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UN CONTEXTE HISTORIQUE PARTICULIER

LA RICHESSE DES SOURCES PHILOSOPHIQUES ET RELIGIEUSES

§ 1 : UNE AFFIRMATION UNITAIRE

A) UN CONTEXTE HISTORIQUE PARTICULIER

67. La notion de dignité est avant tout une notion morale, elle est nourrie à l’aune des développements philosophiques et théologiques, bien souvent réduite à une opposition entre religion et philosophie, on dit la philosophie confuse lorsqu’il s’agit de rendre compte de la dignité, et on dit la théologie bien plus organisée, n’ayant qu’une manière de rendre compte de cette dignité. Cette manière d’opposer la philosophie et la religion est fort ancienne, déjà Saint Augustin faisait état de cette opposition entre foi et raison, entre théories religieuses et philosophies s’agissant de la traditionnelle quête du bonheur : « les philosophes eux qui semblent n’assigner à leurs études d’autres buts que la découverte du genre de vie propre à donner le bonheur ; pourquoi, maîtres et disciples, et disciples entre eux, sont-ils en désaccord, sinon parce qu’ils ont procédé à cette recherche comme des hommes avec des sentiments et des raisonnements humains ? Sans doute, cela a été parmi eux émulation de

75 J-F. MATTEI L’énigme de la dignité ou le principe d’Antigone in P. PEDROT (dir.), Ethique, Droit et Dignité de la personne, Mélanges en l’honneur de Christian BOLZE., Economica, Paris, 1999 p.175-204p.3-11.

vaine gloire, désir jaloux de paraître supérieur à d’autres en sagesse, en pénétration, non l’esclave d’autrui, mais l’auteur de ses propres doctrines et de son opinion ; j’accorderais toutefois qu’il y en eut plusieurs ou même un grand nombre d’entre eux que le seul amour de la vérité a détaché de leurs maîtres ou de leurs condisciples, leur mettant les armes à la main pour ce qu’ils croyaient, à tort ou à raison être la vérité ; mais en définitive où et par où peut se diriger la misère humaine pour atteindre le bonheur, si elle n’a pour guide l’autorité divine ? Quand à nos auteurs, qui forment à juste titre le canon immuable et déterminé des saintes lettres, tant s’en faut qu’il y ait entre eux le moindre dissentiment »76.

68. Ce qui est mis en avant ce n’est pas tant le fait qu’il y ait plus de vérité dans les écrits religieux, mais plus de discipline et surtout moins de discordance. Cette discipline, derrière la seule autorité divine, cette retranscription fidèle des dires des Prophètes, voilà les raisons de la cohérence des écrits religieux, ce qui apparaît comme un gage de leur vraisemblance et pas nécessairement de la véracité des propos. Les divisions des philosophes apparaissent plus diffuses, chacun essayant de dire sa vérité des choses, le souci de la Vérité étant secondaire. C’est dans ce sens que M. Gilson affirme : « ce qui n’est, dans la Cité terrestre qu’opinion libre, devient, dans la Cité de Dieu, rupture du lien doctrinal qui fait son unité et par conséquent du lien social qui assure son existence. Le magistère divin qu’exerce l’Eglise a pour fin de maintenir l’unité de la sagesse révélée, qui est la loi constitutive de la Cité de Dieu»77.

69. Ainsi, la notion de dignité s’inscrit dans une longue tradition idéologique où religion et philosophie pendant longtemps s’entremêlent, s’inspirant l’une et l’autre, et parfois même dans une confusion des concepts, rendant intellectuellement risquée, toute tentative de distinguer ce qui relève du religieux et ce qui relève du philosophique. Il s’agit d’une période qui commence à l’époque patristique et connaît son apogée avec l’humanisme, en passant par le Moyen Age. M. Gilson dira pour rendre compte des liens entre la philosophie et la religion à cette époque : « il faut bien avouer que toute histoire de la philosophie au moyen âge présuppose la décision d’abstraire cette philosophie du milieu théologique ou elle a pris naissance, et dont on ne peut la séparer sans faire violence à la réalité historique. »78 M. Bréhier affirme également : « l’histoire de la philosophie ne peut pas être, si elle veut être

76 SAINT AUGUSTIN, La cité de Dieu. Tome 3, Traduction et notes J-C. ESLIN, Editions du Seuil, Paris, 1994, 357p.p.62.

77 E. GILSON, La philosophie au Moyen Âge : des origines patristiques à la fin du XIVè siècle. Payot, Paris, 1986, 784p. spéc.p.169

78 E. GILSON, La philosophie au Moyen Âge : des origines patristiques à la fin du XIVè siècle. Payot, Paris, 1986, 784p. spéc.p.8

fidèle, l’histoire abstraite des idées et des systèmes séparés des intentions de leurs auteurs et de l’atmosphère morale et sociale ils sont nés »79.

