d'un droit de préemption, dans le cas où le propriétaire du bien vendrait ailleurs. Les associés peuvent également demander la nullité d’une cession de parts lorsque celle-ci est soumise à

142 « En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé. »

143 VEYRE L. ; « L’action interrogatoire en matière de nullité : personnes intéressées, soyez vigilantes ! »,

op.cit. ; V. en ce sens, SANA-CHAILLE DE NERE S. « Contrats et obligations – Confirmations des actes nuls –

Régime juridique » J. CI. Civ. Code, Fasc. 20, no8

144 VEYRE L. ; « L’action interrogatoire en matière de nullité : personnes intéressées, soyez vigilantes ! », op.cit. 145 GIJSBERG G. « L’incidence des règles relatives à la nullité, à la caducité et aux restitutions » RDI. 2016. 342 146 En effet la loi peut prévoir la nullité d’un contrat dans l’intérêt d’un tiers bien que dans la plupart des cas,

lorsqu’un contrat porte atteinte à des intérêts extérieurs, la sanction est l’inopposabilité.

147 SANA-CHAILLE DE NERE S. « Nullités et Confirmations des actes nuls – Régime juridique » J. CI. Civ.

Code, Synthèse 700, no21

148

38 l’agrément149. Et même, dans certains cas, un tiers que pourtant la loi n'a pas entendu protéger, peut agir en nullité. C’est le cas pour les personnes appelées à consentir au contrat de mariage d'un incapable150. A priori, l’action interrogatoire qui est envisagée dans la seule hypothèse où le titulaire du droit de critique est une partie au contrat, sera impossible à mettre en œuvre. Cette situation réduit considérablement le domaine et l’intérêt de l’interpellation. Sans doute faudra-t-il pour plus d’impact que le juge dépasse la lettre du texte en ne considérant pas cette limitation.

En tout état de cause l’ouverture d’une action interrogatoire n’est pas automatique. Elle résulte de critère dont l’existence n’est malheureusement pas bien définie par le législateur