70. Saint Thomas d’Aquin80, pour lequel d’aucuns s’accordent pour reconnaître qu’il est le seul chrétien à avoir réussi à constituer une philosophie81, est également un « témoin de la dignité de l’homme »82. Cependant, les développements qu’il consacre à la notion de Dignité, sans nécessairement mentionner expressément la notion mêlent à la fois ses convictions religieuses et des principes philosophiques. Thomas D’Aquin surprendra lorsqu’il posera qu’il appartient à la Raison humaine et non à la volonté divine de poser les préceptes de la conduite de l’homme. « Le fait d’envisager une chose en la comparant à ses conséquences n’appartient qu’à la raison. De là vient que la conduite dictée par l’homme par la raison lui est naturelle au titre d’être raisonnable83.

71. A une autre époque elle aussi décisive dans l’évolution de la notion de dignité, celle de la renaissance humanisme, un autre auteur Pic de la Mirandole84, dont la conception de la dignité est posée en exemple en tant que conception philosophique, n’en n’est pas moins fortement religieusement connotée, dans la mesure où il s’appuie sur la notion patristique de hiérarchie des êtres, pour développer sa philosophie de la dignité. Au fond, le débat autant que l’on considère qu’il y en ait un a toujours eu lieu sur la manière de fonder ce sur quoi tout le monde s’entend sur le fond. Sous la tension apparente, sur l’opposition apparente entre philosophie et théologie, on retrouve un amour commun pour l’homme et c’est ce que réussit le mieux la dignité. C’est ainsi que philosophies et religions, se retrouvent dans leur volonté commune de marquer la spécificité de l’homme par rapport aux êtres vivants, cette volonté commune va même jusqu’à trouver dans la notion de hiérarchie des êtres sa marque la plus visible.

79 E. BREHIER,. Histoire de la philosophie. PUF, 2004, 179p.p.7.

80 SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique. II-II, Q. 57.

81 Voir en ce sens E. GILSON L’esprit de la philosophie médiévale. Librairie philosophique J. Vrin

82 Nous reprenons ici l’expression de R. SIMON Le concept de dignité de l’homme en éthique. In De dignitate hominis, Mélanges offerts à Carlos- Josaphat PINTO de OLIVEIRA, Université de fribourg, 1987, spéc.p. 265-278.

83 SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique. II-II, Q.57, a. 3, rép.

84 J. PIC De La MIRANDOLE,. De la dignité de l’homme. Traduction de Y. HERSANT, Editions du Seuil, 1993, 101p.

B) UNE ADHESION COMMUNE A L’IDEE D’UNE HIERARCHIE DES ETRES

72. Cette vision d’un monde hiérarchisé est une idée déjà présente chez Platon, c’est cependant le Pseudo-Denys qui lui donnera ses lettres de noblesse (1°).Cette idée d’une hiérarchie entre les êtres vivants explique l’emprunt à la notion de dignitas pour rendre compte de la place de l’homme dans la hiérarchie (2°).

1° La définition de la hiérarchie des êtres

73. Ce qui est sous-jacent dans cette notion de hiérarchie, c’est surtout l’inégalité naturelle entre les êtres, cependant cette inégalité n’est « point désordre et confusion, elle s’ordonne en hiérarchie »85. L’étymologie de la notion de hiérarchie trahit ses origines religieuses. La notion de hiérarchie, dans son sens premier, tiré de Hiéra- Arché signifie, origine sacrée, principe divin86.C’est donc un ordonnancement du monde par la volonté divine.

74. Cette vision d’un monde hiérarchisé est développée par Denys l’Aéropagite (Pseudo-Denys). Ses idées connaîtront un franc succès. Il représente l’une des sources les plus importantes de la pensée médiévale notamment pour son apport considérable à la compréhension de la notion de hiérarchie87. Les notions d’ordre et de hiérarchie tiennent une place importante dans l’œuvre de ce disciple de saint Paul, dont on situe l’existence entre la fin du IVème et le début du Vème siècle ap-JC. Il a lu Platon et s’est très largement inspiré de sa vison de l’univers divin et de l’univers humain comme des univers rigoureusement hiérarchisés. Denys définit la hiérarchie comme : « un ordre sacré, une science, une activité s’assimilant, autant que possible à la déiformité et, selon les illuminations dont Dieu lui a fait don, s’élevant à la mesure de ses forces vers l’imitation de Dieu »88. Toute sa pensée est articulée autour de cette idée selon laquelle il y a une unité relationnelle entre tous les êtres. La notion de hiérarchie ne doit pas s’entendre comme quelque chose qui divise. Bien au contraire, elle est unificatrice « chacun prenant part selon sa valeur et la lumière qui est en

85 J-P. RITTER, Ministérialité et chevalerie : Dignité humaine et liberté dans le droit médiéval, Imprimerie Henri Jaunin S.A. Lausanne, 1955, 282p.spéc.p.184.

86 J. THOMAS, Le Concile Vatican II. Les éditions du Cerf, 1989, 126p.spéc.p.68.

87 Pour une étude plus étayée de la pensée et de l’œuvre de Denys l’Aéropagite. Voir E. GILSON, La philosophie au Moyen Âge : des origines patristiques à la fin du XIVè siècle. Payot, Paris, 1986, 784p.

88 DENYS L’AEROPAGITE, La hiérarchie céleste. Traduction et notes de M. GANDILLAC. Les éditions du cerf, 1958, 225p.p.87

elle »89. Malgré tout, il y a une différence d’essence entre les êtres qui prennent part à la hiérarchie. Chaque niveau se définissant par rapport à celui qui le précède, il y a une gradation qui résulte du caractère proportionnel de la distribution des essences. Denys reprend la distinction Platonicienne des deux mondes, d’un monde sensible et d’un monde intelligible et organise dans chacun de ces mondes une hiérarchie. Cependant, l’homme participe de chacun de ces mondes en tant qu’être du milieu et il y a toujours la possibilité de rejoindre le monde intelligible. « Le sensible n’est donc pas coupé de l’intelligible, puisqu’il est formé à son image, et le retour vers l’intelligible est possible »90 .

75. Si nul ne songe à contester que chacun de ces êtres participe de l’essence de Dieu, une distinction s’établit cependant très rapidement entre ces êtres, d’une part, il y a des êtres qui « n’ont pas d’autre essence que celle que leur assigne leur essence »91 , et d’autre part, certains de ces êtres sont au contraire capables de se déterminer dans une certaine mesure la place qu’ils occuperont dans la hiérarchie des êtres, (…) l’homme est au nombre de ces êtres »92. Et c’est ainsi qu’il se trouve à une place privilégiée dans la hiérarchie. La place privilégiée de l’homme dans cette hiérarchie résulte de l’amour de Dieu pour lui, ce qui a notamment pour conséquence la création de l’homme à l’image de Dieu, ce qui place l’homme dans des conditions optimales d’illumination et de purification et de facto de réalisation de son dessein divin.

76. Dans l’échelle hiérarchique, il y a la possibilité pour chacun de monter ou de descendre, l’ontologie scalaire n’est donc pas fixe. Cependant l’ascension n’entraîne pas pour un inférieur la possibilité de surpasser un supérieur, puisque la procession ne modifie pas les essences. « Pour chacun des êtres dont le lot est d’appartenir à la hiérarchie, la perfection consiste à s’élever, selon que ses propres forces lui permettent, jusqu’à l’imitation de Dieu93 et, ce qui est assurément plus divin que tout à devenir, selon l’expression des Dits, coopérateurs de Dieu »94. L’ascension permet alors surtout de se rapprocher de la perfection divine, « il s’agit pour chacun des êtres de réaliser au mieux les possibilités de son être immuable (…) de remplir plus parfaitement l’office dont il a été chargé inamoviblement »95. 77. La conception dionysienne de la hiérarchie va exercer une influence certaine sur la pensée

89 DENYS L’AEROPAGITE, La hiérarchie céleste. Traduction et notes de M. GANDILLAC. Les éditions du cerf, 1958, 225p.p.87.

90 C. HECK. La hiérarchie céleste dans l’art du Moyen Âge. Flammarion, 1999, 365p.spéc.p. 36.

91 E. GILSON, La philosophie au Moyen Âge : des origines patristiques à la fin du XIVè siècle, Payot, Paris, 1986, 784p. spéc.p.86.

92 E. GILSON, La philosophie au Moyen Âge : des origines patristiques à la fin du XIVè siècle, op.cit.,p._-

93 Nous soulignons.

94 DENYS L’AEROPAGITE, La hiérarchie céleste,op.cit.,p.90

philosophique et théologique du Moyen Âge, reprise par Jean Scot Erigène, relayée par Saint Thomas D’Aquin. Chez ces auteurs, la certitude est acquise que c’est de sa place sur l’échelle des êtres que l’homme trouve sa dignité, peut être parce que plus que n’importe quelle période, la période médiévale consacre l’homo hierarchicus96. La corrélation de la dignitas hominis et de la place de l’homme dans l’ordre de la création constituera un thème majeur de la culture humaniste. C’est en effet sur fond de hiérarchie du monde et de la place de l’homme dans cet ordonnancement que se développent les philosophies de la dignité97. La dignitas hominis s’entend alors diversement de la place de l’homme au sommet de la hiérarchie des êtres, de sa medietas, ou encore de sa liberté qui lui permet de fixer librement sa place dans la hiérarchie.

2° Le recours à la dignitas pour rendre compte de la supériorité humaine

78. Si l’on s’intéresse à l’étymologie grecque98 de la notion de dignité, on retrouve l’adjectif « axios » qui renvoie à « ce qui entraîne par son poids, ce qui a du poids ». Mais, on retrouve également le substantif « axia » qui renvoie à la valeur d’une chose, à son prix, qui contient l’idée de récompense, de châtiment ou de mérite99 ; ce terme désigne ensuite une situation proportionnée au mérite, qui confère un rang élevé, des honneurs, une dignité. Si l’on s’intéresse à l’étymologie latine100, on retrouve le terme « decet » qui signifie « il convient, il est acceptable ». A ce mot se rattachent deux substantifs, « decus » et « decoris», et un adjectif, « dignus ». Les termes « decus » et « decoris », renvoient à l’origine à la bienséance, la convenance, et désignent en morale l’honneur et la gloire, « la beauté physique s’accompagnant de la dignité morale »101. L’adjectif « dignus » renvoie à « ce qui convient », ce « qui mérite », ce qui est digne.

79. L’acception première de la notion de dignitas explique que pendant longtemps, elle soit employée pour désigner une organisation hiérarchique d’un ordre de la société, qu’il s’agisse de l’organisation de la ministérialité ou de l’église. « La dignité ne s’entendait traditionnellement que selon une distribution hiérarchique tant du monde que de la

96 P. MAGNARD Ordre et Dignité, in P. MAGNARD (éd.), La dignité de l’homme,1992, Honoré Champion, Paris, 1995, p.3-12

97 Ce sera le cas des philosophies de Pic de la Mirandole, d’Erasme

98 F. MARTIN, Les mots grecs groupés par famille étymologique. Hachette classiques, 1990, 207p.

99 A. BAILLY, Dictionnaire Grec/Français, Hachette, 2000.

100 F. MARTIN, Les mots latins groupés par famille étymologique. Hachette classiques, 1990, 339p

101 A. ERNOUT, A. MEILLET, Dictionnaire étymologique de la langue latine, Klincksieck, 4ème édition, 2001, V° Decet.

société »102. A Rome, la dignitas devient « la qualification d’un titre de noblesse ou d’une fonction éminente qui conduit un homme à faire preuve en public de majesté et de gravité. Les membres de cette classe supérieure doivent se comporter avec dignité (…) »103 La dignitas apparaît comme un instrument de mesure pour la position sociale. Il faut accorder une place à chacun, reconnaître à chacun sa place. La dignitas vient toujours pour établir ou reconnaître une situation en comparaison à une autre. Il y a toujours derrière cette notion de dignitas, l’idée que la dignitas est toujours le qualificatif de ce qui est préférable. La notion à une connotation définitivement positive. Elle est même recherchée, puisqu’elle a trait à ce qui est vertueux, à ce qui à une position éminente, à ce qui est toujours enviable. Elle est le corollaire d’une organisation en degrés au sein d’un ordre donné. Et elle accompagne toujours celui qui se trouve au sommet de la hiérarchie. Carlos-Josaphat Pinto de Oliveira, envisage la dignitas comme un idéal qui désigne : « la parfaite rectitude morale, le dévouement à la cause publique, l’élévation des sentiments, resplendissant dans la grandeur, dans l’élégance et l’à-propos des gestes et des paroles. Elle est l’idéal éthique qui convient à l’homme public, investi des plus hautes fonctions. Elle synthétise et traduit dans l’esprit romain cet ensemble de vertus, de grandeur (la « magnanimité », la « munificence » …) qu’Aristote a déployé avec complaisance et que Cicéron saura accréditer dans les lettres latines »104. Le ton est donné, la dignité sera la valeur de ce qui surpasse, de ce qui n’est comparable à rien. Elle traduit l’éminence et l’excellence. Cependant, pendant très longtemps, elle n’intervient que dans un contexte socio-politique, pour rendre compte de l’organisation dans un ordre social donné, qu’il s’agisse de la dignitas consularis, senatoria, imperialis, pontificalis105.

80. « Empruntée à la culture romaine, la notion de dignitas sera privilégiée pour exprimer la compréhension chrétienne de la grandeur de l’homme en tant qu’image divine. (…) « La dignitas humana sera ainsi appelée à désigner l’être humain en tant que créature qui est l’objet d’un dessein spécial (…) »106 . Le consensus autour de la notion de dignitas pour rendre compte de cette position éminente de l’homme dans la nature, n’est alors pas une surprise. En effet, ce à quoi renvoie la notion de dignitas c’est à une idée de récompense, une volonté de marquer une spécificité, d’avoir mérité quelque chose, une place, des honneurs. C’est pourquoi l’homme se voit reconnaître une dignité lorsque la hiérarchie est transposée à

102 P. MAGNARD Ordre et Dignité, in P. MAGNARD (éd.) La dignité de l’homme, p.3-12.

103 J-F. MATTEI L’énigme de la dignité ou le principe d’Antigone in P. PEDROT (dir.) Ethique, Droit et Dignité de la personne, Mélanges en l’honneur de Christian BOLZE, p. 3-11

104 C-J. PINTO De OLIVEIRA, Ethique chrétienne et dignité de l’homme, Editions Universitaires de Fribourg, 1992, spéc.p. 9

105 C-J. PINTO De OLIVEIRA, Ethique chrétienne et dignité de l’homme, op.cit.,spéc.p. 9

l’échelle de l’humanité. Religions et philosophies se retrouvent dans leur volonté commune de rendre compte de la place éminente qu’occupe l’homme au sein de la nature. La hiérarchie va alors intervenir entre les hommes et les autres êtres vivants. Il y a cependant un parti pris anthropocentrique puisque philosophies et religions partent toutes deux de l’idée d’une place prééminente de l’homme dans la nature, la dignitas hominis rend compte de cette éminence, qui ne fait aucun doute, dans un cas comme dans l’autre. Cette perspective hiérarchique nouvelle s’impose à partir du moment où on s’interroge sur la place de l’homme dans le monde et c’est une question philosophique majeure. Philosophies et religions voient dans la différence essentielle entre les êtres vivants, une différence qui est porteuse d’un certain sens Il y a dans les différentes natures qui composent le monde, une classification non accidentelle. Il y a des raisons pour que l’homme se trouve au sommet de la hiérarchie.

81. C’est à ce moment de la discussion sur la dignité que ressurgissent les différences entre philosophie et religion, encore que le critère de distinction ne se situe pas autour d’une ligne philosophie/ religion. En effet, la divergence se fait sur le fondement, sur ce qui justifie cette spécificité de l’homme, sur ce qui en constitue l’origine.

82. Alors que les Pères de l’Eglise ont inauguré la tradition chrétienne, de « l’homme digne parce que créé à l’image de Dieu », une partie de la doctrine philosophique va se positionner contre ce fondement, cette justification divine de la dignité. C’est ainsi que deux « camps » se trouvent constitués, non pas le camp philosophique et le camp religieux, mais le camp de ceux qui, religieux, philosophes, ou hommes de lettres, voient dans Dieu, le fondement de la